Le rôle du Hezbollah en Syrie et le dilemme d’Israël

Le rôle du Hezbollah en Syrie et le dilemme d’Israël© Mohamed Azakir Source: Reuters
Un combattant du Hezbollah
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L'action du Hezbollah en Syrie renforce encore son expérience militaire, mettant Israël devant le dilemme d'y frapper cet ennemi de toujours... au risque de voir un gouvernement salafiste imprévisible à Damas, explique le journaliste John Wight.

Les analystes les plus sérieux considèrent le rôle du Hezbollah dans le conflit syrien comme essentiel, car il a fait tourner la guerre en faveur du gouvernement ces dernières années, même si ce rôle est largement méconnu.

C’est un manque de reconnaissance qui soulève une question – pourquoi ? Est-ce à cause d’une réticence obstinée de la part de différents camps à considérer le Hezbollah comme autre chose qu’une organisation terroriste, frappée du même sceau que Daesh ou Al-Nosra ? De toute évidence, une telle classification n’a aucun sens, compte tenu du nombre de combattants que le mouvement de résistance libanais a perdu au combat contre ces deux groupes.

Depuis qu’il a été fondé officiellement en 1985, le mouvement de résistance chiite s’est transformé en l’un des ennemis les plus redoutables d’Israël

Dans son livre, La bataille pour la Syrie, Christopher Phillips écrit : «Au regard de la réputation du Hezbollah en tant que force militaire la plus impressionnante du monde arabe, l’engagement du groupe dans le conflit a sapé le moral des rebelles et a renforcé le régime. En offrant, à partir de 2013, ses compétences dans des domaines où Bachar el-Assad manquait d’expérience, tels que l’infanterie légère et la guerre urbaine, l'entraînement, ou la connaissance des tactiques militaires, le parti de Dieu est devenu un élément essentiel des forces d’Assad et a grandement influé sur le conflit.»

Phillips a raison de mentionner la réputation militaire du Hezbollah. Depuis qu’il a été fondé officiellement en 1985, en réponse à l’occupation militaire israélienne du Liban du Sud, le mouvement de résistance chiite s’est transformé en l’un des ennemis les plus redoutables d’Israël. La courte guerre de 34 jours, qu’ils ont menée en 2006, constitue pour l'heure l’apogée de cette hostilité. Cela s’est terminé par ce que la plupart de gens considèrent comme une victoire du Hezbollah, par la création d'une situation qui s’apparentait à une crise au sein de l’establishment politique et militaire israélien. En fait, la Seconde guerre du Liban (pour donner au conflit un nom officiel), a changé l'équilibre des puissances militaires dans la région : d'un équilibre dans lequel la supériorité militaire israélienne ne pouvait été remise en question à un équilibre où ça n'est plus du tout le cas.

Le rapport produit par la Commission d’enquête mise en place par le gouvernement israélien pour évaluer le conflit de 2006, la Commission Winograd, a condamné, de par certaines de ses critiques, les dirigeants militaires et politiques du pays. Une des révélations de ce rapport montrait à quel point Israël considère sa supériorité militaire comme liée à sa survie.

C’est une question de temps avant qu’une autre guerre n'éclate entre le Hezbollah et Israël

«Israël ne peut pas survivre dans cette région», affirme le rapport, «et ne peut pas y vivre en paix ou du moins pas en guerre, si les habitants d’Israël même et ceux de ses alentours ne croient pas qu’Israël domine sur les plans politique et militaire, grâce à une capacité militaire et une robustesse sociale qui lui permettent de dissuader ses voisins de lui nuire, et de les empêcher – en recourant à l’aide de sa force militaire, si nécessaire – d’atteindre leur objectif».

Depuis 2006, tout le monde s'accorde à dire que c’est une question de temps avant qu’une autre guerre n'éclate entre le Hezbollah et Israël. Compte tenu de la récente frappe aérienne d’Israël contre le Hezbollah en Syrie, et de l’intensification, observée ces dernières semaines, des tensions entre eux, c’est un conflit qui peut éclater sous peu.

Dans un récent reportage d’Associated Press diffusé par ABC News, Aron Heller écrit : «Au cours du dernier mois seulement, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a […] menacé de frapper les centrales nucléaires d’Israël, si ce dernier attaquait ; et Israël a élaboré en détails un plan d’urgence pour évacuer jusqu’à 250 000 civils des régions frontalières, afin de les protéger des attaques du Hamas, du Hezbollah et d'autres groupes islamiques.»

Le mantra selon lequel «il est mieux d’avoir un ennemi qu'on connaît» devrait dominer dans la pensée de l’establishment politique et militaire israélien pour ce qui est de sa position face aux événements en Syrie

L’approche de l’analyse de Heller concorde avec les nombreuses frappes aériennes israéliennes effectuées en Syrie lors du conflit. La plus récente de ces frappes, mentionnée ci-dessus, aurait ciblé un convoi d’armes du Hezbollah près de Palmyre.

Il n’est pas difficile de discerner le dilemme auquel Israël fait face dans le cadre du conflit syrien. Son hostilité vis-à-vis du seul pays arabe qui reste engagé à soutenir la résistance palestinienne et avec lequel il a un différend territorial (le Plateau du Golan, occupé par Israël) fournit à Tel Aviv plus de motivations qu'il n'en faut pour caresser l’idée d'un changement de régime à Damas. Et pourtant, le mantra selon lequel «il est mieux d’avoir un ennemi qu'on connaît» devrait dominer dans la pensée de l’establishment politique et militaire israélien pour ce qui est de sa position face aux événements en Syrie. 

Malgré de longues années d’hostilité entre les deux pays, le gouvernement d’Assad est un élément connu, sous lequel la paix a été obtenue, même si difficilement. Les perspectives de voir un gouvernement de djihadistes salafistes remplacer Assad, un gouvernement qui pourrait avoir le désir de mettre fin à l'époque où on devait tenir compte d'un Etat israélien à ses frontières, donnent à réfléchir.      

Avec les forces militaires russes opérant du même côté que le Hezbollah en Syrie, le danger d'une agression israélienne devenant le catalyseur de conséquences imprévues est toujours présent

L’intérêt principal d’Israël dans la région reste toujours toujours l’Iran et le Hezbollah, qui, avec la Syrie de Bachar el-Assad, sont considérés comme parties d’un axe de résistance à Washington et ses alliés régionaux, notamment Tel Aviv. S'il convient sans doute à Israël de voir le Hezbollah souffrir en Syrie, il y a aussi l'inquiétude de voir le mouvement de résistance chiite en sortir encore plus fort et robuste du fait de l’expérience inestimable reçue sur le terrain. Le fait que le Hezbollah et Israël ne se fassent pas d’illusions quant à la quasi-certitude d'une guerre entre eux explique pourquoi Israël n’hésite pas à attaquer son ennemi libanais en Syrie avec des frappes aériennes, quand il le peut.

Le danger, bien sûr, vient du fait que ces attaques répétées peuvent compromettre le déploiement russe dans le pays. En effet, avec les forces militaires russes opérant du même côté que le Hezbollah en Syrie, le danger d'une agression israélienne devenant le catalyseur de conséquences imprévues est toujours présent.

Du même auteur : Trump entend-il sérieusement lutter contre le terrorisme ?

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