«Les Etats-Unis et la Russie ne sont pas à l’abri des guerres, mais ils savent comment les gérer : ces deux pays ne s'entendent pas, mais ils savent comment faire avec leurs différences», considère l'écrivain Nassim Taleb.
RT : Entre conflits ouverts, terrorisme, sanctions bilatérales, exercices militaires... le monde traverse une période de grandes tensions. Devrions-nous nous préparer à un conflit armé à l’échelle mondiale ?
Nassim Taleb (N. T.) : S'il y a un conflit, je ne pense pas qu’il déclenche là où on s’y attend, les gens en ont été «vaccinés» des deux côtés. Les Etats-Unis et la Russie ne sont pas à l’abri des guerres, mais ils savent comment les gérer. Je suis plus inquiet pour l'Inde et le Pakistan, je suis plus inquiet pour des endroits où les choses peuvent déraper. Les relations entre les Etats-Unis et la Russie sont comme les relations entre deux cousins. Ils ne s'entendent pas, mais ils savent comment faire avec leurs différences.
RT : Prenons un pays où la guerre est déjà en cours et où nous voyons comment de grandes puissances tentent de régler le conflit, mais sans résultat. Avez-vous l'impression que cette guerre pourrait se transformerait en conflit durable et s’étaler sur une dizaine d’années ?
N. T. : Il y a un élément central dans le conflit syrien : cette guerre n'est pas venue de nulle part. Elle n'est pas apparue spontanément comme le Printemps arabe. Le conflit syrien a été largement nourri par le financement saoudien salafiste. C'est évident pour moi : nous avons les données, nous savons à peu près comment cela a commencé, comment cela a été alimenté. Nous savons quels partis ont alimenté ce conflit. La plupart des gens savent que l'Arabie saoudite finance directement ou indirectement ces groupes armés. Nous savons qu'ils ont financé initialement Al-Qaïda, nous savons qu'ils vont financer des groupes armés à l’avenir. Le seul problème est donc qu'il y a un tas de gens aux Etats-Unis influencé par l'Arabie saoudite via des entreprises de relations publiques. Cela peut s'effondrer, dans ce cas la relation entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis serait entièrement différente.
Les salafistes sont une menace bien plus importante pour l'Europe d'aujourd'hui
RT : Donc, tout se résume à de l'argent.
N. T. : Nous savons que beaucoup d'images du conflit syrien ont été traitées par des entreprises de relations publiques à Londres, financées par le Qatar ou par les Etats-Unis. Il y a donc cet argent qui influence les journalistes. Les relations entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite sont stratégiques et, quel que soit le qualificatif que vous pourriez leur attribuer, ce n'est pas «naturelles».
RT : A quel point la fin du conflit en Syrie dépendra-t-elle des facteurs que vous avez cités ?
N. T. : Je ne vois pas comment les Etats-Unis pourraient rester dans une alliance - et une alliance pas très confortable - avec des gens qui ont conçu l’attentat du 11 septembre. A un moment donné, les contradictions de leur politique étrangère émergeront, parce que les Etats-Unis luttent contre Al-Qaïda.
RT : Pensez-vous qu'une alliance entre deux grandes puissances, comme la Russie et les Etats-Unis, mettrait fin à la guerre et éliminerait les terroristes en Syrie ?
N. T. : Cela changerait le paysage en Syrie. L'Occident sera moins hostile au régime syrien. Et puis il y a autre chose : n'oubliez pas que l'Europe – la France, par exemple – a eu des ennuis avec les salafistes. Les salafistes sont une menace bien plus importante pour l'Europe d'aujourd'hui. Donc, ils n'ont aucun intérêt à ce que les salafistes gagnent en Syrie.
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