Les politiciens européens ont compris leur rôle dans le spectacle électoral américain : dénoncer le monstre fou qui tente de gâcher la victoire de la future «première femme présidente des Etats-Unis», affirme l'écrivain politique Diana Johnston.
RT France : Pourquoi les Etats-Unis accusent-ils la Russie d’avoir piraté les emails du DNC ?
Diana Johnston (D. J.) : Pour changer de sujet, évidemment. Le scandale des moyens sournois utilisés par l’appareil du Parti démocrate pour saboter la candidature de Bernie Sanders est oublié. Le scandale devient «l’ingérence de Poutine dans les élections américaines». C’est une drôle d’accusation venant d’une superpuissance qui s’ingère régulièrement dans la politique intérieure de tous les pays du monde, notamment celle de la Russie et de ses voisins. Ce qui est moins drôle et plus sinistre est la stratégie consistant à faire de Poutine le vrai adversaire de Clinton. Si elle arrive à gagner une campagne électorale présentée comme étant menée contre la Russie, sa victoire risque d’être interprétée comme un vote populaire en faveur de la guerre contre la Russie. Ces gens-là jouent avec le feu.
Etant Sénateur, Sanders reste dans le système
RT France : Malgré les révélations après de la fuite des emails sur, notamment, la stratégie de mis à l'écart de Bernie Sanders il n’y a eu que quelques démissions au sein du DNC. Bernie Sanders n’a pas retiré son soutien à Hillary Clinton. Pourquoi Bernie Sanders n’a-t-il pas réellement réagi à ce scandale ?
D. J. : Sanders a promis dès le début de soutenir Clinton si elle gagnait. Cette promesse était une sorte de ticket d’entrée dans le jeu du Parti. Il tient parole. C’est bien dommage, car un schisme du Parti démocrate serait le seul moyen de créer une vraie alternative politique pour des millions d’Américains qui se trouvent sans représentation. Etant sénateur, Sanders reste dans le système. J’ai l’impression que Sanders est loin de se rendre compte des dangers de la politique étrangère de Clinton – sujet qu’il a négligé pendant sa campagne, malheureusement.
Hillary Clinton est en partie la responsable du chaos au Moyen Orient qui a produit Daesh
RT France : Donald Trump accuse Hillary Clinton d’être à l'origine de Daesh. Est-ce une manipulation rhétorique ou y a-t-il un fond de vérité dans ses propos ?
D. J. : Certes, Hillary Clinton est en partie la responsable du chaos au Moyen-Orient qui a produit Daesh. Il est dommage que Trump n’arrive pas à préciser une pensée cohérente, au lieu de s’exprimer en généralités polémiques plutôt confuses. Trop souvent, il entre dans la même logique que son adversaire, notamment par ses déclarations ahurissantes sur l’Iran. Il est possible qu’il veuille flatter les préjugés de son auditoire de droite. Mais on est loin d’un débat clair sur la politique étrangère américaine.
Le désarroi des dirigeants européens actuels serait inimaginable si jamais un monsieur si mal disposé envers l’OTAN était élu
RT France : François Hollande a à son tour soutenu la candidature de Hillary Clinton en attaquant celle de Donald Trump. Quelles peuvent être ses raisons ?
D. J. : François Hollande personnifie le conformisme atlantiste, malgré les doutes qui se répandent en France quant aux directions prises par le leadership américain. La classe politique et les médias européens ont compris leur rôle dans le spectacle électoral américain : dénoncer en chœur le monstre fou qui ose tenter de gâcher la victoire programmée de la future «première femme présidente des Etats-Unis». Il est vrai que le désarroi des dirigeants européens actuels serait inimaginable si jamais un monsieur si mal élevé et si mal disposé envers l’OTAN était élu. Ils craignent sans doute la contagion du «populisme» chez eux.
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