Sur le point de quitter la Maison Blanche, Obama, s'acharnant en vain sur une «fantasmagorique conspiration russe», n’a plus cette baraka qui avait fait d’un avocat le président de la première puissance mondiale, estime le philosophe Mezri Haddad.
Le très provisoire président américain termine son second mandat comme il l’a inauguré : dans la démagogie vindicative et la régression infantile. Il a commencé sa présidence en fausse colombe et il l’achève en vrai faucon. Accusation d’espionnage par-ci, sanctions antirusses par-là, on se croirait au pire moment de la guerre froide. Jamais président américain n’aura été aussi médiocre et autant impulsif. Ni James Buchanan, ni Herbert Hoover, ni même George W.Bush, dont les Etats-Unis et le monde en général subissent pourtant encore aujourd’hui les conséquences funestes de son néoconservatisme et de son syndrome d’hubris, notamment en Irak. Comme l’a si bien dit Daniel McAdams, directeur de l’Institut Ron Paul pour la paix et la prospérité, «cela souligne simplement la rancune, la mesquinerie des gens dont s'est entouré Barack Obama en ce qui concerne la politique étrangère». Cela dénote aussi les limites intellectuelles et politiques du président américain.
Alors que la principale vaincue, Hillary Clinton, s’est dignement éclipsée en laissant le tribunal de l’Histoire juger le bilan de sa politique étrangère, Barack Hussein Obama n’en finit pas de broyer du noir, de chercher des poux dans la tête du Tsar élu, de se lamenter sur la défaite de son idole qu’il attribue à une fantasmagorique conspiration russe. Ainsi, si la candidate démocrate a échoué aux élections, ce n’est guère en raison de la politique sociale et économique de Barack Hussein Obama, qui a fait des millions de chômeurs et de sans abris, ni à cause de sa politique étrangère qui a plongé le monde dans l’instabilité et dans l’insécurité, mais par la faute du vilain «néo-bolchévique». Le moins qu’on puisse dire est qu’en fin d’un règne désastreux, Obama avoue son mépris de la démocratie et son dédain pour le peuple américain, injuriant ainsi son intelligence et sa capacité à rebondir en portant au pouvoir un Donald Trump aux antipodes de l’establishment et au-dessus des lobbies. Pis encore, à quelques jours de son départ, Obama essaye désespérément de torpiller toutes tentatives de normalisation avec la Russie poutinienne.
Barack Hussein Obama a également clivé jusqu’au paroxysme les relations internationales
A posteriori, Barack Hussein Obama n’a plus cette baraka qui a fait d’un avocat issu de la «diversité», comme on dit en France, le 44e Président de la première puissance mondiale. La baraka, cette bénédiction qu’Allah réserve à quelques «élus» et dont dérive son nom, Barack. La baraka, cet équivalent de la Fortuna dans la mythologie gréco-romaine, la déesse de la prospérité et la fille ainée de Jupiter qui aurait fait roi Servius Tullius, lui aussi enfant de la «diversité» romaine ! Fortuna, une des 1 038 femmes que l’artiste Judy Chicago immortalise dans son œuvre, The Dinner Party, et qu’Obama a désormais tout le loisir d’aller contempler au Brooklyn Museum of Art, maintenant que la Maison Blanche n’est plus sa piste de danse.
