De la droite chiraquienne au ministère de la Culture : qui est Franck Riester ?
Il était rapporteur de la loi Hadopi et membre de la commission Copé sur l'audiovisuel public. Franck Riester, le président d’Agir, la droite constructive, écope du ministère de la Culture. Il est réputé maîtriser les dossiers liés au numérique.
Exit Françoise Nyssen. La ministre de la Culture mise sur la sellette par une encombrante affaire liée aux travaux effectués sans autorisations au siège de la maison d'édition Actes Sud. Dans le cadre du remaniement ministériel opéré par Edouard Philippe, elle a été remplacée par Franck Riester, 44 ans, jeune député de Seine-et Marne et ancien lieutenant ambitieux de l'UMP, devenu président d'Agir, parti de centre-droit Macron-compatible.
La passation entre Françoise Nyssen et Franck Riester a eu lieu à 13h30 le 16 octobre. Sur le compte Twitter du nouveau chef de la rue de Valois se lisent ses préoccupations pour Coulommiers, dont il est originaire et dont il a été maire. Très peu d'allusions sont faites à l'art sur ce réseau social, et l'homme est d'ailleurs paradoxalement un inconnu des cercles de la culture...
A défaut d'y débusquer des indices sur ses préférences artistiques, on y déniche une récente pique à La République en marche en septembre 2018. Le président d'Agir explique dans un tweet que son parti est exempt du «culte du chef» selon lui «propre» au parti d'Emmanuel Macron.
Entré très jeune en politique, Franck Riester a fait ses premiers pas de militant RPR à l'âge de 16 ans. Il s’est engagé auprès du chiraquien Guy Drut (RPR) à Coulommiers en 1995, à 21 ans. Elu au conseil municipal de la ville, il a été nommé adjoint au maire chargé des Finances en 2001. En 2007, il se fait élire député de la 5e circonscription de Seine-et-Marne sous la bannière de l’UMP, devenant l'un des benjamins de l'Assemblée nationale. En mars 2008, il devient finalement maire de Coulommiers.
En parallèle, Franck Riester poursuit une carrière dans le privé. Diplômé des écoles de gestion et de commerce de l'ISG et de l'Essec, il a officié en tant que consultant au cabinet Arthur Andersen. Il a repris l’entreprise familiale créée en 1928 à Coulommiers, à la tête d’une douzaine de concessions automobiles en Ile-de-France. La société dont il détient 90% des parts, Riester SAS, a réalisé un bénéfice net de 315 400 euros en 2016.
Soutien des ténors UMP finalement exclu des Républicains
Homme d’appareil, l’ambitieux Franck Riester a occupé diverses fonctions au sein de l’UMP puis des Républicains avant d’en être exclu.
Mais son long séjour à l'UMP est marqué par des collaborations avec les ténors du parti, qui lui donnent une image d'ambitieux. Le jeune militant est devenu responsable des jeunes RPR de Seine-et-Marne en 2001, alors qu’il n'était encore qu'étudiant. En 2008, il est intégré à la réflexion de la commission sur l'audiovisuel public par Jean-François Copé dont il est longtemps resté proche. Sa carrière connaît une réelle accélération lorsqu'il est nommé secrétaire national de l’UMP chargé de la communication en 2011, puis porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy, qu'il délaissera par la suite, en 2012 pendant la campagne présidentielle. Il a ensuite soutenu la motion «France moderne et humaniste» emmenée par Jean-Pierre Raffarin, qui en a fait son porte-parole. Franck Riester a fini par occuper le poste de secrétaire général adjoint de l’UMP en 2013.
Homosexuel assumé, l'homme s'est érigé contre son parti en 2013 en se prononçant pour le mariage gay, puis a dénoncé la «droitisation» des Républicains. Il a co-fondé le groupe parlementaire les Constructifs, rassemblant républicains, UDI et indépendants. Sa complaisance envers Emmanuel Macron lui a valu d'être exclu en octobre 2017 des Républicains.
« Nous avons une responsabilité immense : celle de ne pas oublier le don inestimable des pères fondateurs de l’#Europe [...] la Paix » #JePrefereAgir 👇 pic.twitter.com/M3MmAOomqA
— Franck Riester (@franckriester) October 8, 2018
Pour renforcer la portée politique de cette formation coincée entre LREM et LR, il a créé le parti politique «Agir, la droite constructive» dont il est devenu président en septembre 2017. Adversaire avéré de Laurent Wauquiez, Franck Riester compte «défendre les idées libérales, sociales, européennes, humanistes et réformistes de la droite et du centre», et se battre contre l'euroscepticisme et le populisme.
La culture... sous un angle numérique
Ses activités dans les coulisses des partis politiques ne semblaient pas prédisposer Franck Riester au secteur de la culture. A défaut d'avoir arpenté les scènes et les musées, il s'est forgé une image de monsieur Numérique. En 2008, il a été membre de la commission Copé sur l'audiovisuel public, puis a été nommé rapporteur de la loi Hadopi 1 et 2 à partir de 2009. Franck Riester est aussi devenu membre du collège de la haute autorité chargé de la loi contre le piratage et de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.
Il a remis le 3 octobre 2011 un rapport sur la «création musicale et diversité à l’ère numérique, en vue de la modernisation du cadre juridique du soutien à la filière musicale» au ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, une personnalité avec laquelle il se trouvait en bons termes. Il aurait à l’époque postulé en coulisses au poste de secrétaire d'Etat à la Communication, qui dépendait de ce ministère, sans l'obtenir. Franck Riester a également été administrateur de l'INA (Institut national de l'audiovisuel) de 2013 à 2017, et de la chaîne LCP-Assemblée nationale de 2008 à 2017.
Le nouvel homme fort de la rue de Valois est donc considéré en France comme un des parlementaires français experts du secteur audiovisuel. Il devrait avoir les coudées franches pour se consacrer à la réforme de l’audiovisuel public. Désireux de créer une «BBC à la française», de supprimer la publicité (mis à part les partenariats sportifs), ou encore d’instaurer une redevance universelle, il est favorable à l’adaptation de la télévision aux usages actuels du numérique, comme la valorisation des contenus.
Franck Riester, pourfendeur des «fake news»
La nouveau ministre de la Culture va-t-il reprendre le flambeau de la lutte contre la manipulation de l'info ? Après avoir été rejetée par la Sénat en juillet, la proposition de loi ordinaire relative à la lutte contre la «manipulation de l'information» a bien été adoptée par l'Assemblée nationale, dans la nuit du 9 au 10 octobre. La ministre avait annoncé à cette occasion le lancement d'une mission en vue de la création d'un «conseil de déontologie de la presse», confiée à l'ex-PDG de l'AFP Emmanuel Hoog. Il restera donc un chantier «infox» pour Franck Riester.
Ce connaisseur du numérique a montré qu’il était un ardent partisan de la loi sur la manipulation de l'information, en critiquant les opposants à ce projet. «Eric Ciotti et Les Républicains sont quand même souvent assez contre tous les textes qui sont aujourd'hui proposés par le gouvernement par principe», avait-il lancé. Pour débusquer les fausses nouvelles et analyser l'information, il avait déclaré qu’il fallait «regarder tous les leviers qui [...] permettr[aient], en France, en Europe et dans le monde, de progresser sur cette question».
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