Le retrait des Etats-Unis du TPP peut laisser présager d'un abandon du TAFTA. Mais, pour la députée Isabelle Attard, Donald Trump, en plus de ne pas combattre la finance, fait preuve d'une logique productiviste dangereuse.
RT France : Donald Trump a ordonné le retrait des Etats-Unis de l’accord de partenariat transpacifique (TPP). Selon vous, quelles seront les conséquences politiques et économiques de cette décision ?
Isabelle Attard (I. A.) : Pour l'instant, sa décision ne touche pas directement l'Europe tant qu'il ne touche pas au TAFTA. Donald Trump a dit qu'il sortirait les Etats-Unis des négociations du traité transatlantique. Il a aussi parlé de renégocier le CETA. Ce qui est intéressant, dans cette décision, c'est de voir ce qui va suivre, de voir sa réaction concrète face au TAFTA.
Cela ne veut pas dire que Donald Trump ne veut pas de traités de libre-échange, mais qu'il va les renégocier point par point, pays par pays de façon à respecter son motto «America first»
RT France : Doit-on voir cela, quand on est opposant au TAFTA, comme une nouvelle positive ?
I. A. : Il est tentant de regarder par le tout petit bout de la lorgnette. C'est-à-dire de ne voir que l'aspect TAFTA dans tout ce que Donald Trump a dit ces derniers jours et semaines. On pourrait se dire qu'il est plutôt bien d'avoir un président américain qui renonce à ce traité. Bernie Sanders a salué la décision du président américain sur cet aspect là parce que l'objectif affiché de Donald Trump est bien de faire en sorte que les grandes entreprises américaines continuent de produire et de construire aux Etats-Unis et non à l'étranger pour redonner du travail aux ouvriers américains. Tous ceux qui veulent qu'il y ait moins de chômage aux Etats-Unis vont dire que c'est bien d'aller dans cette direction. Sauf que cela ne suffit pas pour se réjouir. Je ne me réjouis absolument pas de l'élection de Donald Trump. Il va essayer désormais de négocier des traités bilatéraux. Il a parlé d'abord d'Etats-Unis/Royaume-Uni, puis après on peut penser Etats-Unis/Canada, Etats-Unis/Japon, voire même Etats-Unis/Allemagne. On peut imaginer tous les traités bilatéraux possibles.
Cela ne veut pas dire qu'il ne veut pas de traités de libre-échange commerciaux, mais qu'il va les renégocier point par point, pays par pays de façon à respecter ce qu'il a dit au moment de sa cérémonie d'investiture. C'est-à-dire «America first». C'est comme sa décision de baisser les impôts sur les grandes entreprises qui produisent aux Etats-Unis et par ailleurs d'augmenter les taxes pour les autres. Tout comme il a dit vouloir baisser les impôts des classes moyennes. On est vraiment dans un mode de fonctionnement qui vise à récupérer des emplois pour les Etats-Unis et les Etats-Unis seulement. Je suis, comme d'autres européens, contre le TAFTA car il y a une vraie prise de conscience du danger du traité transatlantique, on peut se réjouir de le voir potentiellement abandonné. Cela ne veut pas dire qu'il faut s'arrêter là et ne pas regarder ce qui se passe aux Etats-Unis, ce qui se passe de grave. C'est prévisible qu'on puisse se réjouir de l'abandon du TAFTA, mais ce n'est pas encore fait. On ne parle que du traité transpacifique. Il faut être ultra-vigilant et ne pas dire «vive Donald Trump».
Ceux qui se réjouissent de voir les Etats-Unis choisir une logique protectionniste oublient que c'est une logique protectionniste productiviste
RT France : Quelle position devrait adopter l'Europe face aux choix économiques protectionnistes et entièrement tournés vers les intérêts américains de Donald Trump ?
I. A. : Il faut prendre le contre-pied absolu. Si on veut une économie résiliente, ce n'est pas avec des traités transatlantiques et des multinationales que cela se passe. C'est en développant l'emploi local, en faisant en sorte que le travail et l'énergie produits ne soient pas aux mains des multinationales et des fonds de placements étrangers. Il faut absolument que tout se passe en local. Ca n'est certainement pas avec un traité transatlantique que l'on va aller dans cette direction. On voit bien Angela Merkel s'attrister de voir les Etats-Unis arrêter les négociations mais je suis en opposition totale avec la vision européenne d'Angela Merkel. Ce que je souhaite c'est que, quelque soit l'endroit de la planète où l'on se trouve, on puisse vivre avec de l'eau potable, des terres non-polluées et que chacun vive dignement là où il se trouve. C'est aux antipodes des traités de libre-échange commerciaux, mais c'est aussi aux antipodes de la logique productiviste que développe Donald Trump. Ceux qui se réjouissent de voir les Etats-Unis choisir une logique protectionniste, ils oublient que c'est une logique protectionniste productiviste. C'est pas du tout ce que je défends, personnellement, comme projet de société.
Je n'ai pas l'impression que les Européens aspirent à plus de libéralisme
RT France : Vous parlez de projet de société autour d'une économie résiliente. Pensez-vous que l'Europe va suivre cette voie ou choisir la solution de plus de libéralisme notamment avec la Chine en réponse aux choix de Donald Trump ?
I. A. : Je pense qu'il y a une prise de conscience chez les Européens sur l'action locale et régionale, avec comme volonté de reprendre le pouvoir sur la producion d'énergie, sur ce que l'on souhaite consommer, sur comment donner du sens aux activités. Le débat sur le revenu universel est la preuve, aussi, qu'il est important de réfléchir sur la nécessité pour tous de travailler ou si promouvoir des activités qui ont du sens d'un point de vue social, familial ou environnemental peut être une voie. Je n'ai pas l'impression que les Européens aspirent à plus de libéralisme. Par contre, les grandes entreprises qui gouvernent et qui prennent le pas sur le politique souhaitent plus de libéralisme et plus de traités de libre-échange comme le TAFTA. C'est évident. Malheureusement ces entreprises sont celles qui dirigent les plus grands médias en France. Dans les principaux médias, on voit uniquement cette vision. Or ce n'est pas forcément celle que préfèrent les citoyens, ce n'est pas forcément celle qui fera que l'on puisse vivre dignement, écologiquement et pour longtemps dans nos pays. Les traités de libre-échange et le libéralisme en général représentent une vision de très gros profits à court terme à l'opposé d'une économie résiliente qui dure sur des générations. C'est aux antipodes. Des mouvements comme «Ville en transition», porté par Hopkins, avec des exemples en France de communes qui s'engagent dans cette dynamique de transition en produisant leur propre énergie, en consommant local, en développant des entreprises, des commerces et des artisans localement, c'est ça qui permet de lutter contre la finance. Ca n'est pas précisément ce que propose Donald Trump.
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