Tocqueville, qui connaissait d’ailleurs si bien la démocratie américaine, disait des avocats que, lorsqu’ils ne sont pas au pouvoir, ce sont les plus révolutionnaires, et lorsqu’ils sont au pouvoir, ce sont les plus réactionnaires. Cette formule n’a jamais été aussi vraie que dans le cas d’Obama, la colombe aux ailes de faucons. Salué, en 2008, par l’univers comme le premier président noir de l’histoire américaine, consacré prix Nobel de la paix par un comité norvégien qui l’a jugé sur son look et sa phraséologie et non guère sur ses actions futures, auréolé de toutes les vertus parce qu’il était jeune, diplômé et d’origine africaine, Barack Hussein Obama suscitait bien des espoirs aux Etats-Unis et bien des attentes partout dans le monde. Et pour cause, il venait de battre l’extrémiste John McCain et il succédait à un illuminé qu’un caprice de l’histoire avait hissé au sommet du pouvoir : George W. Bush. Obama promettait aux nations du monde la paix et la coopération pour le bien de l’humanité, à son peuple plus de justice sociale et de prospérité, aux Africains l’aide au développement, aux Russes la fin de l’antagonisme est-ouest, aux Européens un partenariat plus équitable, aux Asiatiques un gentlemen agreement, aux Palestiniens leur Etat et aux Israéliens la paix définitive et perpétuelle…
Huit années plus tard, et même si le moment n’est pas au droit d’inventaire et pas encore au bilan exhaustif, l’on peut objectivement s’interroger sur la justice sociale, sur l’égalité des chances aux Etats-Unis, ainsi que sur les discriminations policières et judiciaires dont les Noirs sont victimes. Un sondage publié en 2015 par le New York Times estime que les Noirs et les Blancs ont le sentiment que leurs relations se sont détériorées depuis 2009. Récemment interrogé par Franceinfo, le professeur en sociologie à l'université d'Harvard, Orlando Patterson, qui est une référence académique sur les questions raciales aux Etats-Unis, a confirmé que le fossé s'était encore creusé entre les communautés.
Outre ce clivage sociologique et intercommunautaire, ainsi d’ailleurs que la radicalisation du clivage politique et idéologique entre démocrates et républicains, Barack Hussein Obama a également clivé jusqu’au paroxysme les relations internationales. Là aussi, l’on doit se demander où en sont aujourd’hui les relations russo-américaines, le partenariat euro-américain, et les rapports arabo-israéliens. Par ailleurs, qu’a donc fait Obama pour l’Afrique, ou même pour le pays de ses ancêtres, le Kenya ? Tellement de bonnes actions et de projets de développement que son propre demi-frère Malik a fini par déclarer publiquement son soutien à Donald Trump ! Aimait-il l’Afrique, la connaissait-il autant que Vladimir Poutine, qui avait obtenu en 1975 son mémoire à l'université de Leningrad, consacré à la politique des Etats-Unis en Afrique !
A nous le pétrole, à eux la charia, chacun sa religion !
C’est finalement au registre de sa politique étrangère qu’Obama a le plus déçu, au point que certains regrettent celle, interventionniste, unilatéraliste et belliciste de son prédécesseur, George W.Bush ! A la suite du chaos irakien et du bourbier afghan de l'ère Bush, Barack Obama s’était solennellement engagé à mettre un terme au rôle de gendarme du monde et de «faire rentrer les "boys" à la maison». Il avait promis de désengager les Etats-Unis du Proche et du Moyen-Orient, de passer d'«acteur indispensable» à «partenaire indispensable». Contraint de renvoyer des troupes supplémentaires dans un Irak totalement implosé, fragmenté et envahi par Daech, Obama n'a cessé de ralentir le retrait des militaires en Afghanistan : ils seront encore plus de 8 000 déployés jusqu'en 2017. «Sa politique étrangère dans la région [a été] un échec complet», reconnaît David Rothkopf, le rédacteur en chef du groupe Foreign Policy. Ce que Donald Trump exprime avec son franc-parler décapant : «La Libye est un désastre, l’Irak est un désastre, la Syrie est un désatre…Tout le Moyen-Orient a été en sang sous Hillary Clinton et Obama» (CNN, octobre 2015).
Dans son messianisme droit-de-l’hommiste, Obama avait promis aux masses arabes et plus exactement aux islamistes «modérés», la liberté et la démocratie. «Les Etats-Unis ne sont pas en guerre contre l’islam», avait-il déclaré lors de son discours à Ankara, le 6 avril 2009. Beaucoup ont alors salué ce tournant décisif en oubliant que George W. Bush avait dit exactement la même chose, et plus d’une fois. Il y avait pourtant un changement perceptible aux initiés : Bush le déclarait sans trop y croire, alors qu’Obama le déclinait avec la foi d’un croyant ! Sur un ton nettement apologétique, il disait vouloir «exprimer sa profonde gratitude pour la foi islamique, qui a tant fait au cours de nombreux siècles à façonner le monde pour le mieux, y compris mon propre pays», et tendait la main à tous les musulmans et même aux islamistes «modérés» qui ne s’en prendraient pas aux intérêts américains. Il est vrai que, cinq ans plus tôt, dans ses mémoires, Madeleine Albright recommandait déjà d’ouvrir le dialogue avec les «Talibans modérés» !
