Les opérations coordonnées de l'OTAN à Mossoul et à Raqqa sont évaluées comme une manœuvre pour renforcer l'armée djihadiste soutenue par l'Occident en Syrie, sous couvert de lutte contre la terreur, estime l'écrivain Finian Cunningham.
Comme d’habitude, en grande pompe, les médias occidentaux ont annoncé qu’une offensive soutenue par les Etats-Unis sera lancée cette semaine, afin de reprendre Raqqa, une ville située à l’est de la Syrie, des mains du groupe terroriste Etat islamique (Daesh).
Officiellement, les Etats-Unis fournissent avec leurs forces spéciales un soutien aérien, aussi bien qu'«une assistance et un entraînement» aux prétendues Forces démocratiques syriennes (FDS) qui dirigent une attaque contre une citadelle de Daesh. Les FDS comprennent environ 30 000 combattants locaux, dont 20 000 sont des militaires kurdes et le reste, des arabes sunnites.
On rapporte aussi que des avions de combat britanniques et français sont engagés dans l’opération pour reprendre Raqqa, menée par la coalition qui est dirigée par les Etats-Unis.
Le fait que les frappes aériennes sont effectuées par les Etats-Unis, le France et la Grande Bretagne, signifie qu’il est fort probable que des forces spéciales des trois pays sont activement présentes au sol en Syrie orientale. Disposer de troupes aussi proches de la ligne de front est une composante essentielle des campagnes de frappes aériennes : elles servent de moyens de reconnaissance et de ciblage.
Un quatrième membre de l’OTAN, la Turquie, est aussi impliqué militairement. Il y a deux mois, une déclaration officielle a confirmé que les forces spéciales américaines travaillaient en collaboration étroite avec leurs homologues turques sur le terrain, pour mener leur offensive plus loin au nord de la Syrie, autour de la ville frontalière de Jarablus.
En quittant l'espace d'un instant le bruit et la fureur de la guerre, il faut noter que la situation en Syrie a connu un développement fulgurant. Les forces militaires de quatre puissances étrangères – toutes membres de l’OTAN – mènent, selon toute vraisemblance, des opérations au sol en Syrie, toujours sans aucun mandat [émis par la communauté internationale] autorisant leur présence. Ce qui n'est pas le cas, il faut le dire, des forces russes, iraniennes et libanaises, qui ont répondu aux demandes officielles de soutien que leur a adressées le gouvernement syrien.
Des soldats américains repérés par RT à proximité de Raqqa https://t.co/TGox84LHnwpic.twitter.com/serNz2eKq6
— RT France (@RTenfrancais) 7 novembre 2016
Les avions de combat américains, britanniques, français et turcs effectuaient aussi des bombardements du territoire syrien depuis septembre 2014 – encore une fois, sans aucun mandat statuaire, ce qui transforme leurs opérations communes en violation flagrante du droit international, comme le gouvernement russe et le gouvernement syrien l’ont fait remarquer tous les deux.
Nous devons prendre avec une grande mesure de scepticisme la rhétorique de Washington et de ses alliés
De toute façon, quel est le véritable objectif de l’offensive sur Raqqa menée par les Etats-Unis ? Nous devons prendre avec une grande mesure de scepticisme la rhétorique de Washington et de ses alliés, comme ses affirmations sur des frappes aériennes pour «vaincre» Daesh et d’autres terroristes liés à Al-Qaïda.
Le positionnement avancé évident des forces spéciales suggère un rôle beaucoup plus invasif que simplement consultatif pour des milices «antiterroristes».
La logistique de l’offensive sur Raqqa suscite également des questions importantes. Cette semaine, le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, a finalisé des tactiques pour reprendre Raqqa avec ses homologues turcs. Ashton Carter aurait assuré aux Turcs que les milices kurdes n’entreraient pas dans cette ville majoritairement peuplée d'arabes. Les Kurdes qu’Ankara considère comme des terroristes seraient cantonnés aux banlieues de Raqqa alors que la tâche d’entrer dans la ville reviendrait aux sunnites des FDS.
Si les forces kurdes se sont illustrées dans le combat contre Daesh et les brigades du Front Al-Nosra, les combattants arabes sunnites du FDS sont un groupe relativement inconnu. On ne sait pas s’ils se distinguent des soi-disant unités de l’Armée syrienne libre avec lesquels les Etats-Unis et la Turquie ont coopéré pour occuper le territoire du nord de la Syrie, autour de Jarablus et d'Azaz depuis le mois d’août dernier. Les forces soutenues par les Etats-Unis et la Turquie dans la région auraient «nettoyé» la région de Daesh. Mais des sources locales font part d'informations fiables selon lesquelles ces combattants parraînés par les Etats-Unis et la Turquie ne seraient guère différents des djihadistes pour ce qui est de leur adhésion à la brutale idéologie wahhabite.
