Le mémorandum d'Astana signé par la Russie, l'Iran et la Turquie reformule le langage du conflit syrien et le détourne des faits fabriqués utilisés par l'OTAN, explique le journaliste Patrick Henningsen.
La Russie, la Turquie et l'Iran ont signé le 4 avril un mémorandum établissant quatre zones de sécurité en Syrie. Un résultat obtenu dans le cadre d'un nouveau cycle de négociations sur la paix organisé à Astana, la capitale du Kazakhstan, entre le gouvernement syrien et l'opposition armée. Le tout, sous l'égide de la Russie, de l'Iran et de la Turquie.
Idleb, Latakia, Homs et certaines parties d'Alep sont parmi les zones de sécurité où les combats entre les forces gouvernementales et celles de l'opposition armée doivent cesser, selon le mémorandum.
Le but desdites zones est de séparer les groupes extrémistes, y compris les terroristes de Daesh et du Front Al-Nosra des groupes d'opposition armés.
Certains membres de la délégation de l'opposition syrienne auraient quitté la salle pour protester contre l'implication de l'Iran dans ce processus.
RT : Qu'attendez-vous de ces nouvelles «zones de sécurité» ?
Patrick Henningsen (P. H.) : Je pense qu’il est important, tout d'abord, de souligner que la terminologie reflète celle qui est utilisée par les Etats-Unis dans leur proposition antérieur d'instituer de telles zones. La seule différence est que cela n’est pas une initiative américaine, mais celle d’une coalition des pays – la Russie, l'Iran et la Turquie. Il y a aussi l'accord donné par le gouvernement syrien en soutien de cette proposition émanant de la Russie. C'est la différence. Et je pense que c'est la raison pour laquelle elle reçoit un certain soutien de la part du gouvernement syrien.
Ce qui est important pour la Russie, dans ce cas, c'est que le centre de gravité est passé de Genève à Astana, au Kazakhstan
En réalité, il s'agit de la redéfinition, de la reformulation du language de ce conflit en se détournant d'une sorte de pseudo-réalité qui a été utilisée dans les pourparlers menés par Washington, par le Royaume-Uni, par la France et les autres Etats de l'OTAN et, dans une certaine mesure, la Turquie – pour se recentrer sur la réalité où il s'agit de distinguer les extrémistes sur le terrain, de savoir qui sont les groupes terroristes, sans appeler tous ceux qui sont armés et qui se battent contre le gouvernement des «rebelles modérés» ou l'«opposition modérée», car ce n'est pas ce qu'ils sont. Je pense que tout le monde en Syrie le sait, les Russes le savent – ce sont des groupes terroristes extrémistes qui occupent et gèrent des portions de certaines villes et de certaines régions syriennes.
RT : A votre avis, comment les pays garants du mémorandum – la Russie, l’Iran et la Turquie – vont contrôler ces zones ?
P. H. : Il y a eu des tentatives dans le passé d'organiser des cessez-le-feu entre le gouvernement et les groupes terroristes ou le gouvernement et les soi-disant rebelles, ou encore entre ces groupes eux-mêmes. Comme nous l'avons vu la semaine dernière dans Ghouta-Est, des groupes terroristes ont commencé à se battre entre eux et des dizaines de personnes ont été tuées dans ces combats. C'est donc un excellent point de départ, mais nous verrons comment cela va se passer.
Ce qui est important pour la Russie, dans ce cas, c'est que le centre de gravité soit passé de Genève à Astana, au Kazakhstan. Symboliquement, cela pourrait mettre [les pourparlers] de la Russie et de cette nouvelle coalition composée de la Turquie, de la Russie et de l'Iran sur un pied d'égalité avec [les négociations] de Genève. Cela est très important. Le centre de gravité quitte l'Europe, Washington, pour aller vers l'Est.
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