Le Conseil des ministres a autorisé le 10 mai Manuel Valls à utiliser le 49.3 pour faire passer en force la Loi Travail. L’effet ? «La cassure du Parti socialiste», annonce le rédacteur en chef des Alternatives économiques Guillaume Duval.
RT France : Pourquoi le Premier ministre insiste-t-il sur l’adoption de la Loi Travail en recourant à l'article 49.3 ?
Guillaume Duval : C’est une réforme emblématique pour lui et son gouvernement. Le discours du gouvernement et du président de la République c’est «je veux moderniser la France, réformer les blocages qui existent, etc.». Donc, dans ce contexte-là ce n’était pas possible de renoncer à ce texte.
L’autre option, qui était possible mais qu’il a écartée en faisant ce choix de la procédure du 49.3, était de laisser des amendements se faire au niveau de l’Assemblée. Mais dans le rapport des forces actuel ces amendements auraient été assez loin du texte originel, en particulier sur les questions qui sont centrales dans ce texte. A savoir ce qu’on appelle «l’inversion de la hiérarchie des normes», le fait qu’on puisse négocier au niveau des entreprises des accords plus défavorables que les conventions collectives de branche, que la loi, pour les salariés. Dans le contexte actuel le Premier ministre aurait été obligé de renoncer à cela, d’accepter les amendements qui revenaient là-dessus, et c’est ce qu’il n’a pas voulu faire, c’est la raison pour laquelle cela s’est terminé – pour l’instant – de cette façon-là.
Sur toutes les lois importantes que le gouvernement entend faire passer, il a aujourd’hui recours à cette procédure du 49.3, et c’est très problématique
La droite avait dit dans un premier temps – et cela aurait été possible pour lui aussi – qu’ils trouvaient le texte initial bien et qu’ils étaient susceptibles de le voter, mais après les modifications qui ont été faites dans un premier temps, la droite a dit : «puisque c’est comme ça, on ne le votera pas.» Donc il y avait un risque que le gouvernement soit mis en minorité sur sa position, notamment sur ce point central du projet.
RT France : Pensez-vous que le recours au 49.3 est démocratique en général ?
G.D.: C’est une procédure d’exception et elle pose effectivement toujours des problèmes. Je pense quand même que tous les Etats et les constitutions prévoient des procédures d’exception quand il y a un blocage parlementaire. La problématique particulière en France est qu’on n’est pas dans une situation où il devrait y avoir un blocage parlementaire dans la mesure où il y a en théorie une majorité nette à l’Assemblée suite aux dernières élections. Il ne devrait pas y avoir nécessité de recourir à ce type de procédure. Là, on a recours contre ses propres députés et pour les empêcher de modifier des choses comme ils l’entendent au niveau de l’Assemblée. Donc ça c’est problématique, comme le caractère répété de cet usage. Cela a été le cas avec la loi Macron. Sur toutes les lois importantes que le gouvernement entend faire passer, il a aujourd’hui recours à cette procédure, et c’est très problématique.
RT France : La loi travail a provoqué beaucoup d’indignation dans la population, comme le montre le mouvement Nuit Debout. Croyez-vous que cette mesure – si le gouvernement adopte effectivement la Loi Travail sans vote au parlement – va solliciter encore plus de protestation de la part de la population ?
Avec cette affaire-là, ce qui est probable aujourd’hui est que François Hollande vient de perdre les élections de l’an prochain
G.D.: Je ne suis pas sûr de son effet sur la mobilisation populaire. Il y a une manifestation qui est prévue ce soir [mardi 10 mai] devant l’Assemblée mais qui a été organisée très vite. On va voir. Je ne sais pas quel sera son effet là-dessus, en tout cas l’effet risque d’être surtout décisif au niveau du Parti socialiste, de la cassure du Parti socialiste. Donc c’est plutôt au niveau des instances politiques que cela crée une situation nouvelle et cela a d’autre part des effets sans doute très lourds pour les élections présidentielles de l’an prochain. Il y a eu quelques tentatives de rassembler la gauche pour avoir un candidat commun, ce qui était la seule possibilité a priori pour réussir à avoir un candidat de gauche au deuxième tour.
Avec cette affaire-là, ce qui est probable aujourd’hui est que François Hollande vient de perdre les élections de l’an prochain.
Donc les conséquences sont plutôt d’ordre électoral.
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