La création du centre spécial pour lutter contre les «fake news» en Allemagne pourrait aboutir à une censure qui restreindrait la liberté d'expression, explique Guy Mettan, journaliste et essayiste, qui propose d'autres solutions à ce problème.
RT France : Le ministre de l’Intérieur allemand a annoncé un projet de création d'un centre de défense contre les fausses informations et on a parlé d’introduire des sanctions pénales pour la diffusion de «fake news». Selon vous, comment ces mesures vont-elles influencer les médias ?
Guy Mettan (G. M.) : En tous cas, je trouve que la norme du Parlement européen est quelque chose d’extrêmement médiatif, parce que ça interfère dans la liberté de la presse, et puis dans le droit de l’information des citoyens. Les citoyens ont le droit d’avoir l’information la plus diversifiée possible, c’est ça qui fait la qualité d’une bonne information. Le fait de vouloir restreindre les sources d’information en empêchant certaines opinions, certaines sources de s’exprimer, qu’elles soient russes ou chinoises – peu importe, on voit une intervention claire dans la liberté d’expression et puis dans le droit à l’information de la part de l’UE qui prétend donner un bonne exemple de garantie des droits des citoyens.
Chaque pays a le droit de se défendre, s'il s'estime attaqué, même sur le plan de l'information
C’est préoccupant. Je ne connais pas trop de détails sur ce que fait l’Allemagne, mais, d’une façon générale, chaque pays a le droit de se défendre, s’il s’estime attaqué, même sur le plan de l’information. Et, dans ce cas, il faut reconnaître que tous les pays ont le droit de se défendre, y compris la Russie, la Chine, la Syrie, etc. Si l’Allemagne fait ça, elle ne peut non plus, par exemple, créer ce centre ou critiquer les autres pays qui voudraient faire la même chose. C’est ça qui est important.
RT France : La raison invoquée pour la création de ce centre est la protection contre une influence étrangère sur les élections législatives qui doivent avoir lieu l’année prochaine en Allemagne. Selon vous, quelle est la réalité de cette menace et ces moyens de lutte proposés, sont-ils efficaces ?
G. M. : Comma j’ai déjà dit, chaque pays a le droit de se défendre, c’est-à-dire, c’est un peu surprenant, parce que, les Américains ont accusé l’ingérence russe dans le processus électoral des Etats-Unis, les Allemands soupçonnent de faire la même chose, mais il n’y a aucune preuve, ça n’est absolument pas avéré. Pour le moment, on a l’impression que c’est une menace tout à fait fictive et que l’argument annoncé sert plutôt d’alibi que de vraie raison. Il n’y a aucune certitude qu’il y a eu une ingérence étrangère dans le processus électoral américain.
Pour l’Allemagne, c’est la même chose, surtout qu’en Allemagne je ne vois pas l’intérêt de la Russie. Puisque, que ce soit Angela Merkel ou un autre candidat – ils sont tous anti-russes. Je ne vois donc pas quel intérêt pourrait avoir la Russie avoir d'interférer dans le processus électoral.
La question de l'anonymat est toujours aussi importante, c'est vital qu'on sache qui est à l'origine d'une information
RT France : En général, si on parle de «fake news», comment voyez-vous ce problème, à quel point est-il dangereux, si un tel danger existe ?
G. M. : Le danger des «fake news» existe depuis la création d’internet, dès le début des sites, des blogs, etc. Ce n’est pas un problème nouveau. Il y a une prolifération de fausses informations, notamment à cause de l’anonymat. Pour moi, la question de l’anonymat est toujours aussi importante, je crois que c’est vital qu’on sache qui est à l'origine d'une information. Du moment où la source peut être identifiée, et qu’on connaît l’identité des personnes et des groupes qui distribuent des informations, pour moi ça ne paraît pas poser de gros problèmes. Pourquoi ? Parce que, quand on sait qui est l'origine ou le relais d'une information, on peut connaître les intentions ou les partis pris ou l’idéologie sur le biais des groupes ou des institutions ou des personnes qui la diffusent. Ce qui n’est pas le cas des informations fausses. La première chose qu’il faut faire, c’est lutter d’abord pour l’identification pour que les gens qui diffusent l’information soient identifiés ou identifiables pour les lecteurs.
La deuxième chose – personnellement, je ne vois pas comment on peut lutter contre les fausses informations. Il y a ce genre de sites qui dénoncent, qui déconstruisent ces fausses informations, ça fait une autre possibilité, ça existe aussi. Je ne vois pas ce qu’on peut faire d’autre. Autrement on aboutirait à une censure, et si on aboutit à cela, comment peut-on [faire la différence] ? Pourquoi censurerait-on plutôt celui-ci et pas celui-là ? C’est extrêmement difficile. Soit on censure tout, on embellit l'internet, soit on ne censure rien.
On peut critiquer ces informations, mais pas empêcher de les diffuser
RT France : Vous voulez dire que les critères sont difficiles à trouver ?
G. M. : Je veux dire que je suis tout à fait opposé à la censure, justement ça va contre la liberté d’expression et d’information. Je suis contre le fait de censurer. Pour le moment, par exemple, si on censurait WikiLeaks ou autre chose, parce qu’ils diffusent des informations qui vont à l’encontre des intérêts de tel ou tel Etat, ce serait une censure énorme, un immense problème pour la liberté de la presse, la liberté tout court, c’est la fin de démocratie, si on fait ça. Je suis contre le fait de censurer. S’il s’agit de déconstruire tel ou tel information fausse – d’expliquer, pourquoi c’est faux, ça fait partie des choses normales. Mais il ne faut pas commencer à interdire à tel ou tel parti politique, telle ou telle personne, tel ou tel groupe de s’exprimer sur internet, même s’ils diffusent des informations qui sont inexactes, on peut critiquer ces informations, mais pas empêcher de les diffuser.
RT France : Sauf, évidemment, si on voit des groupes illégaux…
G. M. : Oui, c’est clair, si ce sont des appels aux meurtres.
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