«Washington est le premier à tirer profit» de l’adhésion du Monténégro à l'OTAN

«Washington est le premier à tirer profit» de l’adhésion du Monténégro à l'OTAN© Stevo Vasiljevic Source: Reuters
Images d'archives d'une base militaire au Monténégro.
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Le Monténégro, après avoir enduré les bombardements de l'OTAN, en est devenu membre. Pour le politologue Nikola Mirkovic, cela profite aux intérêts des Etats-Unis mais ne fait qu'aggraver les tensions dans la région.

RT France : Depuis le 5 juin dernier, le Monténégro est devenu membre de l’Otan. En termes sécuritaires et géopolitiques, à qui profite cette nouvelle adhésion ?

Nikola Mirkovic (N. M.) : Avant tout à Washington. C’est Washington qui a poussé le Monténégro à rejoindre l'OTAN. C’était déjà Washington qui avait poussé le Monténégro, terre historiquement serbe, à quitter la Serbie après la guerre de 1999. Depuis, les Etats-Unis ont mis le Monténégro sous leur coupe avec l’aide de Bruxelles. Washington est sans nul doute le premier à tirer profit de cette histoire. Est-ce que le Monténégro va gagner en sécurité suite à cette adhésion? Je ne le crois pas. Contre qui a-t-il besoin de se protéger militairement ? On se demande ce que l'OTAN vient faire dans cette région. 

L’objectif de l'Alliance atlantique est de faire de l’Europe une prolongation militaire de la puissance militaire américaine, pour in fine affaiblir la Russie

RT France : Quel impact peut avoir cette nouvelle adhésion sur la sécurité des Balkans et plus largement de l'Europe ? 

N. M. : C’est un paradoxe. Cela ne va absolument rien sécuriser, bien au contraire. On risque plutôt d'aggraver une situation déjà très tendue dans les Balkans. Nous savons aujourd’hui que les Américains ont aidé en sous-main à la destruction de la Yougoslavie, pour limiter les velléités d'autonomie du pays, aussi bien envers l'Occident qu'envers l'Est. Les Etats-Unis ont aidé à la création de nombreux nouveaux pays qui n’avaient absolument jamais existé avant, à l'instar du Kosovo, de la Macédoine ou encore de la Bosnie-Herzégovine. L’Albanie et la Croatie sont entrées dans l'OTAN. La Serbie, plus grand pays de la région par le nombre d’habitants, a préféré ne pas y adhérer. Qu'est-ce que cela a entraîné ? Son bombardement par l'OTAN.  

L’objectif de l'Alliance atlantique est de faire de l’Europe une prolongation militaire de la puissance militaire américaine pour in fine affaiblir – peut-être même un jour attaquer – la Russie. Pourquoi y aurait-il toutes ces bases construites aujourd’hui ? La plus grande base militaire américaine en Europe a été construite au Kosovo. Pourquoi mobiliser autant de moyens militaires lorsque l'on cherche la paix ?

Intégrer un nouveau pays des Balkans à l'OTAN n’est certainement pas la bonne décision pour apaiser une situation déjà très tendue

Il faut comprendre que la situation est extrêmement tendue dans la région. L'une des principales raisons émane des découpages territoriaux qui ont été faits après la fin de la Yougoslavie et qui n’ont pas pris en compte l’histoire des Balkans. Ce découpage crée des tensions et on peut dire que l’OTAN en est directement responsable. Dans ce contexte, intégrer un nouveau pays n’est certainement pas la bonne décision pour apaiser une situation déjà très tendue.

Il y a une vision manichéenne au sein de l'OTAN, qui crée des crispations car les peuples des Balkans ne sont pas d’accord avec cette façon de voir simpliste

RT France : Par le passé, on appelait les Balkans «la poudrière de l’Europe». Selon vous, la présence de l'OTAN n'a pas permis d'améliorer la stabilité de cette région ? 

N. M. : Bien au contraire ! Elle ne fait qu’envenimer la situation et polarise la situation sur un conflit entre les «pro-américains» et les «pro-russes», en empêchant les peuples des Balkans de vivre par eux-même et de choisir leur destinée. Il y a une pression incroyable sur les épaules du nouveau président serbe, Alexandar Vucic, pour qu’il arrête de collaborer avec Moscou et que l’armée du pays mette fin à ses exercices militaires conjoints avec la Russie. Et cela alors même que l’armée serbe réalise également des exercices militaires avec l’OTAN ! Il y a une vision manichéenne au sein de l'OTAN, qui crée des crispations car les peuples des Balkans ne sont pas d’accord avec cette idéologie simpliste.

