Ultras chez les Gilets jaunes, «ingérence russe» : Macron a-t-il contredit le renseignement ?
L’ultra-droite et l’ultra-gauche seraient «quasi inexistantes» au sein des Gilets jaunes. C'est ce qu'auraient conclu les services de renseignement au moment même où Emmanuel Macron mettait en garde contre la présence de ces mouvances.
«C’est l’histoire d’un président qui raconte le contraire de ce que lui résument ses services de renseignement», rapporte Mediapart, pour introduire son enquête publiée le 8 mars.
Fin janvier 2018, Emmanuel Macron évoquait «40 000 à 50 000 militants ultras» au sein des Gilets jaunes, mettant en garde contre les violences orchestrées par les extrêmes. Le président de la République épinglait spécifiquement, devant des journalistes, la «fachosphère» et la «gauchosphère» qui avaient selon lui surinvesti les réseaux sociaux dans le cadre de cette mobilisation.
Or, l'enquête révèle qu'au même moment, les services de renseignement «dressaient un constat exactement inverse», dans des notes remontant à l'Elysée. Selon les informations de Mediapart, la DGSI aurait conclu une de ses notes par le constat suivant : «La scène d’ultra-droite est aujourd’hui quasi inexistante au sein des cortèges» des Gilets jaunes.
Deux raisons expliqueraient ce désengagement selon les services : l’ultra-droite aurait échoué à prendre la tête de ce mouvement social et certains groupuscules anti-islam refuseraient de se mêler aux Gilets jaunes, car on y trouvait des musulmans. D'autre part, comme l’avait déjà rapporté Mediapart, une vague d’interpellations début décembre aurait découragé nombre de militants d'ultra-droite.
Même chose pour l'ultra-gauche. «L’ultragauche s’est impliquée de manière limitée dans un mouvement perçu comme populiste et réactionnaire», écrit-on à la DGSI, selon la même source.
Mediapart, qui a pu consulter les chiffres de différents services de renseignement, estime à 300 «au grand maximum» les militants d’ultra-droite et ultra-gauche réunis au plus fort du mouvement, début décembre. Ils ne seraient plus que quelques dizaines aujourd'hui. Des chiffres très éloignés, donc, de ceux avancés par le président de la République.
«Pas la moindre trace d’ingérence russe»
Mediapart s'est également penché sur la question de la supposée ingérence russe dans la médiatisation du mouvement des Gilets jaunes. Toujours le 31 janvier, Emmanuel Macron décrivait le mouvement des Gilets jaunes comme «une manipulation des extrêmes», orchestrée notamment par la Russie.
Mediapart rappelle que, dès le 16 décembre, le Journal du Dimanche publiait le témoignage d’«un cadre des services de renseignement » assurant que «la DGSE et la DGSI n’[avaient] pour le moment pas réussi à documenter une implication directe des services russes dans la diffusion de fausses informations ou de rumeurs complotistes dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes».
Des témoignages récents recueillis par Mediapart confirmeraient ce constat : «La DGSI et la DGSE n’auraient toujours pas trouvé la moindre trace d’ingérence russe», rapporte le site d'investigation. Plus encore : le média rapporte qu'un haut cadre du renseignement français avait exprimé son «effarement» quand il a découvert les propos d’Emmanuel Macron.
Contacté par Mediapart pour confirmer ces révélations, l'Elysée n'a pas répondu.
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