C'est au niveau de la législation qu'il faut combattre la montée des violences à l'égard des policiers français estime le commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale, délégue national à la sécurité de Debout la France, Eric Stemmelen.
RT France : Ces dernières semaines, des policiers ont été agréssés par des groupes de jeunes à Viry-Chatillon, Mantes-la-Jolie, la Seyne-sur-Mer. Comment expliquer cette escalade de violence à l’égard des policiers ?
Eric Stemmelen (E. S.) : L’explication est assez facile à donner. Cela fait à peu près 15 ans que cela dure et cela s’aggrave chaque année. Toute la presse française parle des jeunes qui attaquent la police. Mais ce ne sont pas les jeunes, ce sont les jeunes d’origine africaine ou maghrébine. En France on a l’interdiction de faire des statistiques ethniques, on n’a donc pas le droit de dire que ce sont des noirs, des blancs, des jaunes, etc. Or, en pratique, toutes ces agressions sont des agressions communautaristes, elles sont commises par des bandes de Français, pas par des étrangers. Ils se sentent impunis, puisqu’il faut prouver en droit français que tel individu a commis telle infraction. En d’autres termes que, quand vous avez une agression commise par 50 personnes sur des policiers, dans la rue, n’importe où, il faut démontrer que tel coup a été porté par un tel individu, or, les gens à l'origine de ces agressions sont masqués. Il faut donc relever les traces d’ADN, les photographies, etc. Ce sentiment d’impunité est renforcé par le fait qu’en France il y a environ chaque année à peu près 90 000 peines de prison qui ne sont pas exécutées, faute de place dans les prisons. En outre, il y a une surpopulation pénale d’à peu près 25 000 personnes, alors que depuis 1875 il existe une loi qui dit : un détenu par cellule.
En France c’est à peu près 750-800 zones de non-droit, des quartiers de ville où la loi républicaine ne s’applique pas ou s’applique mal
Vous avez donc la conjugaison de bandes des délinquants à l'origine des agressions et violences et de la communautarisation. Ca n’est pas uniquement dans les banlieues parisiennes. En France c’est à peu près 750-800 zones de non-droit, des quartiers de ville où la loi républicaine ne s’applique pas ou s’applique mal. En plus, pour des incidents gravissimes, on envoie des CRS qui ne sont pas du tout adaptés pour faire des enquêtes. C’est une présence dissuasive, qui va durer quelques semaines, et, ensuite, les agressions continueront.
RT France : Mais les autorités françaises nient l’existence de ces zones de non-droit…
E. S. : Oui, c’est un mensonge d’Etat. Il y en a en France, on y applique la loi islamique ou même la charia. En plus, on a eu quelques affaires sensibles, notamment l’affaire Malik Oussekine en 1986, où un manifestant est mort d’une crise cardiaque à la suite du coup porté par les brigades d’intervention motorisées de la préfecture de police. Le gouvernement a interdit l’usage des motos tous-terrains, qui permettaient de chasser très rapidement les émeutiers.
La criminalité de la population musulmane par rapport à celles d’autres religions plus importante
Le pouvoir politique de gauche et de droite se permet d’intervenir en matière tactique, en matière de police, dans les aspects pratiques. C’est un cas unique dans le monde entier. Par ailleurs, il y a l’inquiétude politique d’avoir un mort sur les bras. On a eu des émeutes en 2005 : des jeunes français d’origine africaine se sont jetés pour échapper à un contrôle de police dans un transformateur électrique et sont morts. Il y a eu des émeutes pendant 15 jours en France. Mais c’était des émeutes raciales, et personne ne veut le dire. En France, sur la délinquance et la criminalité des personnes de confession musulmane vous avez 6% de la population musulmane. Dans les prisons françaises vous avez 60% des détenus qui font le ramadan. La criminalité de la population musulmane par rapport à celles d’autres religions est donc plus importante.
RT France : Comment régler ce problème ? Y-a-t-il une faille au niveau de l’intégration de ces quartiers dans la société française ?
E. S. : Oui. S’il n’y a pas de sanctions judiciaires, cela ne sert à rien. Or, il y a beaucoup de sanctions judiciaires qui ne sont pas appliquées. En 2012, les préfets de police déclaraient qu’il y avait 11 000 personnes connues des services de police pour avoir commis chacun plus de 50 infractions pénales. Des multirécidivistes qui sont tous en liberté.