C’est son discours au Caire, le 4 juin 2009, qui va lever un coin du voile islamique sur sa nouvelle orientation géopolitique. En commençant par un subliminal «Assalamou Alaykoum», Barack Hussein Obama avait alors assuré : «Je suis venu chercher un nouveau commencement entre les Etats-Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur le fait que l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Cette conviction est en partie liée à ma propre expérience. Je suis chrétien, mais mon père venait d’une famille kenyane qui comprend plusieurs générations de musulmans… Cette expérience guide ma conviction qu’un partenariat entre l’Amérique et l’islam doit être fondé sur ce qu’est l’islam et non sur ce qu’il n’est pas.»
Le printemps arabe s’est avéré hiver islamo-atlantiste, avec des populations déplacées et une prolifération sans précédent d’un terrorisme global
C’était un discours qui ressemblait étrangement aux homélies de certains prédicateurs islamistes et qui confirme bien ce qu’un ancien journaliste du Monde, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, appelait dès 1997 «l’islamérique», dans sa postface au livre précurseur d’Alexandre del Valle, Islamisme et Etats-Unis, une alliance contre l’Europe. Mais c’est la dernière partie de ce discours qui laisse entrevoir la configuration de la stratégie américaine en terre d’islam. Obama y affirme «qu’aucune nation ne peut imposer à une autre un système de gouvernement… Chaque nation fait vivre ce principe démocratique à sa manière, enraciné dans ses traditions… Les Américains sont prêts à se joindre aux civils et aux gouvernements, aux organisations communautaires et aux leaders religieux dans les pays du monde entier pour aider nos peuples à bâtir une vie meilleure».
La messe est dite et les prémisses du printemps dit arabe sont implicitement énoncées : la démocratie chez les Arabes ne sera pas une réplique du modèle démocratique universel fondamentalement basé sur la sécularisation et la tolérance, mais une copie revue et corrigée par les islamistes et plus exactement par les Frères musulmans, désormais alliés stratégiques des Américains au Proche-Orient et au-delà. A nous le pétrole, à eux la charia, chacun sa religion !
Comme prévu, le printemps arabe s’est avéré hiver islamo-atlantiste, avec son cortège de vagues migratoires, avec des populations déplacées, avec des millions de Syriens et de Libyens condamnés à l’exode et, surtout, avec une prolifération sans précédent d’un terrorisme global qui frappe indistinctement le monde arabe et l’Occident. Mais, ce qui n’était pas prévisible par les stratèges islamophiles de la Maison Blanche, c’est la réaction et la résistance des peuples Arabes au fascisme et au totalitarisme islamiste. C’est aussi le retour de la Russie sur la scène internationale et avec une vision géopolitique aux antipodes du «chaos créatif» américain. C’est surtout le séisme politique que l’élection de Donald Trump a provoqué aux Etats-Unis, qui entérine l’échec cuisant d’Obama et préfigure d’autres changements de la même ampleur en Europe et particulièrement en France, avec l’élection conjecturée et désirable d’un gaulliste, François Fillon.
Dans son irruption comme dans son éclipse, la baraka est aussi mystérieuse que la naissance du Christ. Si pour Machiavel la Fortuna joue un rôle clef dans le destin de l’homme et l’avenir des nations, elle est toujours intimement liée à la Vertu. Barack Hussein Obama avait pour lui la Fortuna mais pas cette qualité intrinsèque qu’est la Vertu. «Telle est la marche de la fortune : quand elle veut conduire un grand dessein à bien, elle choisit un homme d’un esprit et d’une vertu tels qu’ils lui permettent de saisir l’occasion ainsi offerte. De même lorsqu’elle prépare le bouleversement d’un empire, elle place à sa tête des hommes capables d’en hâter la chute», écrit Machiavel dans ses Discours sur la première décade de Tite-Live.
Artisan bien involontaire de la défaite de Madame Hillary Clinton aux élections, Obama serait-il la cause première du déclin de l’empire américain ? Ou l’ultime acteur de la «fin de l’Histoire», comme disait Francis Fukuyama à la suite de la chute du communisme ? A moins que Donald Trump réussisse là où son prédécesseur a échoué.
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