Vote du CETA : les ultralibéraux ont rendu les Européens «orphelins et malheureux»

Vote du CETA : les ultralibéraux ont rendu les Européens «orphelins et malheureux»© JOHN THYS Source: AFP
Des militants manifestent contre les traités de libre-échange CETA et TAFTA devant la Commission européenne à Bruxelles.
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Après l'abandon du TPP par Trump, les pontes européens font pression pour assurer le vote en faveur du traité UE-Canada. L'eurodéputé belge Marc Tarabella revient sur cette majorité libérale qui avec ses accords de libre-échange met à mal l'Europe.

RT France : La commission chargée du commerce international du Parlement a donné son feu vert au CETA. Vous et les autres députés européens devrez voter le 15 février. Pensez-vous que ce traité sera adopté par le Parlement ?

Marc Tarabella (M. T.) : Je n'en sais rien. J'espère que non. Je félicite encore une fois Paul Magnette, le ministre président wallon qui a négocié des avancées qui sont à saluer mais qui souvent ne sont bénéfiques qu'à la Belgique. Je suis député européen, certes belge, mais je travaille pour tous les Européens. Je trouve qu'il y a plus de mauvais points et de menaces dans le CETA et dans les traités de libre-échange tels qu'ils ont été négociés jusqu'à présent. J'espère que les futurs traités d'échange seront plus équitables et tiendront plus compte des gains évidemment économiques des deux partenaires mais également des gains sociaux et environnementaux. La viande qui traverse l'Atlantique ne nous apporte rien. J'espère que les consommateurs seront assez sages pour la laisser pourrir dans les étalages des magasins.

Il est idiot d'importer des porcs ou de la viande du Canada alors que nous avons déjà des problèmes avec nos producteurs

RT France :  Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, a déclaré que face au retrait des Etats-Unis du TPP par Donald Trump, «le CETA est plus important que jamais.» La décision du président américain pourra-t-elle influencer le choix du parlement ?

M. T. : Je ne pense pas, car la majorité ultralibérale de ce parlement va contre vents et marées vers des accords de libre-échange qui sont généralement nocifs pour l'Union européenne, tels que le CETA ou encore pire, avec le TTIP. Pourquoi dis-je cela ? Il est idiot d'importer des porcs ou de la viande du Canada alors que nous avons déjà des problèmes avec nos producteurs en ayant abandonné nos mécanismes de régulation. Et avec cet exemple, je ne prends que l'angle agricole. Aujourd'hui les investisseurs canadiens sont les bienvenus et les Européens peuvent aller au Canada. C'est très bien ! Il n'y a pas besoin de transférer du pouvoir vers des juridictions privées pour déposséder les autorités publiques de leurs capacités de légiférer. Le Canada en a souffert avec les Etats-Unis au sein de l'Aléna. Malheureusement Madame Malmström et sa cohorte de fonctionnaires ultralibéraux – que l'on serait bien inspiré d'envoyer en retraite anticipée parce qu'ils sont nuisibles au développement des politiques européennes – continuent de faire des accords de libre-échange tels qu'on les faisait avant.

Je ne dis pas qu'il faut arrêter les échanges car le repli sur soi est mauvais. C'est pour cela que je pense que les sanctions contre la Russie devraient être arrêtées. Nous devons refaire du commerce ensemble car nous sommes des partenaires et des voisins. Ce n'est pas parce qu'on a des désaccords politiques à certains moments qu'on doit en faire pâtir l'économie. Faire pression pour entraîner une évolution sur certains dossiers c'est très bien mais pas au prix de mettre en difficulté des secteurs entiers de notre économie. Avec les Etats-Unis aussi, il faut des échanges mais ils existent déjà. Nous n'avons pas besoin de ceux tels qu'indiqués dans le TTIP. J'espère que Donald Trump fera arrêter le TTIP. Mais sur le CETA, sa décision sur le TPP ne remettra pas en cause et n'influencera pas le vote des députés européens. 

La peur que nous avons de Donald Trump, c'est son comportement inconstant qui est complètement perturbant – et son entourage

Rt France : Alors d'où vient l’inquiétude européenne pour Donald Trump ? 

