La volonté de «faire taire la droite» dans cette élection présidentielle risque, a contrario, de mobiliser son électorat qui n’a pas l'intention de se faire voler son candidat ni son élection, estime l'essayiste Ivan Rioufol.
RT France : François Fillon avait promis de retirer sa candidature à la présidentielle au cas où il était mis en examen. Nous y sommes mais il a maintenu sa candidature. Il a donc rompu sa promesse ce qui lui a coûté le soutien de Bruno Le Maire, par exemple. Peut-on justifier son action ?
Ivan Rioufol (I. R.) : Il s’était dégagé il y a quelques jours de cette promesse qui était de mon point de vue inutile et un peu idiote, puisqu’il pressentait que la justice risquait de déboucher sur cette mise en examen. En effet, on peut lui reprocher de ne pas avoir tenu parole, mais on peut surtout lui reprocher de s’être mis volontairement dans le piège d’un «gouvernement des juges». Il a corrigé cette erreur il y a quelques jours et aujourd’hui, il applique son deuxième positionnement qui était de dire que même en cas de mise en examen, il ne retirerait pas sa candidature.
François Fillon s’est fait piéger par une leçon de morale donnée à Nicolas Sarkozy
Je pense que cette position est plus raisonnable, mais il aurait pu faire l’économie de cette maladresse en disant qu'il se retirerait s'il était mis en examen. De plus, il s’est fait piéger par une leçon de morale donnée à Nicolas Sarkozy en se demandant si on imaginait le général de Gaulle mis en examen. Il aurait pu s’abstenir de cette série d’erreurs. Il est d'ailleurs revenu sur ce thème ce matin en affirmant que la France était plus grande que ses propres erreurs. Et la-dessus, on est bien d’accord.
RT France : François Fillon a également parlé de la politisation de son affaire, d'un «assassinat politique». Vous avez écrit que le fait que François Fillon soit soumis à ce calvaire judiciaire pourrait lui profiter. Comment ?
I. R. : Il peut en profiter dans la mesure où ce qui apparaît désormais, au-delà de ses maladresses et des fautes qu’il a pu commettre, c'est une sorte d’acharnement judiciaire pas simplement contre lui, mais également contre le Front national, où des proches de Marine Le Pen, présidente du parti et candidate à la présidentielle, font l'objet de mises en examen. Il y a des coïncidences troublantes qui font que deux grands partis de l’opposition, le Front national et Les Républicains, sont suspectés par une justice qui semble partiale du fait même qu’elle s’immisce dans un processus électoral alors qu’il était auparavant de coutume en France que la justice fasse une parenthèse le temps de la camapgne électorale.
Vouloir «faire taire la droite risque de mobiliser a contrario son électorat qui n’entend pas se faire voler son candidat ni son élection
Nous sommes à quelques semaines d’une échéance très importante, alors que les grands débats n’arrivent toujours pas à être posés, parce qu’une justice – celle du parquet financier qui est un instrument politique qui a été mis en place par François Hollande –, tente de faire pression contre François Fillon. Le Parlement européen d’un autre côté, et l’Union européenne également, sont en train d’accélérer les poursuites judiciaires contre Marine Le Pen. L’électeur moyen voit donc bien qu’il y a quand-même un déséquilibre et il me semble que ces deux manières de vouloir faire taire la droite risquent de mobiliser a contrario son électorat qui n’entend pas se faire voler son candidat ni son élection. On n’est pas loin d’assister à une sorte de hold up électoral et cela pose un véritable problème démocratique.
On peut trouver cette accélération de la justice, que l’on connaît généralement si lente, et cette diligence qu’elle fait voir devient un peu suspecte
RT France : Ces affaires judiciaires profiteront-elles à Emmanuel Macron ?
I. R. : A priori, elles peuvent profiter à Emmanuel Macron. Pour l’instant, bien entendu, parce tout cela le concerne. L’excès dans la diligence de cette justice que l’on connaît généralement si lente, et qui maintenant s’accélère du coup dans les deux dossiers parallèles que sont ceux de Marine Le Pen et de François Fillon. On peut trouver que cette accélération de la justice, que cette diligence qu’elle donne à voir devient un peu suspecte. En tout cas, en tant que conservateur, je comprends bien que la justice fait son travail, mais j’ai l’impression qu’elle le fait avec des moyens disproportionnés et surtout insignifiants dans un processus électoral qui demanderait un peu plus de silence médiatique.
Il y a d'abord de grands problèmes et de grands paradoxes, avec les Français qui doivent voter en avril alors que les grandes questions de société n’ont pas toujours été posées parce que la justice impose un brouhaha permanent. La question qui doit se poser, c’est est-ce qu’il n’y a pas, malgré tout, de la part du pouvoir, de la part de la gauche, qui est plus ou moins derrière ces juges, ces médias et ces policiers qui donnent des pièces aux médias, de volonté de rendre inaudibles et suspects deux grands courants politiques d'opposition majoritaire. La droite parle d’une tentative d’un coup d’Etat judiciaire, le mot est peut-être fort, mais il y a beaucoup d’arguments qui plaident en sa faveur.
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