Les dirigeants du G7 se réunissent au Japon dans un contexte de crises économique, migratoire et sécuritaire. Bertrand Badie, professeur des universités à Sciences Po Paris explique pourquoi aucune décision importante n'en ressortira.
RT France : Quels sont les enjeux majeurs de ce sommet du G7 ?
Bertrand Badie (B. B.) : Le G7 est toujours très informel, et on ne sait jamais, dans le détail, de quoi il est question. On connaît un certain nombre de points qui seront discutés, comme le débat sur les modalités d’une éventuelle reprise de la croissance mondiale, des questions d’ordre socio-économique comme celle de la migration ou encore le TTIP. A cela s’ajoutent les questions politiques, et toute l’ambiguïté du G7 est de mêler ainsi questions économiques et politiques, avec en tête de liste la situation au Moyen-Orient, la lutte contre le terrorisme et probablement les rapports avec la Russie.
RT France : La Russie, été évincée du G7 en 2014, quelles ont été les conséquences pour le pays ? La Russie peut-elle espérer ré-intégrer le G7 ?
B. B. : Il n’est pas certain que pour la Russie les conséquences aient été dramatiques. Le G7 constitue avant tout des groupes informels de discussions et de concertations. Lorsqu’on est exclu de ce groupe, la concertation est moindre, mais il y a quantité d’autres portes pour revenir dans le débat international, comme le G20, dont la Russie fait toujours partie, le Conseil de sécurité et toute forme de contacts bilatéraux. Les contacts bilatéraux n’ont jamais été aussi nombreux entre les Etats-Unis et la Russie depuis que celle-ci a été exclue du G7, ce qui est paradoxal.
Les contacts bilatéraux n’ont jamais été aussi nombreux entre les Etats-Unis et la Russie depuis que celle-ci a été exclue du G7
Faire revenir la Russie, plusieurs des dirigeants du G7 l’ont en tête. Mais il faut se souvenir que la Russie a été exclue, non pas pour sa politique internationale globale, mais pour le processus d’annexion de la Crimée. Réinstaller la Russie dans le G7, pour qu’il redevienne G8, alors que rien n’a changé sur le dossier de la Crimée, serait se déjuger, ce qui rend difficile un processus de retour de Moscou. C’est très paradoxal, il s’agissait d’une sanction, et il est quasiment impossible de revenir sur une sanction qui gène plus le G7 en soit que la Russie en elle-même.
RT France : Le thème de «la migration et des réfugiés» a été mis à l'ordre du jour «à l'initiative de l'Allemagne», selon une source gouvernementale allemande. Un accord global peut-il naître à l’issue de la réunion ?
B. B. : C’est peu probable. Déjà le consensus qui, difficilement, se décide au sein de l’Union européenne est un faux consensus qui laisse de côté bien des divergences et qui rend impossible la mise en place d’une politique européenne cohérente. Je vois mal, dans ces conditions, comment cette fragilité voir cette incohérence pourrait être rattrapée à un niveau mondial. D'autant plus que les pays du G7 qui n’appartiennent pas à l’Europe ont eux mêmes à faire face à des questions migratoires sur des bases totalement différentes, je pense aux Etats-Unis ou au Japon notamment.
RT France : L’affaire des Panama papers a bousculé le monde de la finance récemment. Pensez-vous qu’une législation globale est possible ? Faut-il s’attendre à des décisions chocs, pourquoi ?
B. B. : Il y a l’ordre du jour officiel, celui sur lequel on communiquera et finalement qui n’a pas grande importance. Et d’autre part, il y a l’ordre du jour officieux dont on ne parle pas et qui risque d’être plus important que l’officiel. Cette question de l’optimisation fiscale et des paradis fiscaux, qui est un serpent de mer, sera très certainement abordée dans le cadre officieux. Mais que l’on puisse aboutir à des décisions communicables c’est peu probable. Si on communique c’est probablement pour donner le change, mais je ne crois pas que l'on aboutira à des résultats réels. Le G20 de Londres, en avril 2009, avait été présenté comme la solution à toutes ces questions fiscales, il devait mettre un terme à toutes ces pratiques. Il est resté en grande partie lettre morte. Je ne vois pas bien ce qui dans le contexte actuel pourrait relancer une telle dynamique.
Est-ce que véritablement il y a des dirigeants dans ce G7 qui ont les mains suffisamment libres pour définir des voix nouvelles d’action internationale ? J’en doute
A l’occasion de ce G7, plusieurs des participants sont confrontés à des problèmes de politique intérieure qui les empêchent très probablement d’aller très loin dans des décisions fondamentales. Barack Obama est au bout de son mandat, François Hollande est dans la situation que nous connaissons, David Cameron est entièrement retenu par l’hypothèse du Brexit, le Japon de Shinzo Abe est lui aussi confronté à des problèmes intérieurs. Est-ce que véritablement il y a des dirigeants dans ce G7 qui ont les mains suffisamment libres pour définir des voix nouvelles d’action internationale ? J’en doute.
RT France : Au fond le G7 est-il utile pour des décisions importantes ?
B. B. : Ca sert à prendre une belle photo à l’issue de la réunion, et immortaliser pour quelques mois la figure de dirigeants qui affichent une complicité et une certaine forme de connivence. C’est l’emblème de nos relations internationales actuelles. Une connivence minimale pour maintenir le mieux possible un statu quo qui est le seul dénominateur commun entre ces dirigeants.
En 40 ans d’existence le G7, qui a commencé comme G6, n’a jamais pris de décision
En 40 ans d’existence le G7, qui a commencé comme G6, n’a jamais pris de décision. Au mieux c’est une structure de concertation oligarchique davantage orientée vers la négociation permanente du maintient du statut quo, au pire c’est une photo de famille pour la presse à l’issue de la réunion.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.