Le seul moyen pour le continent africain de survivre à la catastrophe démographique c'est subordonner toutes les politiques d'aides et subventions au planning familial, estime le spécialiste de l'Afrique Bernard Lugan.
Dans les années 1950-1960 la population de tout le continent africain était de +/-275 millions d’habitants, soit 9% de la population mondiale. Dans les années 1990 les Africains étaient 640 millions et ils totalisaient alors 12% de la population mondiale. Dans les années 2050, ils seront entre 2 et 3 milliards (dont 90% au Sud du Sahara), soit 25% de la population du globe, puis 4,2 milliards en 2100, soit 1/3 de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront africaines, ce qui, ajouté à la baisse de la mortalité, va conduire à une inéluctable catastrophe*.
L’apogée de la démographie mondiale a ainsi été atteint dans les années 1970 avec un taux de 2,1% d’augmentation annuelle
Avec un taux de fécondité variant entre 3 et 4,8 enfants par femme, l'Afrique voit sa population augmenter de 3% par an, ce qui entraîne un doublement tous les 20 ans. Nous sommes en présence d'une exception africaine car partout ailleurs dans le monde, la tendance a été inversée. L’apogée de la démographie mondiale a ainsi été atteint dans les années 1970 avec un taux de 2,1% d’augmentation annuelle. Puis le taux d’accroissement a baissé à 1,7% dans la décennie 1990, Asie incluse. L’Afrique n’a pas suivi ce mouvement.
Les projections actuelles de population africaine partent cependant du postulat de la baisse de l’ISF (Indice synthétique de fécondité) qui permet d’évaluer le nombre d’enfants mis au monde par une femme en age de procréer. Toutes ces données postulent une baisse de 50% de l’ISF africain en 30 ans. Dans la décennie 1990, il était de 6,7 enfants par femme et il est postulé qu’il baissera à 3,4 en 2020. Les experts peuvent ainsi annoncer que lcet indice passera à 2,1% en 2020. Or, il s’agit d’un postulat qui, pour le moment, ne semble pas se vérifier. Depuis la fin de la seconde moitié de la décennie 1990, l’ISF a certes très légèrement baissé au Kenya ou au Zimbabwe, mais dans le même temps il a augmenté en Ethiopie, au Mali et en RCA, passant respectivement de 6 à 7,5 ; de 6 à 7 et de 5 à 6. Quant à la Somalie on y compte 6,4 enfants par femme et 6,1 en RDC.
L’exemple du Niger illustre la catastrophe annoncée
Le cas du Sahel est particulièrement parlant. Voilà en effet une région incapable de nourrir ses habitants et où la population double quasiment tous les 20 ans en raison d'un accroissement de 3,9% par an et une moyenne de 7,6 enfants par femme. En 2040, cette région fragile, en voie de désertification et aux ressources plus que limitées, devra ainsi faire vivre plus de 150 millions d’habitants. Cette explosion démographique a pour conséquence un phénomène d’extension des terres arables aux dépens des pâturages, d’où des conflits entre populations, une surexploitation des puits et leur tarissement.
L’exemple du Niger illustre la catastrophe annoncée. Dans un entretien à Jeune Afrique en date du 28 décembre 2014, le président nigérien Mamadou Issoufou a ainsi révélé un sondage proprement effarant réalisé parmi la population de son pays qui montre que les Nigériennes souhaitent avoir 9 enfants et leurs maris 11. Le Niger, pays désertique qui a un taux de fécondité de 7,1 enfants par femme comptait 3 millions d’habitants en 1960 ; il en aura 40 en 2040 et 60 en 2050.
Dans le nord du continent, l’Algérie constitue également un cas particulier car s’y produit un retour en arrière démographique. Le programme de planification familiale avait en effet permis d’y faire baisser l’indice synthétique de fécondité de 4,5 enfants par femme en 1990 à 2,8 en 2008. Or, signe de la ré-islamisation du pays, en 2014, l’ISF y a rebondi à 3,03. Résultat, en 2016 la population algérienne est de 40 millions d’habitants en ne comptant toutefois que les seuls résidents. Pour mémoire, en 1830 elle était estimée à 1 million.
