Il n'y a pas grand-chose de positif à dire concernant la lutte que mène Donald Trump contre les extrémistes en Syrie, car leurs rangs semblent gonfler après le début de la reconquête de la ville de Mossoul en Irak, estime le journaliste Martin Jay.
Henry Kissinger a écrit: «L'armée traditionnelle perd si elle ne gagne pas. La guérilla gagne si elle ne perd pas». Peut-être que Donald Trump devrait trouver un peu de réconfort dans cette déclaration, qui s'applique à la Syrie, même aujourd'hui. Peut-être qu'il n'est pas surprenant que Trump ait privé de financements américains les «rebelles» de l'armée syrienne libre (FSA) qui combattent, entre autres, les forces du régime de Bachar el-Assad. Certains sont prompts à souligner qu'il souhaite arrêter de financer les groupes terroristes susceptibles d'entrer en conflit avec Bachar el-Assad. Ils sont souvent considérés comme étant la progéniture de Daesh et, pour compliquer encore les choses, combattent également les Kurdes.
Selon certaines informations sorties cette semaine, Donald Trump veut encourager l'armée syrienne libre à se regrouper sous un même toit car il pense que certains de ses membres font passer des armes aux extrémistes.
C'est ce que Donald Trump fait. Il aime tout rendre binaire, qu'il s'agisse des musulmans et des non-musulmans, des Iraniens (chiites) et des monarchies du Golfe (sunnites) ou encore des «fake news» et des médias qui rapportent des «faits alternatifs» comme il les préfère, ce qui s'est traduit par l'interdiction très récente de rentrer à la Maison Blanche faite aux médias qu'il souhaite punir.
Il s'agit de simplifier et de galvaniser le contrôle. Si ces rebelles peuvent être davantage contrôlés, ils seront soutenus avec des armes plus lourdes. Sinon, ils devront souffrir. Après tout, il y a une certaine vérité dans l'argument qui consiste à dire que depuis 2015 l'armée syrienne libre «s'est écroulée», mais que ses combattants ont conservé leur salaire, plus pour un coup de RP et pour propager la désinformation, en gardant à l'esprit la perspective d'un changement de régime.
L'option de les aligner ou de se débarrasser d'eux semble prudente, n’est-ce pas ? Mais pas assez.
En Syrie, beaucoup de combattants de l'opposition dite «modérée» sont hors de contrôle et personne ne sait même qui ils combattent ; certains, comme ceux de l'armée syrienne libre, reçoivent leurs ordres de la Turquie, qui constitue une nouvelle énigme : comment les Etats-Unis peuvent-ils la soutenir alors qu'elle lutte contre les Kurdes qu'ils soutiennent également ? Qui, par exemple, sera impliqué dans l'assaut final sur Raqqa, l'épicentre de la cruauté et de l'extrémisme de Daesh à une échelle biblique, dont le nombre de combattants a gonflé après que les Etats-Unis leur ont prétendument permis de fuir Mossoul, depuis l'Irak voisin ?
Et maintenant que, conformément à ces informations, Donald Trump leur demande de choisir entre sa façon de faire ou ne plus recevoir de financement, beaucoup se tournent vers Al-Qaïda. C'est pour cette raison que la ville clé d'Idleb, dans le nord de la Syrie, s'est renforcée en tant que citadelle extrémiste. Plutôt que de savoir si telle était l'intention du président américain, mieux vaut se demander quelles sont les implications à long terme de cette évolution. Difficile à dire. Mais après avoir passé quelques jours au pouvoir seulement, on atteint un niveau de folie supplémentaire en pensant que les idées de Donald Trump ont déjà aidé les terroristes qu'il semble vouloir détruire.
Il est troublant que, malgré l'apparente originalité de l'approche qu'a Donald Trump de la présidence, ce dernier finisse par suivre les traces des autres présidents américains au Moyen-Orient
Quelqu'un lui a-t-il donné le Who's who de la guere en Syrie ?
Et compte tenu de sa propension à tout prendre personnellement et à s’investir dans des affaires qui concernent plus ses propres faiblesses et sa vanité (comme sa cote de popularité), personne ne peut dire quelle est sa stratégie réelle concernant la Syrie et l’Iran. La Russie n'est pas la seule à être de plus en plus curieuse de savoir ce qu'implique son plan de «zones de sécurité» en Syrie (zones d'exclusion aérienne pour le régime de Bachar el-Assad et les combattants russes ?), ses partenaires dans la région, comme l'Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar et la Turquie le sont aussi.
Les dirigeants de ces pays attendent de voir s'il est réellement prêt à travailler avec la Russie en Syrie pour conclure un véritable accord de paix qui détruise Daesh et protège les civils piégés dans toutes ces zones de conflit ; ou plutôt, si Donald Trump veut recueillir leur soutien afin de présenter son plan de zones de sécurité comme un ultimatum à Vladimir Poutine, et négocier en position de force, une tactique plus profonde et plus calculée : le changement du régime.