M. T. : La peur que nous avons de Donald Trump, c'est son comportement inconstant qui est complètement perturbant. On peut aussi avoir peur de son entourage comme Steve Bannon, un militant d’extrême droite antisémite et misogyne, ou Rex Tillerson, PDG d'ExxonMobil qui devient secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères. Avec lui, la politique étrangère américaine va se calquer sur les intérêts pétroliers des grands groupes. Il a de très bonnes relations avec la Russie et je m'en réjouis mais j'ai peur qu'il déclenche des guerres en fonction de leurs besoins pétroliers, comme Georges W. Bush l'a fait en Irak. Le problème avec les Etats-Unis, c'est que leur politique étrangère est menée en fonction de leurs intérêts économiques. Je crains que cela soit pire sous Donald Trump. Lui qui était soi-disant le candidat anti-establishment, il ne fait que s'entourer de gens de l'establishment financier et des grandes multinationales. J'ai la sensation que le peuple américain a été dupé, mais Donald Trump est désormais le président, il faut le laisser travailler. Ses premières décisions cette semaine me poussent tout de même à être assez inquiet. Je pense notamment à son décret qui arrête toutes subventions aux ONG aidant dans les cliniques et planning familiaux aidant les femmes à avorter. Les courants religieux ont gagné et ont fait élire un président ultra-conservateur.

Donald Trump dit «America first», très bien prenons acte ! Nous devons maintenant dire «Europa first» !

RT France : Vous me parlez de l'inconstance et de l'imprévisibilité de Donald Trump. Quelle stratégie doit alors avoir l'UE face à cela ? Chercher à développer son indépendance face aux Etats-Unis ?

M. T. : L'arrivée de Donald Trump, comme celle du Brexit, sont des opportunités pour l'Europe de redéfinir ses priorités et d'essayer de se centrer avant tout sur les intérêts économiques européens. Donald Trump dit «America first», très bien prenons acte ! Nous devons maintenant dire «Europa first» ! Je vais vous donner un exemple qui est intéressant au niveau agricole. Dénonçons les accords de Blair House qui font que l'on importe du soja américain pour nourri notre bétail ! Travaillons avec nos voisins : la Russie, l'Ukraine et avec les partenaires européens comme la Roumanie. Ainsi on pourra réduire notre dépendance au continent américain en matière de production de protéines végétales. Il faut travailler avec des stratégies qui donnent la primauté à nos voisins pour se libérer de notre dépendance absurde aux Etats-Unis, qui n'a plus de raison d'être avec les accords sur le Climat.

Nous sommes probablement le maillon faible des pays développés

Malheureusement j'attend cette stratégie européenne intelligente mais je ne la vois pas venir. Nous n'avons plus de leaders avec une vision à long-terme. Nous n'avons plus non plus d'entente au niveau européen depuis que nous sommes à 28. Nous sommes probablement le maillon faible des pays développés par rapport à notre manque de stratégie qui viserait à réaffirmer notre économie et faire en sorte que l'on produise de nouveau. Je pense à l'acier. Je pense à notre agriculture qu'on fait souffrir. L'Europe souffre de son ultralibéralisme et de l'abandon de politiques stratégiques. Sans oublier qu'on vient y ajouter des accords de libre-échange qui renforcent le désarroi dans certains secteurs européens. Il faut repenser tout cela. Le problème c'est que je ne vois pas aujourd'hui de Jacques Delors, de François Mitterrand, d'Helmut Köhl, des gens qui ont su faire la grandeur de l'Europe. Aujourd'hui nous sommes orphelins et malheureux. J'ai très peur pour l'avenir de l'Union européenne.

RT France : L'arrêt total du TTIP par les Etats-Unis pourrait-il être un electrochoc suffisant ?

M. T. : Je l'espère mais je n'ai aucune confiance en la Commission européenne où les ultralibéraux sont toujours majoritaires. Je ne fait pas confiance non plus aux fonctionnaires qui sont là et bien payés depuis des années pour détruire nos stratégies européennes. Je suis peut-être dur, mais les fonctionnaires restent pendant que les commissaires passent. Il y a une série de fonctionnaires ultralibéraux que l'on devrait mettre à la retraite de manière anticipée pour arrêter de nuire à l'intérêt de l'UE. Les citoyens pourraient enfin croire à nouveau un projet européen si nous changeons de cap.

Lire aussi : Renonçant au TPP, Donald Trump signe-t-il la fin de l'ère des accords multilatéraux ?

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