Raffineries bloquées, grèves à répétition et même centrale nucléaire à l'arrêt : les actions de la CGT pour faire plier le gouvernement sur la loi travail se multiplient et se radicalisent, selon Hubert Landier, expert en relation sociale.
RT France : Depuis plusieurs jours le dialogue entre les syndicats et le gouvernement s’est durci. Comment l'expliquez-vous ?
Hubert Landier (H. L.) : Le climat s’est durci avec certains syndicats car l’échiquier syndical est clairement divisé. D’un côté, les syndicats qui acceptent, dans son état actuel, le projet de loi El Khomri, avec la CFDT en tête de file, et de l'autre ceux qui refusent cette loi et qui en exigent le retrait avec en tête la CGT. Le groupe des syndicats qui acceptent le texte de loi tel qu’il est, représente une légère majorité par rapport aux syndicats qui le refusent. Ce n’est pas une unanimité syndicale, mais un bras de fer entre le gouvernement d'une part et la CGT et FO d'autre part.
Le conflit social dissimule également un conflit politique à l’intérieur de la majorité de gauche
Ceci correspond à une radicalisation de la CGT, qui s’est manifestée au congrès de Marseille avec l’élection du nouveau secrétaire général Philippe Martinez. Ce dernier revient à une politique pure et dure de lutte des classes, comme on l’a connue dans le passé. Derrière cet affrontement, il faut voir un affrontement politique, car la CGT subit l’influence de militants d’extrême gauche et du Front de gauche. Ceux-là même qui sont opposés à la politique actuelle du gouvernement. Le conflit social dissimule également un conflit politique à l’intérieur de la majorité de gauche.
RT France : Manuel Valls a pris des positions fermes, mais quelle serait la bonne tactique à adopter pour le gouvernement afin d’arrêter le conflit social ?
H. L. : Le mouvement a tendance à s’essouffler, les grèves à la SCNF et à la RATP ne sont pas très suivies. Ce qui est nouveau c’est le blocage des raffineries, mais cela n’est le fait que d’une minorité de manifestants. Les derniers rassemblements ont réunis quelques dizaines de milliers de manifestants seulement.
La CGT n’a pas beaucoup de cartouche dans son sac. Le gouvernement ne prend pas un très gros risque en exprimant sa fermeté. De toute façon il ne peut pas faire autrement car s'il cède à la CGT, il se mettrait à dos la CFDT et les syndicats réformistes. D’autre part ce serait une très mauvaise chose pour la candidature de François Hollande car cela voudrait dire qu’il aurait cédé à son opposition de gauche.
RT France : Le PDG de Total a prévenu que le blocage des raffineries pourrait conduire le groupe français à «réviser sérieusement» ses plans d'investissement en France. Quelles peuvent être les conséquences d’une telle grève ?
H. L. : C’est une conséquence en termes d’image sur le plan international. Vu de très loin, la France apparaît comme un pays qui n’est pas fiable, dans lequel il y a des mouvements de grève, et cela peut, au-delà du cas de Total, ralentir les investissements, et porter certains investisseurs à s’installer ailleurs qu’en France.
C’est un très mauvais signe donné au plan international
C’est un très mauvais signe donné au plan international. La France, à tort ou à raison, a l’image d’un pays conflictuel, et ça c’est extrêmement dangereux.
RT France : Peut-on comparer la grogne contre la loi travail, et les évènements qui en découlent, avec ce qui c’est passé en 2010 contre la réforme des retraites ?
H. L. : Oui tout a fait. A l’époque il y avait également eu un blocage des raffineries qui s’est arrêté à la fin du mois d’octobre. C’est comparable également au mouvement contre le CPE du Premier ministre Dominique de Villepin. Sauf qu’à l’époque du CPE, il y avait une vraie mobilisation des jeunes, or, aujourd’hui, elle se limite aux lycées parisiens essentiellement.
C'est un syndicat qui est travaillé de l’intérieur par des militants du Front de gauche
Il faut bien noter qu'aujourd'hui, le mouvement a tendance à s’essouffler, il est minoritaire. La CGT a été doublée par la CFDT en nombre d’adhérents. C'est un syndicat qui est travaillé de l’intérieur par des militants du Front de gauche. Le parti communiste a été remplacé par le Front de gauche et par les militants trotskistes. Ce durcissement de la CGT n’est sûrement pas définitif, car il y a toujours eu à la CGT, depuis 20 ans, des opposants à l’évolution qui était menée. Ces opposants ont pris le pouvoir, mais il peut se passer la même chose qu’à la CGT Renault dont vient Philippe Martinez. La CGT Renault avait un comportement très jusqu’au-boutiste et ringard, elle a fini par perdre la majorité.
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