«Les principaux médias occidentaux présentent tout le temps des fondations et des centres de réflexion comme étant des observateurs neutres et impartiaux, alors que la vérité est toute autre», explique Bryan MacDonald à RT.
Les défenseurs de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN accusent souvent leurs adversaires de déformer la «vérité». Mais en même temps, ils sont eux aussi tout à fait capables d’inventer des faits et des chiffres.
L’Irlande peut remporter la Coupe du monde de football. David Bowie n’est pas mort. Leonard Cohen veut organiser un concert privé pour moi. Il fait 25 degrés à présent à Moscou. L’Ukraine est en paix et prospère.
Ceux qui travaillent pour les centres de réflexion pro-UE croient qu'il est acceptable d’embellir les statistiques, les faits et les chiffres
J’aimerais que beaucoup de choses soient vraies. Mais malheureusement, elles ne le sont pas. Il y a seulement deux façons de faire face à cela : accepter la réalité ou s’enfermer dans un monde imaginaire.
Bien sûr, pour un journaliste ou un analyste sérieux, traiter les faits autrement que comme quelque chose de sacré relèverait du suicide professionnel. Ceux qui travaillent pour les centres de réflexion pro-UE pensent souvent différemment. Ils considèrent comme acceptable d’embellir les statistiques, les faits et les chiffres. Souvent, ils présentent comme le fruit d’une recherche sérieuse des chiffres tirés de nulle part. Nous allons avoir beaucoup de ces «recherches» durant la future campagne de «Brexit».
De nombreux médias occidentaux ont consciencieusement rapporté cette semaine que la suspension de l’accord de Schengen pourrait coûter aux économies des pays membres «au moins» 470 milliards d’euros au cours d’une décennie, dans un scénario «optimiste». La version «pessimiste» suggère que la facture s’élèverait 1 400 milliards d’euros. Voici les chiffres de l’agence de presse Reuters, du Daily Mail et de la chaîne gouvernementale France 24.
Ces montants m’ont intrigué. Dans un premier temps, ils semblent effectivement plausibles. Après tout, la réintroduction des frontières signifierait des files d’attente aux points de passage. Ces ralentissements auraient freiné la distribution. C’est tout à fait logique. Et au milieu des appels de plus en plus fréquents à l'abandon de l’espace Schengen, et après la suspension temporaire récente de la libre circulation des personnes à certaines frontières, c’est évidemment un sujet majeur.
Mais je suis de nature sceptique, et cela m’a obligé à creuser un peu plus profondément et à examiner minutieusement la méthodologie. Les auteurs de ces rapports ont-ils eu recours à un algorithme complexe pour arriver à leurs conclusions ? Y a-t-il eu une recherche approfondie, utilisant un réseau de sources bien placées à travers le continent ? La recherche a-t-elle été confiée aux grands spécialistes de la logistique et de la distribution ?
Analyse de John Laughland : Brexit : une sortie de l'UE est-elle désormais bien plus probable ?
Les médias occidentaux ont utilisé un rapport totalement non-scientifique comme la base d’une construction destinée à promouvoir "l’unité européenne"
Quand les faits se baladent
La réponse à toutes ces questions très raisonnables est «non». A la place, le chiffre de 470 milliards a été obtenu, plus ou moins, en additionnant la totalité des coûts de production de l’UE durant une décennie et en divisant ce montant par 100. La version pessimiste a été divisée par 33,33. Vraiment, je ne l’invente pas.
Qui donc a commandé et rédigé ce rapport, dont les médias occidentaux ont assuré la promotion avec un tel à propos ? Premièrement, j’ai pensé qu’il s’agissait d’une classe de mathématique d’école primaire. Peut-être qu’un tuteur voulaient montrer à un groupe comment trouver 1% ou 3% de quelque chose ? Cependant, alors que j’étais sur le point de téléphoner à Net O’Keeffe, mon merveilleux maître de sixième année, la phrase suivante m’a frappée : «étude de l’Institut Prognos pour le compte de la fondation Bertelsmann».
La fondation Bertelsmann est connue en Allemagne comme l’un des groupes de lobbying les plus louches des environs, Bertelsmann est connecté à l’un des think tank favoris de l’OTAN, le Conseil de l’Atlantique et le Conseil de l'Amérique sur les affaires étrangères. Leurs tentacules s’étendent au plus profond de la chaîne allemande de la télévision d’Etat, ZDF, et ils utilisent leur influence pour promouvoir les intérêts américains en Allemagne.
