Quel que soit le vainqueur de la primaire, le PS semble plus que jamais en mauvaise position pour la présidentielle. Son avenir pourrait-il être en péril ? Peut-il espérer voir émerger une nouvelle génération ? Analyse avec Bruno Cautrès, chercheur.
RT France : Les sondages actuels donnent le gagnant de la primaire de gauche aux alentours de 10% d'intentions de vote à l'élection présidentielle. Ces chiffres peuvent évidemment encore évoluer mais si ces prédictions s'avéraient proches du résultat des urnes, le futur et l'existence du Parti socialiste pourraient-ils être remis en question ?
Bruno Cautrès (B. C.) : Il faut tout d’abord rappeler la prudence d’usage qu’il faut avoir avec des intentions de vote mesurées près de 100 jours avant l’élection. La campagne présidentielle ne commencera vraiment que dimanche soir quand nous saurons qui a gagné la primaire de la gauche. On peut s’attendre à ce que les intentions de vote bougent un peu. Si Benoît Hamon gagne la primaire, va-t-il prendre des voix à Jean-Luc Mélenchon ? Si Manuel Valls gagne finalement, va-t-il prendre des électeurs qui ont été séduits par Emmanuel Macron ? Mais si le candidat du PS restait en position de numéro 4 ou 5 le jour du premier tour de la présidentielle, cela aurait des conséquences majeures sur le PS qui ne pourrait éviter une forte remise en cause. Cela ne veut pas dire que le PS disparaîtrait, mais qu’il pourrait éventuellement connaître une scission. La «clarification» tant demandée par Manuel Valls aurait alors lieu.
On voit bien que la génération Hollande arrive (prématurément en fait) au bout d’une aventure
RT France : Les défaites électorales n'ont pas empêché la génération des «éléphants du PS» d'avoir des carrières allant jusqu'aux plus hautes places du pouvoir. La génération des Benoît Hamon, Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Najat Vallaud-Belkacem peut-elle espérer un même avenir ou la défiance citoyenne restera ancrée contre eux, qui ont tous été des acteurs du gouvernement Hollande ?
B. C. : Si le candidat du PS connaissait une lourde défaite à la présidentielle, réalisant par exemple une score inférieur à Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, tous les acteurs de la primaire actuelle en paieraient le prix. Mais il y aurait sans aucun doute un fort renouvellement générationnel qui est d’ailleurs déjà visible. On voit bien que la génération Hollande arrive – prématurément en fait – au bout d’une aventure. Les ministres les plus proches de l’actuel président, ceux qui l’ont accompagné à travers tout son mandat et soutenu aussi, seraient sans doute sur le retrait. Mais mêmes les «jeunes quinquagénaires» de la primaire d’aujourd’hui, de Manuel Valls en passant par Vincent Peillon, Arnaud Montebourg, auraient du mal à incarner le renouveau. Si Benoît Hamon gagne la primaire mais fait un mauvais résultat à la présidentielle, peut-être pourra-t-il survivre à cette séquence, mais rien ne le garantit.
RT France : La victoire éventuelle de Benoît Hamon, dimanche soir à la primaire, pourrait-elle suffire à donner un nouveau souffle à ce parti et à renouveler les visages du PS ?
B. C. : On voit bien que Benoît Hamon incarne, pour une partie du PS, l’espoir d’un horizon politique de retour aux sources et de renouvellement à la fois. Toute sa campagne est fondée sur ce double message, très efficace pour gagner éventuellement la primaire. Dès les premiers mots qu’il a prononcés lors du débat avec Manuel Valls, la question de redonner de l’espérance et une perspective à la gauche a été fortement présentée. Mais cela ne suffira pas en cas de lourde défaite à la présidentielle. Celle-ci voudrait dire que les propositions phares de Benoît Hamon seraient rejetées en grande partie par l’opinion, notamment le revenu universel. Dans le cas où il parviendrait à monter en puissance, au cours de la campagne, et à imposer que son thème principal sur la question du travail devienne l’enjeu principal ou l’un des grands enjeux de la campagne présidentielle, alors il pourrait capitaliser sur cette position après la présidentielle. Et l’on verrait alors sans doute de jeunes «hamonistes» monter dans la hiérarchie du PS.
Paradoxalement, la situation d’urgence que connait le PS aujourd’hui peut lui permettre de survivre
RT France : A qui profite cette défiance face à ceux qui ont incarné le quinquennat Hollande ? Les autres mouvements progressistes d'Emmanuel Macron à Jean-Luc Mélenchon ? Aux têtes moins connues du PS tels que Karine Berger, Olivier Faure, Alexis Bachelay etc... ?
B. C. : Paradoxalement, la situation d’urgence que connait le PS aujourd’hui peut lui permettre de survivre et de se renouveler. Mais à condition effectivement que de nouveaux visages jouent les premiers rôles. Les noms que vous citez sont d’évidents candidats à cela et incarnent, chacun à sa manière, une nouvelle génération et un renouveau. Le PS d’après 2017 ne ressemblera pas à celui que nous connaissons aujourd’hui, au minimum au plan de ceux qui sont sur le devant de la scène.
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