Comme l’écrivait fort justement Michel Jobert, ancien ministre français des Affaires étrangères : «Dès que le taux de croissance démographique est égal ou supérieur au taux de croissance économique, on le sait bien maintenant, le fameux «développement» devient impossible. Un exemple : si la France avait conservé sa fécondité du XVIIIe siècle, elle aurait aujourd'hui 437 millions d'habitants !».
En 2015, plus de 25% de la population, soit environ 250 millions d’Africains étaient sous-alimentés
Résultat de cette effarante progression démographique, l'Afrique qui était autosuffisante et exportait des aliments en 1960 ne l’est plus aujourd’hui. En 1980, elle en importait 11 millions de tonnes. En 1995, c'est de 45 millions de tonnes dont elle eut besoin. En 2002, trente pays africains sur 52 connurent une crise alimentaire permanente et 30 millions d'Africains eurent besoin d’une aide alimentaire, chiffre qui bondit à 135 millions en 2007**. En 2010, 30 pays africains connurent la disette et en 2015, plus de 25% de la population, soit environ 250 millions d’Africains étaient sous-alimentés (PNUD,2015).
Et pourtant, depuis 1960, la production agricole africaine a augmenté de 45% ; mais, comme dans le même temps, les naissances progressèrent de plus de 110%, nous sommes en situation de grand écart. Le futur des Africains sera donc tragique car, un jour ou l’autre, des accidents climatiques majeurs affecteront les productions mondiales de blé et autres céréales, entraînant pénurie, flambée des cours, émeutes et famines. Les pays africains qui ne disposeront alors pas des moyens leur permettant d’acheter de quoi nourrir leurs populations connaîtront des situations explosives.
L'Afrique sera alors un continent urbain, univers de bidonvilles constituant autant de pôles de pauvreté et de violence
La crise démographique est en plus aggravée par l’urbanisation qui vide l’Afrique de ses agriculteurs pour en faire des consommateurs urbains. De plus, l’urbanisation n’a pas entraîné de baisse notable et significative de la fécondité. Le taux d'urbanisation africain qui était de 14% en 1950 est passé à 40% en 2013 et il sera supérieur à 60% en 2050. L'Afrique sera alors un continent urbain, univers de bidonvilles constituant autant de pôles de pauvreté et de violence. D'ici à 2050, l'Afrique comptera ainsi entre 300 et 500 millions de citadins de plus, une partie par accroissement naturel, l'essentiel à la suite de l'exode rural. Toutes les politiques de développement seront alors réduites à néant.
En plus d'être suicidaire, l'effarante démographie africaine est également crisogène car, tôt ou tard se posera la question de la lutte pour l'espace, ce qui provoquera des conflits. Dès à présent, la pression démographique explique l’amplification de certains conflits ethniques traditionnels, comme au Kenya ou dans le Sahel.
La seule solution pour l’Afrique est le planning familial. Toute politique d’aide ou de coopération donc devrait lui être subordonnée
Face à cette réalité, le pessimisme est de rigueur car tout a déjà été tenté en matière de développement. En vain, car toutes les politiques de développement ont échoué d’abord parce la démographie va plus vite que tous les projets, tous les programmes, toutes les aides.
A moins d’être aveugle aux faits, la seule solution pour l’Afrique est le planning familial. Toute politique d’aide ou de coopération donc devrait lui être subordonnée. Tout pays qui s’y refuserait devrait se voir couper aides et subventions.
* Unicef.Afrique/Génération 2030. Août 2014, 68 pages.
** Banque mondiale (rapport de décembre 2002) et Banque africaine de développement (BAD), avril 2008.
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