La commission d'enquête du Sénat demande des poursuites contre Benalla pour «faux témoignage»
- Avec AFP
La commission d'enquête a demandé au Bureau du Sénat de saisir la justice pour «faux témoignage» de la part d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase. Le parquet a annoncé avoir une enquête pour «dissimulation de preuves» la semaine dernière.
Dans une lettre adressée au président du Sénat Gérard Larcher, dont l'AFP a eu connaissance le 20 février en fin de matinée, la commission d'enquête sur l'affaire Benalla demande à saisir la justice pour «faux témoignage» de la part d'Alexandre Benalla et de Vincent Crase, tous deux en détention provisoire depuis le 19 février.
Elle met également en cause le témoignage de trois hauts responsables à l'Elysée, Patrick Strzoda, Alexis Kohler et le général Lionel Lavergne, les soupçonnant d'«omissions, incohérences» et «contradictions». La Commission demande donc la saisine de la justice sur les déclarations des principaux collaborateurs du président.
Dans sa demande, la commission pointait une série de «dysfonctionnements majeurs au sein des services de l'Etat», qui ont pu «affecter» la sécurité du président et «les intérêts» du pays, dans son rapport rendu public ce 20 février. Le rapport dont a eu connaissance l'AFP fait savoir que ces «dysfonctionnements majeurs» affectent le plus haut niveau de l'Etat.
En conséquence, la commission d'enquête formule 13 préconisations et elle demande notamment la fin du recours à des «collaborateurs officieux» de la part du président la République, Emmanuel Macron, selon cette même source. Les sénateurs suggèrent de"«réformer» la sécurité de l'Elysée afin de «garantir un haut niveau de sécurité» au chef de l'Etat.
Les sénateurs demandent la fin du recours à des «collaborateurs officieux»
Ils proposent de «réformer le cadre réglementaire relatif au groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), afin d'une part de réaffirmer la compétence exclusive des membres des forces de sécurité intérieure pour assurer la sécurité du chef de l'Etat, d'autre part de formaliser les règles et procédures de recrutement.» Alexandre Benalla, chargé de la protection du président, ne faisait pas partie du GSPR. Les élus se disent aussi partisans de «maintenir la responsabilité organique du ministère de l'Intérieur» sur le GSPR et de «prévoir l'avis du chef du service de la protection sur la composition de ce groupe».
Les sénateurs proposent aussi de «renforcer la transparence des recrutements dans les différentes réserves de la gendarmerie nationale». Réserviste dans la gendarmerie, Alexandre Benalla avait obtenu en 2017 le grade de lieutenant-colonel. Ils ajoutent qu'il faut «rappeler» les «règles déontologiques» régissant les relations entre les collaborateurs de l'Elysée et ceux des cabinets ministériels et administrations centrales (proposition 3) et «mettre fin à la pratique des conseillers communs» au président et au Premier ministre.
Des pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté
La commission présidée par Philippe Bas (Les Républicains) suggère également de «conditionner le recrutement des collaborateurs» du président à «une enquête administrative préalable» pour «s'assurer de la compatibilité de leur comportement» avec leurs missions futures. Outre ce renforcement de la «transparence», la commission veut améliorer les garanties pour «un haut niveau de sécurité» du président et «renforcer les pouvoirs de contrôles du Parlement».
La commission évoque également «des pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté» dans le domaine de la sécurité du président, et «un sérieux manque de précaution dans la prévention des conflits d'intérêts de certains collaborateurs», en référence au contrat négocié avec un homme d'affaires russe par Alexandre Benalla et Vincent Crase.
Dans sa lettre au président du Sénat, Gérard Larcher, la commission aborde différents points sensibles et fait valoir les six mois de travaux réalisés par les membres de cette commission, son président et ses corapporteurs, Philippe Bas, Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur. Les membres de la commission demandent notamment à Gérard Larcher «de bien vouloir demander au Bureau du Sénat de saisir le ministère public des déclarations» des deux hommes «susceptibles de pouvoir donner lieu à des poursuites pour faux témoignage». Ils appuient leur démonstration sur trois aspects abordés pendant leur enquête: «le périmètre des fonctions confiées à monsieur Alexandre Benalla et son rôle dans le dispositif de sécurité du chef de l'Etat», ses passeports diplomatiques, et «le contrat de sécurité privée conclu par la société Mars pour le compte de monsieur Iskander Makhmoudov».
La lettre poursuit : «Plusieurs éléments concordants conduisent à penser qu'Alexandre Benalla, contrairement à ses affirmations, assurait bien, dans les faits, une fonction de protection rapprochée du chef de l'Etat.» Les corapporteurs évoquent en particulier le «permis de port d'arme délivré à la demande de sa hiérarchie» et «la position qu'il occupait en permanence à proximité immédiate du chef de l'Etat au cours des déplacements auxquels il participait.»
Philippe Bas charge rappelle qu'il ne s'agit pas d'«une affaire personnelle»
En outre, les sénateurs épinglent «un manque de diligences dans le suivi et le retrait des moyens alloués à Alexandre Benalla après son licenciement (passeports, téléphone Teorem, etc.)», et aussi «une réaction tardive pour s'assurer du respect, par l'intéressé, de ses obligations déontologiques à l'issue de son contrat.»
La sécurité du président de la République a été affectée
Devant la presse, Philippe Bas a souligné que la commission d'enquête avait «réuni suffisamment d'éléments pour estimer que la sécurité du président de la République a été affectée» et a précisé que la sécurité du chef de l'Etat Emmanuel Macron «n'est pas une affaire personnelle ; elle regarde tous les Français et doit être au niveau des meilleurs standards internationaux.»
Enquête ouverte pour «dissimulation de preuves»
Le parquet de Paris a annoncé le 20 février avoir ouvert la semaine dernière une enquête préliminaire pour déterminer s'il y a pu avoir des «dissimulations de preuves» dans le cadre des différentes enquêtes visant Alexandre Benalla et son entourage.
Cette enquête ouverte vendredi 15 février a été confiée à la brigade criminelle. Elle vise notamment des propos tenus en garde à vue par l'ex-chargé de mission à l'Elysée sur son coffre-fort, qui n'a jamais été retrouvé par les enquêteurs, mais aussi les enregistrements de ses conversations avec son ami Vincent Crase dans lesquelles ils évoquent des messages effacés de leur téléphone, selon une source proche du dossier à l'AFP.
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