Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

Quand Rutte réanime les discours de Munich

Quand Rutte réanime les discours de Munich Source: Gettyimages.ru
Mark Rutte.
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Karine Bechet décrypte le discours belliqueux de Mark Rutte et la résurgence d’une rhétorique de guerre qui désigne la Russie comme ennemi existentiel. Elle rappelle le rôle central de l’OTAN dans les guerres, les déstabilisations et les révolutions dites «de couleur», utilisées comme leviers d’ingérence et de domination politique.

« Nous sommes la prochaine cible de la Russie et nous sommes déjà en danger. [...] Nous devons adopter un état d’esprit de guerre. Je crains que les gens se satisfassent trop facilement de la situation. Trop nombreux sont ceux, qui ne saisissent pas l’urgence ; trop nombreux sont ceux, qui croient que le temps joue en notre faveur. [...] Nous devons être prêts, car à la fin du quart de ce XXIe siècle, les conflits ne se livrent plus à distance. Le conflit est à nos portes. La Russie a ramené la guerre en Europe et nous devons nous préparer à une guerre d’une ampleur comparable à celles endurées par nos grands-parents et nos arrières grands-parents. »

Voici ce que déclarait Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, en Allemagne le 11 décembre dans son discours ouvrant la Conférence pour la sécurité de Munich.

Munich. L’Allemagne. L’histoire se répète. Elle s’adapte au nouveau cadre et se glisse dans de nouveaux vêtements. Mais les principes restent les mêmes.

La Russie est présentée comme « l’agresseur ». Rutte déclare : « La Russie a ramené la guerre en Europe. » Étrange déclaration, que l’on parle de l’Europe en général ou de l’Ukraine en particulier.

Ce n’est pas la Russie qui a provoqué les guerres en ex-Yougoslavie. Ce n’est pas la Russie, qui a provoqué les guerres dans l’espace post-soviétique, à la chute de l’URSS – mais c’est elle qui a contribué à stabiliser la situation.

Ce n’est pas la Russie qui a agressé les pays du continent européen en provoquant des Révolutions de couleur, dont parmi les plus connues on retiendra notamment la « Révolution des roses » en Géorgie en 2003-2004, des révolutions en cascade au Kirghizistan en 2005 (« Révolution des tulipes ») et 2010 (« Révolution des melons »), les deux révolutions ukrainiennes – la Révolution orange en 2004 et le Maïdan en 2014 –, Bolotnaya en Russie en 2011 puis encore quelques tentatives échouées avec Navalny, la tentative de 2005 en Ouzbekistan avec le « Massacre d’Andijan », la « Révolution des Lilas » en Moldavie en 2009, la « Révolution de velours » en 2018 en Arménie, plus récemment la tentative au Kazakhstan.

L’OTAN a besoin d’un ennemi, que la Russie soit l’ennemi

Autrement dit, ce n’est pas la Russie qui a déstabilisé l’Europe, ni elle qui y a ramené la guerre. C’est l’OTAN, le bras armé des élites globalistes. Mais il est évident, que l’OTAN a besoin d’un ennemi, a besoin que la Russie soit l’ennemi, que les peuples des pays européens considèrent la Russie comme l’ennemi.

Et les « généraux de plateaux » élargissent la fenêtre d’Overton, préparant l’opinion publique à une confrontation avec la Russie – puisque « nous sommes déjà en guerre contre la Russie » et puisque, selon le discours établi, « la Russie nous a déclaré la guerre », comme le déclare l’irremplaçable serviteur de ses maîtres, Yakovleff, sur LCI.

Le Parlement français n’est pas au courant que la Russie a déclaré la guerre à la France, mais il connaît parfaitement l’engagement militaire et financier de la France sur le front ukrainien. En ce sens, Yakovleff a à moitié raison : la France est déjà de facto en guerre contre la Russie sur le front ukrainien, mais sans que la Russie ne l’ait agressée, ni ne lui ait déclaré la guerre.

Et cette situation est la même pour la plupart des pays de l’OTAN, y compris les États-Unis de Trump, qui étant président de ce pays a hérité de la guerre lancée par ses prédécesseurs et continue le processus en fournissant des armes et du renseignement militaire, simplement en en faisant porter le coût aux pays européens. Ce qui ne fait pas sortir les États-Unis de Trump du conflit sur le front ukrainien, quelle que soit la mise en scène adoptée.

L’agitation est notable autour des États-Unis et de l’OTAN. Un groupe de Républicains aurait déposé un projet de loi devant le Congrès américain demandant la sortie de l’OTAN. Un projet, qui a très peu de chances de passer et qui de toute manière ne changera fondamentalement rien : les mécanismes de vente d’armes américaines et le besoin des globalistes dans les armes américaines ne dépendent pas de la présence ou non des États-Unis au sein de l’OTAN. Si les États-Unis sortent de l’OTAN, cela veut dire que soit les mécanismes seront établis pour maintenir le contrôle, mais plus discrètement ; soit que d’autres structures devant remplir ces fonctions indispensables aux globalistes seront établies.

Discours de Munich. L’histoire se répète tout en se différenciant.

Comme nous le voyons avec la Grande-Bretagne, sortie de l’UE, qui est avec la France et l’Allemagne à la tête de la coalition des Européens globalistes le fer de lance sur le continent européen de la guerre atlantiste en Ukraine contre la Russie.

Discours de Munich. L’histoire se répète tout en se différenciant.

À l’époque, la France, la Grande-Bretagne et même les États-Unis étaient devenus des alliés de la Russie pour combattre le nazisme allemand, qui déstabilisait le monde par la terreur et la guerre.

Aujourd’hui, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne sont unis au sein des élites globalistes pour déstabiliser le monde par la terreur et la guerre, unis dans une fantasmagorie mortifère d’impérialisme total, ne laissant aucune place à la souveraineté nationale, aucune chance aux cultures et traditions nationales. Tout ce qui n’entre pas dans le moule doit disparaître.

Pour ce faire, elles recourent, comme nous le voyons en Ukraine ou dans les pays Baltes principalement, à des mesures d’un autre temps : glorification des collaborateurs nazis historiques, lois de ségrégation contre les Russes, endoctrinement militaire de la jeunesse, interdiction de la culture russe (interdiction d’enseignement de la langue, de diffusion des films, chansons etc.), répression physique après avoir été politique des Russes ethniques, etc.

C’est justement contre cela que la Russie se bat ... et se défend. Contre cette agression des élites globalistes de son être.

Jusqu’où sont réellement prêtes à aller ces élites qui dirigent l’Occident ? Pour l’instant, personne ne le sait. Sont-elles au moins conscientes des risques qu’elles font courir aux pays européens ou ont-elles fini par croire en leur propagande primaire (comme c’est souvent le cas) ? Personne ne le sait à ce jour.

Ce qui est certain, c’est qu’elles se préparent à la guerre. Pour la faire ou non, c’est une autre question. Préparer les esprits à la guerre, comme l’exige Rutte, c’est aussi un excellent moyen de reprendre le contrôle par la force de l’opinion publique en Occident, où les gens sont confrontés à une triple crise : économique, sociale et politique, dont ces élites sont seules responsables.

Leur gouvernance etant contestée, ces globalistes sont affaiblis de l’intérieur. Ils ont besoin d’un ennemi pour reconsolider leur monde et les populations, pour forcer le lien rompu entre les élites et les peuples, pour faire taire les contestations et pour externaliser la responsabilité de leurs échecs.

Pour autant, ils sont faibles. Et c’est ce qu’il nous faut retenir.

 

 

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