Le 17 avril 2022, un décret fixe les modalités de la mise à mort du corps diplomattique français. Cette extinction progressive fait perdre la souvraineté de notre pays ce qui déclenche des contestations nationales.
Juste avant la fin de son premier mandat présidentiel, Emmanuel Macron a finalisé sa réforme de l’État avec la mise à mort du corps diplomatique. Ainsi, dans une étrange logique d’efficacité, les grands corps de l’Administration française sont fondus dans un corps unique d’Administrateurs, préservant en son sein une place particulière toutefois aux Cadres d’Orient. Cette réforme s’inscrit dans le culte la sacro-sainte «mobilité», qui manifestement est en soi une condition «d’efficacité» ; ce qui n’a jamais été prouvé, mais les cultes ne se prouvent pas, ils s’exercent.
Ainsi, dans le nouveau pot-pourri de l’État français, chaque Administrateur pourra avec autant de doigté, de finesse et de compétence – qui oserait en douter ? – passer de la sous-préfecture au Quai d’Orsay et quitter Besançon pour Le Caire. Comme le justifiait le gouvernement alors, il paraît que les diplomates français brûlaient d’envie de changement, de s’occuper de l’agriculture pour ensuite revenir tout ragaillardis à la diplomatie.
Pour garantir cette dilution de la haute fonction publique française, le corps diplomatique sera «mis en extinction» à partir de 2023. En extinction, l’expression fait froid dans le dos. Les diplomates français rejoindront ainsi la liste des espèces en voie de disparition, allant de l’ours polaire au panda roux en passant par le poisson-lune. Pourtant, l’espèce diplomatique se trouve dans une situation particulièrement défavorisée au regard de ses compagnons d’infortune «en voie d’extinction», car si chacun se bat pour permettre à ces animaux de survivre, son extinction à elle est programmée, légiférée, estampillée, applaudie. Le diplomate est manifestement une espèce, qui appartient au passé, un anachronisme dont Macron veut débarrasser la France.
La disparition du diplomate doit permettre, dans ce monde déconstruit, une plus grande efficacité de la diplomatie. L’absurdité de l’affirmation accompagne parfaitement l’époque, même si le renforcement de la situation conflictuelle soulève de sérieuses questions de timing.
La diplomatie française, selon Kissinger, serait née avec le Cardinal de Richelieu et la notion de raison d’État, elle vient d’être mise à mort par Macron. Chaque époque a ses grands hommes, en tout cas ceux qui lui ressemblent. La diplomatie accompagne l’État à chaque pas, à chaque conflit ; avec l’armée, la diplomatie est le deuxième bras de l’État, qui lui permet de défendre son intérêt national, de projeter cette vision nationale au-delà des frontières, de résoudre les conflits qui lui portent atteinte. La diplomatie est un métier, elle est faite de professionnels et non pas de managers interchangeables, qui passent d’un service à un autre.
La réforme mise en place tue la diplomatie en ce qu’elle tue le professionnalisme. Le corps diplomatique va finir par être constitué de, dirait-on, «effectives managers» et des «copains à placer». Si le corps diplomatique était toujours ligoté par les lignes politiques posées par le Chef de l’État, le professionnalisme de ses membres, leur maîtrise du milieu culturel, où ils devaient exercer, devait permettre de limiter les effets négatifs la vision politique situative des clans politiques au pouvoir à un moment donné. En voulant mettre fin «aux castes administratives», Macron remet au goût du jour les petites cours et les favoris, finalement il remplace les castes par des cliques.
Dès qu’un État a une politique étrangère, il a une diplomatie. Mais seul un État souverain peut avoir une politique étrangère, car s’il n’est plus souverain, il participe à l’exécution d’une ligne politique, qui le dépasse. Or, que reste-t-il de la souveraineté de la France aujourd’hui ? Sa ligne radicalement et exclusivement atlantiste est celle du monde global et elle la met en œuvre sans retenue, ni réflexion, allant à l’encontre même de son intérêt national. Ce que l’on constate à l’égard de la politique étrangère se constate dans les autres domaines, allant de la désindustrialisation, à la remise en cause des acquis sociaux en passant par les réécriture des programmes scolaires.
Et chaque pas en avant dans cette globalisation atlantiste, qui détruit toujours un peu la souveraineté de la France, s’accompagne d’un mouvement de contestation nationale. Nous avons eu les Gilets Jaunes, les manifestations contre le régime covidien, désormais même les diplomates se mettent en grève, sortent dans la rue. Les discours populistes surfant sur la vague facile du «mais ils ne servent à rien», «mais ils ne font rien» ou «regardez ce qu’ils font» permet de faire passer l’idée dans l’opinion publique, qui de toute manière a d’autres priorités aujourd’hui.
Pourtant, cela n’est pas anodin. Mettre formellement à mort le corps diplomatique, c’est amputer la France de sa dimension internationale, c’est amputer la France de son histoire et la priver de tout avenir. La France sans véritable corps diplomatique ne peut survivre sur l’échiquier géopolitique, car elle ne peut plus être prise au sérieux. Quel rôle pourrait-elle jouer dans un conflit, par exemple dans le conflit ukrainien, si elle n’a même plus de diplomates professionnels ? Déjà aujourd’hui, ils sont totalement liés par les lignes dures atlantistes, mais sans diplomates professionnels, la France devient un pays de seconde zone, le devient officiellement, l’annonce à la face du monde. Cette réforme est une trahison.