Problèmes majeurs de l'humanité, dangers de l'intellgence artificielle... Le célèbre physicien Stephen Hawking donne une interview exclusive au journaliste légendaire Larry King, dont l'émission est diffusée sur RT America.
Larry King : Stephen, dans notre interview précédente, il y a six ans, vous avez dit que l'humanité fait face à un risque d'autodestruction à cause de sa cupidité et de sa bêtise. La situation, s'est-elle améliorée ou a-t-elle empirée depuis ?
Stephen Hawking : Nous ne sommes définitivement pas devenus moins cupides ou idiots. Il y a six ans j'avais parlé de la pollution de l'environnement et de la surpopulation. Les deux problèmes se sont aggravés. Depuis notre dernière rencontre la population s'est accrue de 500 millions de personnes et on n'en voit pas la fin. Si cela continue, d'ici à 2100 nous serons 11 milliards. La pollution de l'air s'est aggravée de 8% en cinq ans. Plus de 80% de la population urbaine vit dans un environnement à l'air dangereusement pollué.
Les gouvernements sont plutôt préoccupés par la course aux armements «intelligents»
L. K. : Quel est le principal problème de l'humanité ?
S. H. : La pollution de plus en plus importante de l'air et les émissions de dioxyde de carbone grandissantes. Pourra-t-on, avant qu'il ne soit trop tard, éviter d’atteindre le niveau dangereux de réchauffement mondial ?
L. K. : Vous avez averti que l'intelligence artificielle pouvait être dangereuse. Nos gouvernements, prennent-ils cet avertissement au sérieux ?
S. H. : Les gouvernements sont plutôt préoccupés par la course aux armements «intelligents», la création d’avions et d’armes dotés de technologies relevant de l'intelligence artificielle. Le financement de projets comme ceux de dépistages médicaux perfectionnés capables de profiter directement l'humanité ne semble pas être prioritaire.
Quand les machines auront atteint une étape critique et évolueront indépendamment, on ne pourra pas prédire si elles auront les mêmes objectifs que nous
L. K. : Que pensez-vous des idées de Raymond Kurzweil sur la singularité technologique ? Croyez-vous qu'on verra l'intégration de l'être humain et des machines ?
S. H. : Je crois qu'il est trop optimiste et simpliste. La croissance exponentielle ne va pas toujours s’accélérer. Un facteur dont les prévisions n'auront pas tenu compte surviendra et l'arrêtera, comme cela a déjà été le cas avec des prévisions précédentes. Et je ne pense pas que le développement de l'intelligence artificielle soit forcément pour le mieux. Quand les machines auront atteint une étape critique et évolueront indépendamment, on ne pourra pas prédire si elles auront les mêmes objectifs que nous.
L. K. : Est-ce possible qu'à un moment donné l'existence de l'intelligence artificielle rende la société humaine telle qu’on la connaît aujourd'hui obsolète et inutile ?
S. H. : L'intelligence artificielle a le potentiel de se développer plus vite que l'humanité. L'intelligence artificielle utile pourrait aller de pair avec les gens et augmenter nos possibilités. Mais si l'intelligence artificielle devient incontrôlable, elle pourra être difficile à retenir. Il faut s’assurer que les règles éthiques et sécuritaires soient respectés lors de l'élaboration de l'intelligence artificielle.
L. K. : Stephen, comment cela nous changera-t-il ?
S. H. : Je crois que l'intelligence artificielle utile va s'infiltrer dans tous les domaines de la vie de notre société. Imaginez des algorithmes capables d'évaluer promptement les idées des chercheurs, de dépister les cancers dès le début et de prédire le comportement des marchés boursiers ! L'intelligence artificielle va influencer nos économies, le processus de la prise des décisions et l'intégralité de notre vie.
L. K. : Vos théories ont-elles changé au fil des années ? Si oui, lesquelles ?
S. H. : Il y a 40 ans j'ai écrit dans une étude qu’une information ayant disparue dans un trou noir était perdue à jamais. Cette étude a provoqué des disputes qui se poursuivent jusqu'à présent. Finalement, on s'est mis d'accord sur l'idée que les trous noirs devraient renvoyer l'information sur les objets absorbés sous forme de rayonnement de Hawking, mais personne ne peut supposer comment cela se fait exactement. Toutefois, mes deux collègues et moi-même, nous avons découvert que cette information était codée sur l'horizon des événements et serait renvoyée.
Ma fidélité à la science m'aide à vivre
L. K. : Quelles découvertes scientifiques, faites durant votre vie, vous ont surpris ?
S. H. : Le plus surprenant, pour moi, a été la découverte de 1998 selon laquelle l'expansion de l'univers accélère au lieu de ralentir, comme on le croyait avant. On dit que la raison en est l'énergie sombre, mais ce n'est qu'un titre que nous avons donné à quelque chose qu'on ne comprend pas. Nous ne savons pas pourquoi cette valeur n'est pas égale à zéro ou au contraire n'est pas beaucoup plus grande, ou si l’accélération reste permanente tant que l'univers est en expansion.
L. K. : Comment arrivez-vous à garder des forces malgré votre grave maladie ?
S. H. : Ma fidélité à la science m'aide à vivre. Il y a encore des questions auxquelles je voudrais trouver une réponse.
L. K. : Il y a six ans vous m'avez dit que le seul sujet que vous ne compreniez pas jusqu'à la fin, c'était les femmes. Avez-vous fait des progrès ?
S. H. : J'ai appris beaucoup de choses sur les femmes depuis. Maintenant c'est à mon tour de vous poser une question personnelle. Vous avez été marié huit fois avec sept femmes différentes. Peut-on appeler cela le triomphe de l'espoir sur l'expérience ?
L. K. : Vous l'avez très bien dit, Stephen. Je pense que c'est ça. En plus, l'espoir est éternel. Mon dernier mariage dure depuis déjà 19 ans.
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