Mais si les combattants kurdes qui ont vraiment combattu les terroristes restent hors de Raqqa, cela suscite un doute sérieux sur les objectifs opérationnels des milices arabes et des forces spéciales des pays de l’OTAN qui les accompagneraient.
Les Américains donnent également très peu d'informations sur l’offensive contre Mossoul, en Irak, qui a commencé le 17 octobre pour en chasser les combattants de Daesh.
Les opérations de Mossoul et de Raqqa sont importantes pour comprendre le plan qui suivent Washington et ses alliés. Ces deux villes sont liées au succès la libération en cours d'Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie, par les forces syriennes soutenues par la Russie.
Une victoire à Alep serait, pour l'armée syrienne et son allié russe, une percée décisive
Mossoul, Raqqa et Alep constituent un arc du califat djihadiste déclaré en 2014, chevauchant l'Irak et la Syrie. Ce califat dirigé par des terroristes liés à Al-Qaïda sous divers noms renforce l'armée par procuration utilisée secrètement par Washington et ses alliés pour changer le régime et renverser le gouvernement syrien du président Bachar el-Assad. Cela a été confirmé par l'ancien chef du renseignement américain, le Lieutenant-Général Michael Flynn (qui est devenu par la suite conseiller du candidat à la présidence Donald Trump).
Depuis que l'armée syrienne a lancé son offensive pour libérer Alep-Est des djihadistes au mois de juillet dernier, l'opération visant à la récupération complète de la ville est en bonne voie, en grande partie grâce au soutien aérien russe. Avec la reprise des opérations militaires, à l’issue de la pause humanitaire déclarée unilatéralement par la Syrie et la Russie, on s'attend à ce que les quelque 8 000 insurgés restants soient mis en déroute au cours des mois à venir. Une victoire à Alep serait, pour l'armée syrienne et son allié russe, une percée décisive pour gagner la guerre contre toute l'armée djihadiste soutenue par l'Occident.
Cela expliquerait pourquoi quelques semaines seulement après l'offensive d'Alep les forces turques et américaines se sont lancées dans une invasion de la Syrie septentrionale à l'ouest de l'Euphrate. Comme il est indiqué ci-dessus, les revendications américaines et turques se référant à un «nettoyage» du territoire de Daesh sont opaques.
Dès le début de l'occupation du territoire syrien, les chefs militaires turcs et américains ont élaboré des plans pour s’emparer de Mossoul et de Raqqa dans une offensive coordonnée.
Depuis des semaines, le président turc Recep Tayyip Erdogan cajole Washington pour accélérer le début de l'opération de reprise de Raqqa, comme partie intégrante de la bataille pour Mossoul.
Le concept diffusé par les médias occidentaux selon lequel les Etats-Unis et ses alliés de l'OTAN «libèrent» à la fois Mossoul et Raqqa des terroristes ne correspond pas à la réalité. Comment pourrait-il y correspondre, alors que les Etats-Unis et leurs alliés ont travaillé secrètement pour permettre aux terroristes de former une armée par procuration pour changer le régime en Syrie ? L'idée que les commanditaires du terrorisme liquident leurs actif est dépourvue de toute logique.
Il semble qu’il se passe plutôt la chose suivante : les Etats-Unis et les autres protagonistes du changement de régime se sont rendus compte que l'opération antiterroriste à Alep soutenue par la Russie menaçait de leur infliger une défaite stratégique.
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Par conséquent, ce que ceux qui voulaient faire tomber le régime syrien avaient à faire de toute urgence, était de devancer l'offensive qu'auraient lancée l'armée syrienne et la Russie sur Raqqa après la libération d'Alep.
Les opérations coordonnées de l'OTAN à Mossoul et à Raqqa sont donc plus exactement une manœuvre d'arrière-garde désespérée pour tenter de renforcer l'armée djihadiste soutenue par l'Occident en Syrie, sous le vieux prétexte de la «lutte contre la terreur».
Ce n'est que dans un sens cynique qu'on peut dire qu'il s'agit d'une «libération». Libération, soit celle des terroristes sur les point d'être vaincus par les forces syriennes, avec le soutien de la Russie.
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