Le gouvernement confie à la police une «tâche extrêmement difficile», mais ne la soutient pas assez. Les policiers rejettent alors leur mission, ne croyant plus au système, explique le Conseiller municipal à la mairie de Nice Benoît Kandel.
RT France : Hier il y a eu encore une manifestation policière à Paris, et ce malgré une concertation des syndicats de police avec le ministre de l’Intérieur, le ministre de la Justice. Comment expliquez-vous ce ras-le-bol des policiers ?
Benoît Kandel (B. K.) : Les policiers sont une sorte de dernier rempart. Ils sont la première instance d’Etat à intervenir sur le terrain. Il se trouve qu’aujourd’hui la France connaît des difficultés liées à la fois à la situation économique, l’immigration qui n’a pas été maîtrisée pendant des années, et l’émergence du phénomène terroriste. A tous ces phénomènes-là s’ajoute l’affaiblissement du principe d’autorité, de la collectivité. Le droit fait toujours gagner l’individu sur le collectif. Au regard de tous ces phénomènes conjugués, il y a une espèce de recul de l’Etat, de la puissance publique. Les policiers se sentent un peu abandonnés par les pouvoirs publics, par le gouvernement qui leur confie une tâche extrêmement difficile. Ils ne sont pas suffisamment soutenus par les juges, par le gouvernement. Il y a une espèce de fracture. Même vis-à-vis de leurs syndicats, ils rejettent tout cela, parce qu’ils ne croient plus au système. Je pense que le pays a renoncé depuis trop longtemps sur trop de choses. On voit sur le terrain une situation très compliquée avec de vraies violences, un vrai phénomène d’islamisation des quartiers. Le gouvernement préfère ne pas toujours voir, parce que c’est plus facile.
La démocratie n'est pas synonyme d'Etat faible, qui renoncerait à une part d’autorité
RT France : Bernard Cazeneuve affiche son soutien à l'égard des policiers. Pensez-vous que ses déclarations déboucheront sur quelque chose de concret ?
B. K. : Il va certainement décider des mesures pour essayer de calmer les esprits. Il va annoncer, peut-être, la création de quelques effectifs supplémentaires, des équipements, mais fondamentalement ce n’est pas cela que les policiers demandent. Ils demandent un retour vers un Etat fort, capable de faire respecter la loi sur tout son territoire. Aujourd’hui la réalité est qu’il y a des quartiers entiers dans nos villes qui ne sont plus sous le contrôle de l’Etat, parce qu’on a trop abandonné, trop cédé, trop lâché. Ce qu’on voit, c’est un décalage entre le discours officiel et la réalité. Ils ne demandent pas que leur soit donné du matériel, des voitures neuves. Ils demandent surtout une restauration d’un Etat fort en France et d’une justice capable de sanctionner sévèrement tous ces jeunes qui sont des délinquants, des criminels et parfois des terroristes. Les policiers disent que la démocratie, c’est bien, mais que la démocratie n'est pas synonyme d'un Etat faible qui renonce à une part d’autorité.
Quand il n’y a plus de loi, c’est la loi des plus forts qui s’impose – celle des bandes, des réseaux criminels
RT France : Pensez-vous qu’il y puisse y avoir un retour à un Etat fort dans les conditions actuelles ? Il y a quand même beaucoup de contraintes : beaucoup de peines ne sont pas exécutées, faute de place en prison...
B. K. : On peut résoudre ce problème, à condition de prendre conscience qu’il y a des réformes très fortes à mettre en place. Aujourd’hui démocratie rime avec laxisme. En réalité, cela ne fonctionne pas. Quand il n’y a plus de loi, c’est la loi des plus forts qui s’impose – celle des bandes, des réseaux criminels. Or, notre pays a renoncé à une démocratie forte, qui ne rejette pas le principe d’autorité. Démocratie ne veut pas dire anarchie. Si l’on n'est pas plus sévère à l’adresse de délinquants, on est en plein chaos.
Les Français voient bien cette crise des policiers, c’est pourquoi ils se rapprochent des partis politiques qui prônent un changement de logiciel.
RT France : Pensez-vous que ce changement soit possible lors de la prochaine élection présidentielle ?
B. K. : Je pense qu’à la prochaine élection présidentielle le corps électoral français va s’exprimer en faveur d’un retour à plus d’Etat, qu’on arrête un peu cette fausse naïveté qui consiste à dire que l’on peut tout régler par l’éducation ou par l’économie. Il y a aussi le respect de la loi par tout le monde. Je pense que le corps électoral se chargera de rappeler tout cela à nos gouvernants. Ajoutons à cela le fait que les Français ne sont pas convaincus par le fait que la menace terroriste est extérieure, qu'ils savent que les terroristes vivent chez nous... c’est un gros changement par rapport à l’élection de 2012.
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