Même si la défiance envers les élus est au plus haut, aucune violence n'est acceptable pour Fatiha Boudjahlat secrétaire nationale du MRC. Pour elle le profil de celui qui a giflé Manuel Valls ne devrait rien changer à l'indignation face à son geste.
RT France : Sur les réseaux sociaux, vous avez fortement condamné la gifle reçue par Manuel Valls. Mais vous avez également réagi à ce que vous avez appelé «l'indignation à géométrie variable» consistant à pointer du doigt le profil d’extrême-droite de l'agresseur, car selon vous quelle que soit l'appartenance politique, un tel geste est toujours condamnable. Pourquoi était-ce important pour vous de faire ce rappel ?
Fatiha Boudjahlat (F. B.) : Il y a une sorte de romantisme chez certaines personnes qui ont vu au début dans cette gifle une espèce de compensation et de vengeance justifiée face à la violence sociale du gouvernement Valls. Ce geste-là, certains ont cru bon de le défendre ou de le relativiser en disant que ce n'était que justice, que «Valls a été violent par ses mesures sociales, c'est le petit peuple qui se venge.» De plus une gifle ce n'est pas quelque chose de douloureux, c'est avant tout très humiliant. Sauf que ces gens-là se sont faits complètement avoir puisqu'on a découvert que l'agresseur était quelqu'un d’extrême-droite, un régionaliste, fan d'Alain Soral. Les personnes qui avaient défendu ce geste pensant qu'il venait d'un militant d’extrême-gauche ne le défendent finalement plus. On arrive à cette idée que la violence quand elle vient d’extrême-droite est méchante et mauvaise mais quand elle vient de l’extrême-gauche, elle est décrite comme juste et généreuse. C'est cette hypocrisie et cette indignation à géométrie variable que je trouve insupportable. On est vraiment dans cette ère-là. Au lieu de se prononcer sur l'événement, sur l'acte en lui-même, on cherche avant tout à savoir de qui il vient et qui il visait. La violence sous toutes ses formes, je la condamne. Qu'elle vienne d’extrême-gauche ou d’extrême-droite. Il n'y a pas une bonne violence de d’extrême-gauche et une mauvaise d’extrême-droite. Il n'y a que de la violence.
Est-ce que la démocratie va mal ? Non. Mais est-ce que les élus politiques sont complètement déconsidérés ? Oui !
RT France : Au delà des appartenances politiques, de nombreux internautes ont eu des réactions favorables à cette gifle à Manuel Valls, un auditeur de France Inter a déclaré à Manuel Valls que 66 millions de Français auraient voulu la lui donner. Cette gifle et sa médiatisation est devenu le symbole de l'insatisfaction populaire face au gouvernement. Est-ce un mauvais signe de l'état de notre démocratie cette acceptation d'un geste violent ?
F. B. : Ça avait commencé avec le «Ne me touche pas tu me salis» d'un visiteur du Salon de l'Agriculture à Nicolas Sarkozy. Cela veut dire que le statut et l'homme politique ne sont plus respectés. A mon avis, l'homme politique en est responsable. Les élus ont tendance à surjouer le côté proximité, les «Je suis comme vous», «Je vais m'allonger sur le canapé de Karine Lemarchand» ou encore «Je vous raconte ma vie et je mange du quinoa» à la Jean-Luc Mélenchon. Il n'y a plus cette distance qu'il y avait avant. Il y a aussi cette sensation qu'en période électorale l'impunité cesse, que les élus viennent nous draguer alors que le reste du temps ils ne prennent pas en compte ce qu'on leur dit. C’est donc une période où ils sont plus vulnérables. Comme ils sont constamment suivis par des caméras, le moindre petit geste peut avoir un écho considérable. Est-ce que c'est un mauvais signe pour notre démocratie ? Je ne sais pas. Le nombre de personnes qui suivent les débats des primaires, c'est un bon signe. L'élection présidentielle reste l'élection avec le moins d'abstention, c'est aussi un bon signe. Est-ce que la démocratie va mal ? Non. Mais est-ce que les élus politiques sont complètement déconsidérés ? Oui ! C’est bien pour cela qu'Emmanuel Macron, hors parti, arrive à attirer autant de personnes. Ce sont les élus traditionnels qui payent le fait d'avoir tellement déçu et d'avoir tellement fait de promesses non tenues. Ce que je trouve hypocrite, c'est qu'on se focalise sur la personnalité de Manuel Valls car il est l'ancien premier ministre qui incarne une certaine autorité. Or c'est lui qui doit faire le plus de courbettes et chercher à séduire. Il y a donc une espèce de jouissance à l'humilier lui.
La violence des antifas, la violence des opposants de l'aéroport de Notre-Dames-des-Landes ou la violence des racistes pour moi c'est de la violence. Elle n'a rien à faire dans un régime démocratique en temps de paix
RT France : Peut-on en finir avec cette crispation populaire autour des élus qui parfois se traduit par des gestes violents ?
F. B. : Sincèrement, je suis un peu désespérée. Les gens se plaignent beaucoup de leurs politiques mais continuent à voter pour eux. Quelque part on a les élus que l'on mérite. Les électeurs restent très dociles et continuent à voter pour les mêmes partis. Je trouve cela hypocrite que d'un côté décider de balancer de la farine ou des gifles, mais de l'autre côté choisir de ne pas voter, de ne pas se présenter, de ne pas se mobiliser. Regardez les candidats investis aux législatives, y compris au PS. Vous avez Kader Arif qui est mis en examen et qui a tout de même été reconduit sans aucun opposant. Vous avez la caricature même de l'apparatchik à Toulouse avec Christophe Borgel. C’est un parachuté, qui n'a jamais travaillé de sa vie mais qui, comme il s'occupe des investitures, est craint par les autres élus et fait exactement ce qu'il veut. Je me demande sincèrement pourquoi les gens votent pour ce genre d'élus. Qu'ils ne se plaignent pas après, ou alors comme le disait Louis Barthou «Entrez dans l'arène.» Il y a plein de petits partis qui ne demandent que des militants, qui ont du mal à obtenir les parrainages. On a le choix en France de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Les citoyens au lieu de balancer de la farine ou des claques, qu'ils se présentent, qu'ils militent, qu'ils fassent changer les têtes. Mais jamais qu'ils n'aient recours à la violence. Car la violence dont les citoyens peuvent user, n'importe qui peut aussi en user. La violence des antifas, la violence des opposants de l'aéroport de Notre-Dames-des-Landes ou la violence des racistes pour moi c'est toujours de la violence. Elle n'a rien à faire dans un régime démocratique en temps de paix. C'est pourquoi je la condamne dans l'absolu.
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