Selon le sociologue spécialiste des Verts Daniel Boy, l'alliance d'EELV au PS pour la présidentielle offre aux écologistes des avantages financiers et électifs. Elle pourrait cependant amener une remise en question sur la pertinence de leur parti.
RT France : Si Yannick Jadot a annoncé retirer sa candidature à la présidentielle pour former une alliance avec le PS de Benoît Hamon, les militants d'EELV doivent voter pour accepter cet accord. Pourra-t-il réellement être remis en question ?
Daniel Boy (D. B.) : C'est extrêmement difficile à dire. Je ne sais pas dans quel état d'esprit sont les militants du parti vert. Il faut plutôt s'interroger sur ce à quoi conduit cette alliance, car quelque part ils sont contraints de faire cette alliance. Yannick Jadot a du mal à trouver ses signatures pour se présenter, le parti n'a pas énormément d'argent et auront du mal à financer une campagne, d'autant qu'en faisant 1 ou 2% ils seront très mal remboursés. D'autre part, sans accord avec le parti socialiste, EELV aura du mal à obtenir des sièges aux législatives. Toutes ces informations comptent. D'autant plus que l'accord passé par Yannick Jadot avec le PS semble assez convenable. Il ne faut pas oublier également que la tête des socialistes à la présidentielle est Benoît Hamon et pas Manuel Valls. C'est une différence qui change tout.
Si l'alliance est validée par les militants, la question qui se posera ensuite est de savoir quel avenir politique auront les écologistes. C'est très difficile à dire pour l'instant car cela dépendra de la victoire ou non de la gauche à la présidentielle. Si Benoît Hamon l'emporte, cela permettra au parti d'avoir des députés écologistes. Ce ne sera sûrement pas énorme. Certainement pas de quoi leur permettre de constituer un groupe à l'Assemblée, mais cela existera.
Si Emmanuel Macron l'emporte, la situation deviendra déjà bien plus difficile puisque cela voudra dire que le PS sera déjà assez bas. Mais la situation politique est incertaine, les pronostics sont difficiles et je ne m'y risquerai pas. Nous sommes à près de 60 jours du premier tour dans une élection qui est la plus incroyable que je n'ai jamais connu.
Il y a néanmoins une question qui va se poser pour le parti écologiste si cette alliance est confirmée et qu'il y a une adhésion pour elle lors de l'élection présidentielle, c'est celle de leur identité. Ils vont se rendre compte qu'il y a un parti qui a des conclusions qui sont quasiment les mêmes que les leurs. C'est très sympathique d'un côté, mais de l'autre cela force à se demander ce qu'ils font là, ce qu'ils apportent de plus.
Les frondeurs et les socialistes les plus à gauche qui se sont rendus compte qu'il y avait une véritable opportunité en terme de pourcentage de votes à parler d'écologie
RT France : Vous parlez du programme écologiste de Benoît Hamon. Jean-Luc Mélenchon y porte un grand intérêt. Emmanuel Macron le revendique également. A l'heure où les idées défendues par Les Verts se retrouvent dans l'ensemble des programmes d'aspiration de gauche, y a-t-il encore un sens à avoir un parti écolo ?
D. B. : Je n'irais pas jusque là, le parti écolo a toujours des convictions et valeurs à faire connaître. Ce qu'il faut souligner comme vous le dites, est qu'il y a effectivement une vraie rupture. La gauche d'aspiration communiste ne s'intéressait pas du tout d'écologie. Ce n'était pas du tout dans sa logique et sa vision de société - favorable au nucléaire, au développement industriel. En ce sens, les propositions de Jean-Luc Mélenchon détonent des discours du PC. Je pense qu'il a sincèrement des idées pour l'écologie. Même si effectivement, cela change complètement par rapport aux discours classiques du PC ou même du Front de gauche.
C'est un peu pareil avec la victoire de Benoit Hamon, qui a pu surprendre mais qui montre un mouvement nouveau dans son parti. Pendant des années, je me suis demandé pourquoi le PS continuait à sous-traiter l'écologie comme si c'était un sujet qui n'intéressait pas. C'était d'autant plus étonnant qu'il y avait des partisans à l'écologie au sein du parti. Il était difficile de comprendre pourquoi le PS était aussi hermétique à l'écologie. Il y a eu un phénomène nouveau avec les frondeurs et les socialistes les plus à gauche qui se sont rendus compte qu'il y avait une véritable opportunité en terme de pourcentage. On sait depuis des années qu'il y a des électeurs qui alternent entre vote écologiste et vote socialiste. Il était donc logique de chercher à se l'approprier.
Si Benoît Hamon était élu et que les Verts restaient dans l'opposition, ils seraient forcés de se tourner faire une écologie très radicale
Il évident qu'il y aura des conséquences importantes pour les Verts si Benoît Hamon est élu. Imaginons que les Verts restent dans l'opposition, ils seront forcés de se tourner faire une écologie très radicale. Ils seraient forcés à aller dans la surenchère, de montrer les muscles. Etre un parti de l'opposition qui critique un parti au pouvoir qui partagent des convictions est une position difficile à tenir en terme d'identité et de crédibilité. Je pense qu'il y a un vrai problème pour eux en ce sens.
Les écologistes qui ont choisi de rester proche du gouvernement ont été marginalisés
RT France : Les grandes figures du parti écolo ont fait partie à un moment ou à un autre du gouvernement Hollande. Y a-t-il un risque pour EELV de ne pas pouvoir se relever de l'image d'alliés de ce quinquennat au près des électeurs ?
D. B. : Je ne crois pas. Il y a eu une césure à l'intérieur des écologistes. Ceux qui ont choisi de rester proche du gouvernement ont été marginalisés. Je ne crois pas que cela pèse directement sur les Verts. Tout le monde a surtout retenu que les verts sont sortis avec éclat du gouvernement au moment où Manuel Valls a été désigné comme Premier ministre - pour des raisons qui n'avaient pas forcément directement à voir avec des problématiques écologistes. Après cette rupture, ils ont beaucoup critiqué les choix du gouvernement. Je ne pense donc pas que leur participation à la majorité leur apportera d'effets négatifs à long-terme.
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