Reconnaître l'existentence des zones de non-droit en France, c’est d'une certaine manière reconnaître une faillite de l’Etat, estime le secrétaire général du syndicat Alternative Police nationale, Denis Jacob.
RT France : Les no-go zones existent-elles vraiment en France ?
Denis Jacob (D. J.) : Bien évidemment. Ces zones de non-droit existent depuis trente ans, cela ne date pas d’hier.
RT France : Que ces zones de non-droit signifient-elles ? Les policiers y vont-ils ?
D. J. : Le problème, c’est que dans ces zones de non-droit les policiers ne peuvent pas travailler de manière permanente. Et quand ils y vont pour faire des interventions, ils sont obligés d’avoir des renforts et le matériel adéquat. Dans ces zones de non-droit, les fonctionnaires ne peuvent pas travailler de la même façon qu’ailleurs sur le territoire.
Reconnaître que les zones de non-droit existent, c’est quelque part reconnaître une faillite de l’Etat, personne ne veut le faire
RT France : Après l'attaque contre les quatre policiers dans l'Essonne, Manuel Valls a de nouveau assuré qu'il «n'y avait pas de zone de non-droit». Pourquoi alors les autorités nient-elles l’existence de ce problème ?
D. J. : Les zones de non-droit, c’est un sujet tabou. Reconnaître qu’elles existent, c’est quelque part reconnaître une faillite de l’Etat, personne ne veut le faire. Or, il n’y a pas de honte à le reconnaître. Au contraire, je trouve très responsable de dire : effectivement, on a un problème de zones de non-droit, il faut qu’on se penche sur ce problème et qu'on trouve des solutions. Dire qu’elles n’existent pas et faire de la surprotection des policiers ou annoncer des moyens supplémentaires, ne règle pas la cause, on règle juste les conséquences. Tant qu’on ne reconnaîtra pas cette problématique pour y apporter des solutions adaptées, on ne réglera pas la question de la violence de plus en plus importante envers les policiers.
C’est extrêmement compliqué sur le terrain de dire, si je suis ou je ne suis pas dans la légitime défense
RT France : A quel point les policiers sont-ils protégés par la loi ?
D. J. : Pas plus que les simples citoyens. C’est pour cette raison notamment qu’ils n’utilisent pas leurs armes à feu, parce qu’ils savent pertinemment que s’ils utilisent leurs armes à feu, ils ne seront plus des victimes, ils seront des auteurs, ils seront mis en cause, placés en garde à vue, mis en examen. En France, la mise en examen est toujours associée à une suspicion de culpabilité, donc moralement, psychologiquement, c’est lourd à gérer. Ils ne veulent donc pas prendre le risque de se retrouver dans cette situation-là, et pour cette raison ils n’utilisent pas leurs armes à feu. L’utilisation de l’arme à feu par les policiers, c’est couvert par une convention européenne qui dit qu’elle doit être utilisée dans le cadre de l’extrême nécessité absolue. La justice en France est très restrictive dans le terme de nécessité absolue. Par exemple, ce qui s’est passé à Viry-Châtillon, les collègues étaient en flammes dans la voiture, quand ils sortent de la voiture, ils ne peuvent pas tirer sur les individus qui sont en fuite pour les arrêter, parce que ce n’est plus de la légitime défense. C’est donc extrêmement compliqué sur le terrain de dire, si je suis ou je ne suis pas dans la légitime défense.
Il ne s’agit pas de donner un permis de tuer
RT France : Faut-il donc changer la législation ?
D. J. : Bien évidemment. Il faut changer les règles de la légitime défense. Les policiers n’ont pas les mêmes conditions d’utilisation que, par exemple, les gendarmes qui sont gérés par le Code de la défense, les policiers sont soumis au Code pénal, et les règles de la légitime défense ne sont donc pas les mêmes. Il ne s’agit pas de donner un permis de tuer, d’autoriser les policiers à tirer comme ils veulent, mais il doit y avoir des situations où les policiers doivent être en capacité de neutraliser des individus qui ont commis ou vont commettre un crime. Là en l’occurrence, les collègues qui sortent de la voiture en feu, alors que les individus s’enfuient, pour les identifier et interpeller, il faut être en capacité d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour les neutraliser.
RT France : Lors des manifestations contre la loi travail, il y a eu beaucoup d’accusations envers la police d'usage démesuré de la force face aux manifestants. Cette polémique est-elle justifiée ou pas ?
D. J. : Non, j’étais sur place, j’ai filmé les manifestations, parce que je voulais me rendre compte par moi-même de ce qui se passait. Les fonctionnaires de police, d’abord, n’étaient pas en contact direct avec les manifestants, ils étaient en retrait, en statique, sans bouger, derrière des grilles de protection, uniquement pour empêcher les manifestants de s’engager dans des rues transversales au parcours qui était prévu pour la manifestation. J’ai vu ces gens aller vers les policiers pour les agresser, leur envoyer des cocktails Molotov, des cailloux et toutes sortes d’objets. Dans ce cadre-là, pour leur propre protection et pour faire reculer les manifestants, ils faisaient l’usage, notamment, du gaz lacrymogène.
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