Circulaire retoquée, bilan sécuritaire en berne, dissensions avec Nunez : Castaner sur la sellette ?
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner apparaît en mauvaise posture à Beauvau après une série de couacs. Et ce, alors que des rumeurs de dissensions entre lui et son secrétaire d'Etat, Laurent Nunez, ont été rapportée au Journal du dimanche.
Selon les informations du Journal du dimanche, «plusieurs témoins» auraient évoqué des «dissensions au sein du duo Christophe Castaner/Laurent Nunez» au ministère de l'Intérieur.
Le JDD évoque des sources concordantes qui seraient de nature internes et syndicales, pour soutenir son propos : le ministre et son secrétaire d'Etat auraient eu «au cours des dernières semaines» des différends qui seraient venus «semer le trouble». Les partenaires sociaux sont plusieurs fois évoqués dans l'article de l'hebdomadaire dominical, qui précisent qu'ils préfèrent témoigner «sous couvert d'anonymat» mais qui font tout de même part de leurs difficultés pour savoir à qui s'adresser au ministère de l'Intérieur pour rendre les arbitrages.
Toujours selon ces témoins syndicalistes anonymes (Alliance, Unité-SGP, Unsa-Police, SCPN, SCSI, Synergie... l'histoire ne dit pas qui a parlé à la rédaction du JDD), il arriverait que Christophe Castaner annonce des décisions aux organisations majoritaires sans que son secrétaire d'Etat ne soit mis au courant. La récente nomination du nouveau Directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, aurait ainsi créé un nouvel imbroglio au sommet du ministère.
Au moment de l'attaque de la préfecture de police de Paris par l'assaillant Mickaël Harpon, Christophe Castaner aurait également rappelé aux journalistes non avisés de ce fait que Laurent Nunez était le numéro deux de la préfecture de police lorsque les premiers signalements sur le fonctionnaire radicalisé avaient été relevés... Ce que le secrétaire d'Etat à l'Intérieur n'aurait pas apprécié.
Par ailleurs, selon l'analyse du journaliste politique Nicolas Beytout, pour Europe 1, la récente révélations de mauvais chiffres sur le plan sécuritaire en France (+8% à 10% par an) pourrait encore venir affaiblir Christophe Castaner. L'auteur de l'édito va même jusqu'à estimer que l'intéressé «est plus que jamais affaibli». L'éditorialiste précise que ces mauvais chiffres pourraient profiter à la droite française qui pourrait en faire son «cheval de bataille», Xavier Bertrand ayant récemment évoqué un «fiasco sécuritaire».
Mais surtout, ainsi que le relève Nicolas Beytout, le gouvernement se serait bien passé du récent «camouflet» du Conseil d'Etat, le 31 janvier, qui a en partie retoqué la fameuse circulaire Castaner : trois dispositions de la circulaire du ministre de l'Intérieur, visant à effacer pour les municipales la nuance politique des communes de moins de 9 000 habitants, ont été suspendues par les sages.
La culture du nouveau monde promue par l'actuel gouvernement saura-t-elle pardonner à ce fidèle marcheur ses mauvais chiffres et ses potentielles dissensions avec son secrétaire d'Etat et certains partenaires sociaux ?
Pour les policiers de terrain et certains autres syndicats, le jugement est sans appel : les policiers techniques et scientifiques grévistes sont allés jusque devant l'hôtel de Beauvau pour y jeter leurs tenues de travail en lâchant un «merci pour notre statut, monsieur Castaner» alors que le ministre refusait de les recevoir.
Les policiers scientifiques ne seront pas reçus par le ministre alors ils jettent leurs combinaisons devant Beauvau pic.twitter.com/0fRw1E2Ti6
— Antoine B (@AntoineLaBoite) January 15, 2020
Le syndicat ViGi réclame pour sa part la démission du ministre et les associations de policiers en colère, tels que l'Union nationale des policiers indépendants (UPNI) et le Collectif des policiers d'Ile-de-France (CAP-IDF), ne semblent pas non plus convaincues.
Ainsi, le CAP-IDF résumait le 30 janvier dans une publication Facebook : «L'hôte de la place Beauvau n'est en rien professionnel. Il s'écoute parler et ne donne aucune directive. Il ne prend aucune décision, tergiverse et laisse ainsi la Maison se délabrer de mois en mois. Il se tape éperdument de notre institution, c'est une réelle constatation. On ne s'y prendrait pas autrement si l'on souhaitait la mort inexorable des troupes [en] tenue et civiles.»
Christophe Castaner saura-t-il garder son poste au ministère de l'Intérieur s'il ne bénéficie plus du soutien des grands syndicats de police, qui se sont finalement rangés à l'avis des policiers en colère et des syndicats plus minoritaires ? Affaire à suivre...
Antoine Boitel