RT France : Le président monténégrin a accusé plusieurs fois Moscou d’ingérence, voire de tentative de coup d’Etat. Des accusations réfutées par les autorités russes. Ce soupçon est-il partagé par l'opinion publique locale, ou est-il principalement alimenté par les élites et politiques monténégrines ?

N. M. : Il n’est pas du tout porteur de la voix de son peuple. Le président actuel Filip Vujanovic – qui a très bien compris les rouages de la démocratie moderne – a été soutenu par les Américains lors de la création du pays. Son discours sur les tentatives de coup d’Etat fait rire la plupart des Monténégrins. Nous en attendons toujours les photos, les images, les armes, les preuves... Il n’y a rien. Je pense que sa rhétorique anti-russe est surtout un signal envoyé à Bruxelles et à Washington, afin de leur montrer qu’il est un bon élève. Au Monténégro, personne ne croit à ces accusations. Le gouvernement du Monténégro aurait largement eu le temps de prouver une ingérence russe si une telle ingérence avait existé. C’est tout simplement de la propagande.

C’est d'ailleurs une tendance incroyable qu’on voit en Europe et parfois-même aux Etats-Unis : dès que le peuple descend dans la rue, dès que le peuple n’est pas d’accord avec ses gouvernants ou ses élites, on voit derrière cela la main de Moscou. C'est tout à fait inouï et finalement peu crédible.

Que cela soit en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine ou en Serbie, les populations partagent l'idée qu'elles n’ont pas besoin de l’OTAN

RT France : D’autres pays des Balkans pourraient-ils selon vous suivre la voie du Monténégro dans l'avenir et rejoindre l'OTAN, ou assiste-t-on à la fin de l'élargissement de l'Alliance atlantique dans la région ?

N. M. : Il est intéressant de noter que dans les pays de cette zone où le peuple est majoritairement orthodoxe, ce dernier est également hostile à l'OTAN. Il y a une philosophie qui n’est pas atlantiste, plutôt pro-Moscou. Que cela soit en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine ou en Serbie, les populations partagent l'idée qu'elles n’ont pas besoin de l’OTAN. Le Monténégro est un cas à part. Les pays de la région qui ont su préserver leur souveraineté ne veulent majoritairement pas rejoindre l’OTAN, bien qu'il existe un certain nombre de pressions en provenance des élites et des politiques.

Je pense que si un jour la Serbie adhérait à l'OTAN, cela pourrait créer des émeutes. Ce serait assimilé à un acte de trahison suprême des élites. Le peuple serbe n'a pas oublié qu'il y a 17 ans, l’OTAN bombardait la totalité de la Yougoslavie, tuant plusieurs centaines de civils, touchant un hôpital pour enfants, des trains de voyageurs ainsi que toute l’infrastructure civile du pays.  Si l'on revient sur le cas du Monténégro, je peux vous dire que le souvenir de ces bombardements est encore vivace dans l'esprit de nombreux Monténégrins, qui voient donc d'un mauvais œil cette adhésion. Mais on peut aussi dire que son impact est négligeable, car après tout, l'armée du pays ne représente guère que 6 000 militaires.

Les élites ont adhéré à l’OTAN, pas la majorité de la population

RT France : Les territoires du Monténégro contemporain ont-ils aussi, à l'instar de la Serbie et du Kosovo actuels, été bombardés par l'OTAN lors du conflit contre la Yougoslavie ?

N. M. : Tout a fait. Il y a également eu des pertes civiles, dont des enfants alors même que ces territoires étaient éloignés du conflit, qui se concentrait au Kosovo et en Métochie. Les Monténégrins n'ont pas oublié cela. C'est toute la différence entre le «pays légal» et le pays réel. C'est le «pays légal», dominé par les élites organisées, qui savent comment garder le pouvoir, comment endormir le peuple, qui a adhéré à l’OTAN, pas la majorité de la population. Malheureusement, au Monténégro, les opposants à l’OTAN ne sont pas aussi bien organisés politiquement, que ses promoteurs.

Lire aussi : Opposition au Monténégro : L'OTAN est «un problème et non une solution»

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