Ils attendent de voir quel sera leur rôle dans les zones de sécurité (fournir des troupes sur le terrain pour protéger ces zones ?) et si leurs forces aériennes sont prêtes à soutenir la politique américaine contre l'Iran.
Tout le monde attend de lire les petits caractères du rapport de James Mattis sur la façon de détruire Daesh, qui sera publié dans environ 10 jours. Davantage de sur-simplification. Comme s'il suffisait de rédiger un rapport pour mettre fin à une guerre qui a été menée par tant d'intermédiaires que la plupart des experts régionaux n'arrivent plus à suivre ni savoir qui combat qui.
Gardez le pétrole, mais laissez nous prendre Mossoul
En attendant, Donald Trump joue à la politique régionale. Il apprend vite qu'il ne s'agit pas seulement de prendre. Fait décisif, la semaine dernière, James Mattis, son secrétaire à la Défense, était en Irak. L'ancien marine s'y serait rendu pour garantir aux Irakiens que les Etats-Unis n'étaient pas là pour prendre leur pétrole.
Mais les Irakiens vont dorénavant regarder James Mattis comme un faucon, étant donné que ses propos seront déterminants pour les prochains accords. Il a promis qu'il chercherait à faire sortir les Irakiens qui travaillaient pour l'armée américaine de la soi-disant «liste d'interdiction musulmane», tout en ordonnant à 60 soldats américains ou plus de se battre en première ligne.
La visite de James Mattis a eu lieu un jour après que le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé le début d'une offensive terrestre sur l'ouest de Mossoul, où les combattants de Daesh sont assiégés avec environ un demi-million de civils.
Soustraire l'Irak à l'influence iranienne est déterminant pour les plans de Donald Trump, ce qui explique pourquoi les déclarations de James Mattis ont mentionné les troupes américaines qui sont depuis longtemps en Irak. La plupart des journalistes occidentaux n'ont pas saisi la nuance adressée à l'influent clerc chiite, Moqtada al-Sadr. Ce dernier avait précédemment appelé le gouvernement irakien à ordonner le retrait des forces américaines et alliées après la fin de la bataille de Mossoul.
L'envoi de troupes américaines sur le front, à Mossoul, permet de montrer au Premier ministre irakien que l'Amérique est à ses côtés. Mais c'est aussi un examen de passage devant l'opinion publique américaine et une indication sur les choses à venir en Syrie : davantage de soldats américains combattent, même si on est loin des effectifs des précédentes guerres du Golfe. Mais c'est un fait.
Les attentes ne se focalisent pas sur ce qu'il fera en Syrie avec la Russie ou le moment où il bombardera l'Iran
Il est troublant que, malgré l'apparente originalité de l'approche qu'a Donald Trump de la présidence – sans tenir compte de tous les protocoles, des analyses d'experts et des preuves solides –, ce dernier finisse par suivre les traces des autres présidents américains au Moyen-Orient, examinant la dynamique des problèmes de la région avec un prisme militaire.
Il est difficile de voir comment il se sortira du bourbier de la Syrie.
D'autres politiciens américains ne blâment pas Donald Trump pour ses incursions en politique étrangère, mais en veulent au système qui l'a mis là où il est aux Etats-Unis.
Le cinéaste américain Oliver Stone a déclaré récemment, alors qu'il recevait une récompense : Lors des 13 guerres que nous avons commencées au cours des 30 dernières années, les 1 400 milliards de dollars que nous avons dépensés et les centaines de milliers de morts qu'elles ont faites, rappelez vous qu'il ne s'agit pas d'un dirigeant mais d'un système, républicain et démocrate à la fois».
Niraj Srivastava, ancien ambassadeur indien qui écrit pour le site 21stcenturywire.com, rejoint Oliver Stone un point, à savoir que c'est aussi ce système qui causera sa perte.
Niraj Srivastava soutient qu'en Amérique, le Deep State (l'Etat dans l'Etat) se réjouit de la détérioration des relations entre les Etats-Unis et la Russie et qu'il envisage de faire tomber Donald Trump.
Il estime en outre que l'idée des «zones de sécurité» en Syrie et du retour de la Crimée à l'Ukraine sont des sujets qui ne sont pas négociables. «Ces exigences ne feront qu'accroître les frictions entre les deux pays, ce qui est justement ce que les néo-conservateurs recherchent : un adversaire au nom duquel la machine de guerre US / OTAN peut continuer à fonctionner», écrit l'ancien ambassadeur.
«Sinon, comment justifier que l'OTAN existe toujours ?»
Si Donald Trump est conscient de cela, alors sa rapidité s'explique. Les attentes ne se focalisent pas sur ce qu'il fera en Syrie avec la Russie, ou le moment où il bombardera l'Iran, ou si son plan de faire combattre des soldats américains en Syrie est plausible. Mais plutôt de savoir s'il en aura le temps avant que les médias, le Deep State, et les républicains ne se ruent sur lui, comme sur César au Sénat.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.