Bastien Faudot, candidat du MRC, parti souverainiste de gauche membre du groupe majoritaire à l’Assemblée s'est vu refuser sa participation à la primaire de la Belle Alliance par le chef du PS. Il y voit un choix aussi incompréhensible qu'illégitime.
RT France : Le premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a annoncé avoir rejeté votre candidature au nom du Mouvement républicain et citoyen (MRC), ainsi que celles de Nouvelle Donne et du Mouvement des progressistes (MdP), à la primaire de Belle Alliance au motif qu'elles auraient été trop tardives. Il a pourtant appelé Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon a rejoindre le scrutin. Comment comprenez-vous cette décision?
Bastien Faudot (B. F.) : Non seulement je ne comprend rien à ce choix mais je mets aussi au défi quiconque de rationnel et sensé d'y comprendre quoi que ce soit. Il est incompréhensible. C'est tout à fait stupéfiant de dire quasiment dans la même phrase «On vous refuse car vous ne faites pas partie de la Belle Alliance» tout en sollicitant des personnalités qui n'en sont pas davantage membres. Je ne suis pas dupe. Tout cela est un habillage juridique et formel qui essaie de se donner l'apparence d'une décision qui tombe selon des statuts qui n'existent pas. Tout cela pour masquer des décisions politiques à géométrie variable.
On ne sait pas non plus s'il donne simplement son avis ou s'il a le sentiment d'avoir le pouvoir de décision.
RT France : Quelle est la légitimité de Jean-Christophe Cambadélis, Premier Secrétaire du PS a choisir quels autres partis et formations politiques de gauche peuvent prétendre à participer à la primaire ?
B. F. : Toute la question est là ! On ne sait pas très bien à quel titre il s'exprime. Premier secrétaire du parti socialiste ou organisateur de la primaire ? On ne sait pas non plus s'il donne simplement son avis ou s'il a le sentiment d'avoir le pouvoir de décision. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il y a dans l'esprit des dirigeants du PS un premier filtre politique : celui de la fameuse commission nationale de l'organisation de la primaire, qui est à peu près l'équivalent de la Cocoe, qui avait fait des miracles lors de la désignation du chef de la droite lors du conflit entre Jean-François Copé et François Fillon en 2012. Aujourd'hui, on ne sait même pas par qui est constituée cette fameuse commission nationale de l'organisation de la primaire ou si elle s'est déjà réunie. Or par des indiscrétions de proches de candidats du PS, j'ai appris qu'elle ne s'était pas réunie avant l'annonce de Jean-Christophe Cambadélis. Je considère donc que ses sorties n'ont pas force de décision.
D'autant plus que depuis plusieurs semaines, Jean-Christophe Cambadélis va de plateau télévisé en plateau télévisé pour expliquer l'importance d'une grande primaire ouverte de la gauche. Nous sommes donc totalement en droit de participer. Le MRC n'est pas un parti né avant-hier. Nous sommes nés en 1992 (sous le nom de MDC), lors de la guerre du Golfe et du traité de Maastricht. Nous avons une longue histoire à gauche et nous avons fait le choix de soutenir François Hollande en 2012, nos députés siègent au sein du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale. Notre candidature à la primaire en tant que partenaire du PS était donc tout à fait légitime. Je prend donc les propos de Jean-Christophe Cambadélis comme une tentative d'intimidation. Comme je n'ai pas pour habitude de céder à ce genre de manœuvre, je reste plus que jamais candidat à la primaire de la gauche
Les démocraties occidentales sont malades parce qu'il y a une crise politique de la souveraineté
RT France : Vous représentez le souverainisme de gauche à l'heure où ce mot est aujourd'hui assimilé à des courants de droite tels que le Front national ou Debout la France. Est-ce la raison pour laquelle vous souhaitez participer à la primaire ?
B. F. : Tout à fait ! Sur le plan politique, nous avons des désaccords importants avec justement Jean-Christophe Cambadélis sur les questions européennes et de souveraineté nationale. C'est un fédéraliste qui considère sans doute que la gauche républicaine ne devrait pas compter. Sa décision montre aussi qu'il n'a pas envie de voir cette gauche-là débattre. Or c'est une position à contre-temps et totalement anachronique. Partout en Europe, des mouvements démagogues d’extrême-droite sont en train de fleurir et de prendre de l'ampleur. On l'a vu en Autriche avec les 47% de voix recueillies par Norbert Hofer lors de l'élection présidentielle. On le voit aussi avec l'AfD en Allemagne, avec des mouvements en Finlande et aux Pays-Bas. Le M5 Etoiles en Italie, qu'on a encore du mal à situer, prend ce créneau également pour canaliser la colère du peuple. Sans oublier également les derniers scrutins anglo-saxons. C'est un phénomène qui concerne toutes les démocraties occidentales. Ces démocraties sont malades parce qu'il y a une crise politique de la souveraineté.
Le Front national est aujourd'hui aux portes du pouvoir car cela fait trop longtemps que la nation républicaine a été abandonnée par la gauche
Les citoyens ont le sentiment, et c'est même une réalité, que la décision politique leur échappe et leur est volée. On l'a vécu avec le Traité constitutionnel en France, où on a passé par la voie parlementaire un texte massivement rejeté par les Français. François Hollande avait promis de renégocier le traité budgétaire européen en 2012, ce qu'il n'a pas fait en se soumettant aux injonctions d'Angela Merkel...
La question de la souveraineté populaire et nationale est au cœur des sujets politiques. C'est la raison pour laquelle le Front national est aujourd'hui aux portes du pouvoir car cela fait trop longtemps que la nation républicaine a été abandonnée par la gauche. C'est un enjeu politique qui commence avec la prochaine élection présidentielle et, en cela, le MRC doit participer aux débats. La question pour la gauche sera de savoir comment elle fera revenir à elle les forces sociales qui l'ont toujours portée : les couches populaires, les ouvriers, les salariés, la France qui se lève tôt comme celle qui n'en a pas la chance. Cette population qui se réfugie aujourd'hui dans l'abstention ou le vote frontiste. Si la primaire de la Belle Alliance ne permet pas d'exposer des solutions politiques originales, faire vivre des échanges francs, sincères et loyaux, si on nous refuse l'entrée, cette primaire sera simplement le congrès par anticipation du Parti socialiste. Je peux déjà vous annoncer que si c'est la configuration qui prendra place en janvier prochain que la participation sera très faible et que le candidat choisi en sortira avec une légitimité à la hauteur de cette mobilisation.
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