On a des procès qui peuvent attendre quatre ou cinq ans, ce qui n’a aucun sens ni pour les victimes, ni pour les auteurs
C’est un problème, déjà, au niveau de la loi. On peut rétablir la loi anticasseur de 1970 prise après les événements de mai 68 et consistait d’une certaine manière à imputer une responsabilité collective et en créer une individuelle pour ceux qui participaient à des dégradations, même si on ne pouvait pas prouver que c’était telle dégradation qui avait été commise par tel individu. On pouvait donc sanctionner par exemple le fait de participer activement à un rassemblement dans lequel il y avait eu des violences, même si l’on a pas commis ces violences, on était puni de deux ans d’emprisonnement. Cela a été abrogé, parce que c’est un cumul d’inconvénient. En plus, on a énormément de droit procédural en France, droit qui est basé sur l’écrit, et, dès, qu’il y a une faute de procédure, toute procédure s’annule. Cela veut donc dire qu’on a des procès qui peuvent attendre quatre ou cinq ans, ce qui n’a aucun sens ni pour les victimes, ni pour les auteurs.
RT France : Manuel Valls promet de construire plus de prisons pour résoudre le problème de surpopulation carcérale…
E. S. : Ce n’est pas sérieux. D’abord, Manuel Valls a dit qu’on allait construire 10 000 places de prison en dix ans, en dix ans le gouvernement va changer. Il manque déjà 16 000 places, et on n’y arrivera pas. En plus, selon le rapport de l’inspection générale du ministère de Justice, en 2009, 82 000 peines de prison ferme étaient en attente d’exécution. En fait, il manque 40 000 places de prison en France. Après vous avez un discours politique de tolérance zéro : 10 000 places de prison en plus. Mais cela ne va résoudre strictement rien. Les djihadistes qui se radicalisent en prison se radicalisent parce qu’ils parlent.
RT France : Comment donc peut-on lutter contre cette radicalisation dans les prisons ?
E. S. : Il y a une manière très simple : isolement pour tout le monde, interdiction de parler avec les voisins, être seul en cellule. On ne peut pas se radicaliser quand on est seul.
Les gens qui commettent un crime ou un délit sont sûrs de ne pas aller en prison
RT France : Mais est-ce humain ? Qu'en est-il des droits de l'homme ?
E. S. : Cela correspond à la loi françaisede 1875, mais on ne l’applique pas, parce que cela coûte cher. Au contraire, c’est le respect des droits de l’homme. Ce n’est pas le respect des droits de l’homme d’avoir trois ou quatre personnes dans la même cellule, des gens qui couchent sur des matelas par terre, parce qu’il n’y a pas de lits. Avoir des cafards en prison, c’est indigne des pays civilisés. En France on a 41 000 cellules avec une place de prison et 68 000 détenus. Plus tous ceux qui n’iront jamais en prison. En matière de criminologie cela veut dire que ce n’est plus du tout dissuasif, les gens qui commettent un crime ou un délit sont sûrs de ne pas aller en prison. En France, 17 % de condamnations pour crimes et délits sont les condamnations à prison ferme. 70 % des peines sont exécutées plus de sept mois après leur commencement. Ce n’est donc pas tellement la durée de la peine qui compte, mais la certitude d’avoir une peine.
La France est le seul pays du monde où, le soir du Nouvel an, il y a 1 000 voitures brûlées
RT France : Y-t-il des mesures de long terme pour lutter contre ce phénomène ?
E. S. : Cela fait 50 ans que cela dure, ce n’est pas un phénomène qu’on pourra régler en un ou deux ans. Ce n’est pas un problème politique, parce que la gauche et la droite ont fait la même politique depuis 50 ans. Même Rachida Dati et Christiane Taubira ont fait voter au Parlement des lois pour dire qu’en dessous de deux ans de peine de prison ferme le tribunal avait le droit de ne pas faire exécuter la peine. L’objectif n’est pas du tout d’appliquer la loi, l’objectif est financier ! Tous les jours il y a un engorgement total des prisons, une explosion de la délinquance, du non-respect de l’autorité. Les attaques de policiers ne concernent que les policiers, c’est les professeurs, les postiers, les gendarmes, tout ce qui représente l’autorité de l’Etat. La France est le seul pays du monde où, le soir du Nouvel an, il y a 1000 voitures brûlées, où les journalistes parlent à la télé d'incivilités, alors qu'il s'agit d'infractions pénales très graves.
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