Elections européennes : se dirige-t-on vers un taux d’abstention record en France ?
En dépit des appels insistant d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen à aller voter, c'est bien l'abstention qui pourrait sortir vainqueur du scrutin en France, selon les sondages. Une habitude dans le pays, mais aussi sur le reste du Vieux continent.
A l'instar de la plupart des cycles électoraux de ces derniers mois, les élections européennes revêtent une importance capitale pour l'Union européenne. Particulièrement après le tremblement de terre du Brexit, dont le Vieux continent est encore loin d'avoir digéré toutes les secousses. Le bloc européen se trouve de nouveau – et de façon plus pressante encore – confronté à un choix décisif concernant son avenir : emprunter la voie d'une intégration plus poussée de ses Etats membres ou changer de cap vers une Europe des nations.
C'est en tout cas l'analyse qu'en tire le président français Emmanuel Macron, européiste convaincu, qui ne ménage pas ses efforts pour souligner l'importance du scrutin. Prenant le relais médiatique d'une Nathalie Loiseau (la tête de liste du mouvement Renaissance qu'il soutient) à la dérive, le chef d'Etat déploie une énergie considérable pour parvenir à mobiliser les électeurs. Et pour cause, le grand vainqueur du scrutin pourrait bien être l'abstention, si l'on se fie aux derniers sondages qui estiment qu'elle se situera entre 55% et 59%.
«Quand il y a de l’abstention, c’est un échec pour la démocratie», a d'ailleurs insisté Emmanuel Macron, dans un entretien accordé le 20 mai à la presse régionale. Le chef de l'Etat n'a pas hésité à jouer sur les peurs pour stimuler la participation au scrutin, évoquant le «risque existentiel» encouru, selon lui, par l'Europe. «Si, en tant que chef de l’Etat, je laisse se disloquer l’Europe qui a construit la paix, qui a apporté de la prospérité, j’aurai une responsabilité devant l’Histoire», a-t-il solennellement déclaré.
Idéologiquement opposée au camp des «progressistes» représenté par la majorité, la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen s'accorde avec cette dernière sur la nécessité de se rendre aux urnes, appelant notamment les Gilets jaunes a traduire leur mécontentement par un bulletin de vote. «À ceux qui ont été sur les ronds-points, je viens leur dire que le moyen pacifique et démocratique de pouvoir obtenir quelque chose, et de faire que le 26 mai, toutes ces semaines et ces semaines de lutte, de combat, de mobilisation ne soient pas rayées d'un trait de plume, c'est d'aller voter pour [la liste du RN]», a ainsi déclaré celle qui entretient l'idée d'une union des partis dit «populistes» au parlement européen.
Une élection qui ne mobilise pas
Pourtant le scrutin européen a toujours peiné à mobiliser les électeurs français et, en dépit des enjeux présentés par les favoris, celui-ci ne devrait pas faire exception. Depuis 1979, où il s'établissait à 60,71%, le taux de participation des Français est en chute libre et rien ne semble pouvoir enrayer cette tendance. A peine au-dessus de la moitié du corps électoral en 1994 (52,71%), la participation a en effet dégringolé jusqu'à son plus bas historique en 2009 (40,63%), avant de très légèrement remonter en 2014 (42,43%). Confrontée à une crise sociale inédite avec les Gilets jaunes, qui remettent en question les règles de la représentation autant que les institutions européennes, il serait surprenant de constater une participation massive des Français au scrutin.
Le dédain pour l'élection européenne n'est pas pour autant une spécialité française, loin s'en faut. Ainsi, la République tchèque et la Slovaquie, membres du bloc depuis 2004 enregistrent des taux de participation particulièrement bas : respectivement 18,21% et 13,05% en 2014. Autres nouveaux venus, les Polonais, les Slovènes ou encore les Croates n'avaient pas fait beaucoup mieux la même année, avec une participation aux alentours de 25%. Pilier de la construction européenne, l'Allemagne ne parvenait quant à elle même pas à mobiliser la moitié de ses électeurs (48,10%). Globalement, les chiffres de la participation au sein du bloc demeurent en deçà des 50% (42,61%). Deux exceptions viennent éclaircir ce bien terne tableau, en 2014), la Belgique (89,64%), et le Luxembourg (85,55%)... où le vote est obligatoire.
Ironie de l'Histoire, il faudra peut-être regarder du côté des Britanniques, qui vont élire des élus européens alors qu'ils sont en pleine négociation pour sortir de l'UE, pour voir un sursaut dans la participation au scrutin (35,60% en 2014). Or, si l'on en croit les sondages, le Brexit party, formation dirigé par l'eurosceptique Nigel Farage dont l'unique objectif est d'enfin mettre en œuvre le processus de sortie de l'UE, devrait tout emporter sur son passage...
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