Ceci n’est certainement pas la première fois que ces gars sont engagés dans une campagne d’agitprop pour promouvoir leurs idéaux politiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bertelsmann était le plus gros producteur indépendant de propagande nazie. Son propriétaire Henrich Mohn, était l’un des supporters les plus fervents de la SS. Son fils, Reinhard a combattu avec Erwin Rommel dans l’Afrika Korps.
En 2002, Hersch Fischler, un journaliste autrichien a prouvé que Bertelsmann avait étroitement coopéré avec le régime nazi. Il a également indiqué que l’entreprise avait probablement eu recours à l'esclavage des Juifs pendant les années de guerre.
Après la défaite des nazis, Reinhard a transformé Bertelsmann en l’une des entreprises les plus puissantes dans le domaine des médias. Elle contrôle RTL, la plus grande radio privée et société de diffusion télévisée en Europe. En plus, Bertelsmann est propriétaire de Random House et de Penguin, deux maisons d’édition britanniques très influentes.
La rhapsodie européenne
Vers la fin des années 1970, le jeune Mohn, souvent comparé à Jean Monnet jusqu’à sa mort en 2009, a placé plus de 69% des parts qu’il détenait dans le géant des médias à la fondation qui porte son nom. A l’insistance de Reinhard Mohn, l’organisation a été «dédiée à l’unité européenne et à la coopération transatlantique depuis sa création».
Nous avons un groupe de pression financé par l’UE diffusant des information à moitié vérifiées au moment où les Etats-membres tentent d’organiser un vrai débat sur Schengen
Parfois, il faut lire une phrase deux fois pour bien la comprendre. Les médias occidentaux n’ont pas fait que rapporter, comme un fait d’évangile, un rapport totalement non-scientifique sur les conséquences de la suspension de l’espace Schengen, ils l’ont utilisé comme la base d’une construction destinée à promouvoir «l’unité européenne». C’est à peu près la même chose que de demander à un courtier en pétrole saoudien une projection équilibrée des prix du brut dans l’avenir.
De plus, Bertelsmann reçoit des financements directement de Bruxelles. En 2013, il a reçu plus de 440 000 euros pour trois projets que le groupe a réalisés pour l’UE. Donc, nous avons un groupe de pression financé par l’UE diffusant des informations à moitié vérifiées au moment où les Etats-membres tentent d’organiser un vrai débat sur Schengen.
Les principales organisations de médias occidentales présentent tout le temps des fondations et des centres de réflexion comme étant des observateurs neutres et impartiaux, alors que la vérité est toute autre. Combien de fois avez-vous vu un «Brookings Scholar» invité à discuter de la politique étrangère américaine sur la BBC ou Sky News ? On ne mentionne jamais le fait que cette institution a fortement favorisé la politique étrangère de George W. Bush.
Le diable est dans les détails
Bien trop souvent, de grands experts de ceci et des experts associés de cela, sont présentés, à la fois, par les médias d’Etat et par des médias privés sans que ne soient précisés les organismes qui financent ces experts. Cette pratique est une insulte à l’égard des auditeurs et des téléspectateurs. Les avis d’experts sur la Russie en sont une parfaite illustration. Edward Lucas, par exemple, est partout sur les ondes. On mentionne rarement qu’en plus de son rôle dans l’hebdomadaire The Economist, il travaille également pour le Centre d’analyse de la politique européenne. Cette organisation est financée par des contractuels du ministère de la défense américain, tels que Lockheed Martin, Bell Helicopter et Sikorsky. Naturellement, c’est dans leur intérêt de promouvoir l’idée (complétement ridicule) d’un conflit imminent avec la Russie. Cela permet de continuer à faire tourner le tiroir-caisse.
Un coup d'œil au «conseil consultatif» du Centre pour l'éducation et les arts fait apparaître pas mal de noms que l’on voit constamment dans les médias écrits et audiovisuels pour dénoncer la Russie. Parmi eux, Anne Applebaum, Timothy Garton Ash, Carl Bildt et Toomas Hendrik Ilves. Même s’ils croient à leurs propres dénonciations de la Russie, d’où vient ce besoin de se joindre aux contracteurs de la défense américaine ? Cela pue très haut dans le ciel.
Avec le référendum [sur le Brexit] au Royaume-Uni et la poursuite du débat sur la viabilité de Schengen, les mois à venir seront cruciaux pour la poursuite de l’existence de l'UE. Les médias occidentaux ont l'obligation d'informer les consommateurs de la provenance des diverses fondations qui contribueront au débat. Leurs partis pris et leur financement devraient être signalés à tout moment.
Quand vous lisez ou regardez RT, vous savez qu’il est financé par le gouvernement russe. L’indice est dans le nom, Russia Today. Si seulement les organisations destinées à soutenir à la fois l’UE et l’OTAN étaient aussi transparentes.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.