Donald Trump souhaite-t-il réellement combattre le terrorisme et abandonner l'idée de renverser Bachar el-Assad ? C'est une question qui devrait bientôt connaître sa réponse, prédit le journaliste John Wight.
Le moment où la CIA a pris la décision de cesser de financer l’Armée syrienne libre (ASL) est crucial. Les pourparlers de paix de Genève étant actuellement en cours, cela veut dire qu'à la différence de son prédécesseur, Barack Obama, Donald Trump peut être sérieux au sujet de la lutte contre le terrorisme.
L’administration de Barack Obama a fait tout son possible pour semer la confusion, avec sa position absurde de combattre à la fois le terrorisme et ceux qui combattent le terrorisme
Tout au long du conflit en Syrie, qui sévit depuis maintenant six ans, la position de Washington a manqué de clarté, d'intelligence ou de but moral sérieux. Au lieu de cela, l’administration de Barack Obama a fait tout son possible pour semer la confusion, avec sa position absurde de combattre à la fois le terrorisme et ceux qui combattent le terrorisme. Le fait que la CIA ait financé, armé et formé l'ASL, les soi-disant rebelles modérés, n'a aidé qu'à prolonger le conflit, et, par conséquent, les souffrances du peuple syrien –dont la moitié sont actuellement des déplacés à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, alors que plus de 300 000 personnes ont péri.
Dans le processus, Barack Obama et ses partisans cherchaient à établir une équivalence morale entre un gouvernement qui lutte pour préserver la Syrie en tant qu'Etat laïque non-sectaire, multireligieux et multiculturel où les droits des minorités et des femmes sont protégés, et ceux qui voudraient remonter le temps vers le septième siècle, au service de l’obscurantisme, du sectarisme et de l’extrémisme religieux.
En ce qui concerne l’Armée syrienne libre, Robert Fisk, correspondant au Moyen-Orient et ancien combattant, a écrit en octobre 2015 la chose suivante : «l'ASL est déchirée en morceaux, corrompue et les "modérés" ont de nouveau fait défection, cette fois en faveur du Front al-Nosra ou de Daesh, en vendant au plus offrant les armes qu'ils reçoivent de l'Amérique ou se sont tout simplement retirés en toute tranquillité – et avec sagesse – dans la campagne où ils ont gardé quelques postes de contrôle dispersés.»
Même avant cela, en avril 2015, Erin Banco avait rédigé un article paru sur le site internet du IB Times sous le titre explicite Quatre ans plus tard, l'armée syrienne libre s’est effondrée elle-aussi. Dans son article elle écrivait : «L'émergence l'année dernière sur le champ de bataille en Syrie du groupe Daesh, mieux armé et impitoyable, a marqué le début de la fin pour les groupes d'opposition que les Etats-Unis avaient qualifié de "rebelles modérées". Maintenant les hommes et les femmes qui ont provoqué en mars 2011 la révolution, en manifestant dans les rues de Dara, ont fui, et les groupes d'hommes qui ont pris les armes qu'ils ont pu trouver pour lutter contre les militaires de Bachar el-Assad et ont fini par devenir l'ASL, ont été dissouts.»
L'ASL a depuis longtemps cessé d'être autre chose qu'un accessoire de propagande des gouvernements occidentaux, dirigés par Washington, dont l’objectif était le changement de régime à Damas
L'idée est que l'ASL a depuis longtemps cessé d'être autre chose qu'un accessoire de propagande des gouvernements occidentaux, dirigés par Washington, dont l’objectif était le changement de régime à Damas, indépendamment du fait qu'en cas de succès cela ne ferait qu'ouvrir la voie à Daesh ou al-Nosra, qui prendraient alors le pouvoir, avec toutes les conséquences catastrophiques que cela engendrerait. C'est pourquoi rien que sur cette position de politique étrangère, on ne pourra jamais pardoner Barack Obama et la cohorte occidentale libérale et interventionniste qu'il a dirigée. Pour de telles personnes, «détruire le village pour le sauver» était le destin de la Syrie, en conformité avec le modèle qui veut qu'on détruise un pays après l’autre, tout en se proclamant les défendeurs de la démocratie et des droits de l’homme.
Même s'il est encore trop tôt pour se prononcer sur la présidence de Donald Trump, étant donné que le 45e président est maintenant assiégé depuis l'intérieur de Washington et compte tenu des messages paradoxaux et incohérents au sujet de la crise en Ukraine et du statut de la Crimée en provenance de son administration, ainsi que de son bellicisme lorsqu’il s’agit de l’Iran – malgré le fait que Téhéran est un pilier de l’opposition au terrorisme dans la région – il y a des raisons d'être optimiste à l'égard de la Syrie. Nous le voyons, tout comme l'engagement croissant des Etats-Unis dans sa lutte contre Daesh en Irak, où des combats sont toujours en cours pour reprendre Mossoul.
L'opposition qui pouvait compter sur le soutien continu des Etats-Unis et de leurs alliés régionaux, a pu adopter une position de rejet lors des précédentes tentatives de résolution du conflit à la table des négociations. En exigeant la destitution du président Bachar el-Assad en tant que condition préalable à une solution négociée, malgré son incapacité à remporter une victoire militaire sur le terrain, l'opposition a pu utiliser Washington comme levier contre les tentatives de la Russie de trouver une solution diplomatique.
Mais maintenant, lorsque la CIA annonce qu'elle cesse de soutenir et d'octroyer des fonds à l'ASL, l’opposition ne dispose plus d'une telle option, ce qui donne des perspectives de progrès significatifs dans le cadre du processus de Genève, plus réalistes qu'avant.
Sans la coopération ou le consentement du gouvernement syrien, les opérations militaires américaines dans le pays sont une violation de la souveraineté de la Syrie
Cela dit, la présence militaire américaine en Syrie, où un assaut sur Raqqa paraît imminent, en alliance avec les soi-disant Forces démocratiques syriennes (FDS) composées majoritairement de Kurdes syriens, donne toujours des raisons de s'inquiéter. Sans la coopération ou le consentement du gouvernement syrien, les opérations militaires américaines dans le pays sont une violation de la souveraineté de la Syrie.
La question des alliés régionaux des Etats-Unis susmentionnés est également à prendre en considération. Les Saoudiens, Qataris et Koweïtiens ont chacun joué un rôle mensonger et pernicieux dans le financement et le soutien à divers groupes salafistes djihadistes en Syrie, qui restent une menace potentielle, malgré les récents progrès de l’armée syrienne et ses alliés sur le terrain. C'est pourquoi le président Trump devrait mettre sérieusement la pression sur ses alliés du Golfe, en les forçant à fermer les robinets du financement.
Quoi qu'il en soit, beaucoup de choses seront à discuter et à débattre entre toutes les parties concernées à Genève. Cela promet de révéler les intentions de Donald Trump non seulement à propos de la lutte contre le terrorisme, mais aussi, ce qui est majeur, à propos du renversement du président syrien. S'il entend sérieusement faire revenir la stabilité dans la région, le temps des changements de régime dictés par l'Occident doit prendre fin.
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