L'OTAN, favorable à l'élection de Joe Biden ?
L'OTAN a-t-elle un favori dans la course à la présidentielle américaine ? Après des relations parfois compliquées sous Trump, certaines sources internes, citées par Reuters, espèrent repartir sur de bonnes bases... avec un nouveau président ?
Tout en respectant une neutralité de façade, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) espère-t-elle secrètement une victoire du candidat démocrate Joe Biden dans la course à la présidence américaine ? C'est en tous cas ce qui ressort de propos tenus par plusieurs diplomates et responsables de l'alliance militaire cités par Reuters le 20 octobre sous couvert d'anonymat.
Et pour cause, si l'OTAN a d'ores et déjà prévu d'organiser un sommet en 2021 avec l'ensemble des dirigeants des 30 pays membres (dont son principal contributeur, les Etats-Unis), plusieurs sources internes de l'organisation laissent entendre que la date de celui-ci pourrait bien fluctuer selon les résultats de la présidentielle américaine.
La plupart des alliés souhaitent une victoire de Biden le mois prochain mais ils travailleraient évidemment avec une administration Trump reconduite
Biden, candidat privilégié de l'Alliance ?
Ainsi, si l'ancien vice-président de Barack Obama venait à remporter les élections du 3 novembre, l'Alliance atlantique envisagerait d'organiser un sommet dès le mois de mars à Bruxelles pour accueillir le nouveau président américain et tenter de lancer une nouvelle dynamique plus favorable aux relations transatlantiques, d'après des diplomates et responsables cités par Reuters.
Si Donald Trump était réélu président des Etats-Unis, l'OTAN organiserait en revanche ce sommet «au début de l'été», selon les mêmes sources. Et pour cause, celles-ci estiment qu'une telle rencontre serait moins urgente car le président américain a déjà participé à des sommets de l'OTAN et sa position, parfois très critique à l'égard de l'organisation militaire, risque de se durcir.
«La plupart des alliés souhaitent une victoire de Biden le mois prochain mais ils travailleraient évidemment avec une administration Trump reconduite», a affirmé un diplomate, cité par Reuters, au siège de l'OTAN à Bruxelles. Un second diplomate ajoute qu'un sommet en mars «donnerait à Biden une tribune pour réunir à nouveau l'Europe et l'Amérique du Nord et cela fournirait aussi à l'OTAN l'opportunité de laisser derrière elle l'époque Trump».
L'Organisation du traité de l'Atlantique nord, qui compte désormais 30 membres, créée en 1949 pour faire face à la menace de l'URSS, a refusé de commenter les dates éventuelles de ce sommet en fonction du résultat de l'élection présidentielle américaine.
Des relations tendues entre Trump et l'OTAN
Les propos des diplomates et responsables de l'OTAN cités par l'agence de presse s'expliqueraient par les positions tenues par Donald Trump envers l'Alliance atlantique et ses membres tout au long de son mandat.
Le 29 juillet 2020, les Etats-Unis avaient par exemple pris la décision de retirer 11 900 militaires hors d'Allemagne pour en repositionner une partie en Belgique et en Italie. Donald Trump avait alors expliqué que ce retrait était dû au refus de l'Allemagne de «payer plus» pour le budget de l'OTAN. «On en a marre d'être des pigeons», avait déclaré depuis la Maison Blanche le président américain à la presse, avant d'ajouter : «Nous réduisons nos forces parce qu'ils ne paient pas. C'est très simple».
Par ailleurs, le locataire de la Maison Blanche avait estimé que l'OTAN était «obsolète» et que certains alliés étaient des «délinquants». Il avait également menacé en juillet 2018 de manière voilée de retirer les Etats-Unis de l'organisation... ce qui reviendrait de facto à la vider de sa substance.
A l'occasion du sommet de l'OTAN les 11 et 12 juillet 2018, Donald Trump s'était ainsi félicité d'avoir poussé les autres membres de l'OTAN à «payer plus et plus rapidement», après leur avoir reproché à plusieurs reprises de ne pas contribuer suffisamment, par les sommes allouées à leurs budgets de défense nationaux, aux dépenses globales de l'OTAN.
L'héritage Obama
En comparaison, Joe Biden présente un atout considérable aux yeux de l'OTAN : l'héritage des huit années de la présidence Obama, notamment sur les plans de la politique étrangère et des positions américaines envers le Vieux Continent.
Et pour cause, si l'on retient surtout, côté international, le prix Nobel de la paix reçu symboliquement en 2009 par Barack Obama, le premier président noir des Etats-Unis ne s'est pas particulièrement distingué par son pacifisme.
Pourtant élu en 2008 sur l'ambition de rompre avec le style George W. Bush et ses guerres préventives, Barack Obama détient un record : celui du premier président américain à avoir effectué deux mandats complets en guerre, soit plus que son prédécesseur. Comme le rappelait le New York Times en 2016, en plus d'opérations militaires en Syrie, en Irak et en Afghanistan, «Obama a aussi approuvé des frappes contre les groupes terroristes en Libye, au Pakistan, en Somalie et au Yémen», soit un total de sept pays visés.
Si l'ancien locataire de la Maison Blanche a réduit le nombre de soldats américains au sol sur certains théâtres d'opération, il s'est en revanche distingué par le recours généralisé à l'utilisation des drones ou encore des milices privées dans le monde.
Enfin, et surtout, même si le fondement de la politique étrangère de Barack Obama s'est défini autour du «pivot» asiatique, parfois au détriment du Vieux Continent, il n'en restait pas moins un atlantiste convaincu ainsi qu'un fervent défenseur de l'OTAN. Et pour preuve son interview accordée au quotidien néerlandais Volkskrant le 24 mars 2014 citée par Le Monde, dans laquelle il réaffirme le soutien des Etats-Unis à l'OTAN, qui «reste l'alliance la plus forte et la plus efficace de l'histoire de l'humanité», avant de rappeler que l'article 5 du Traité de l'Atlantique nord comporte «une obligation solennelle de se défendre l'un l'autre». «Personne ne devrait s'interroger sur l'attachement des Etats-Unis à la sécurité de l'Europe», avait-il ensuite affirmé. Et d'ajouter : «Nous ne faiblirons jamais dans notre défense collective.»
«Pendant la Guerre froide, l'Europe était la source de nombreux défis de sécurité mondiaux. Maintenant, notre Alliance est le fondement de la sécurité globale», avait assuré Barack Obama.
Soit un discours aux antipodes de ceux tenus par Donald Trump à l'égard de l'Alliance atlantique. Et pourtant, le président américain, qui se présentait volontiers en campagne comme non-interventionniste, n'est pas lui non plus un pacifiste zélé. S'entourant volontiers de faucons comme par exemple l'ancien conseiller à la Sécurité nationale John Bolton, le partisan du «America First» aura notamment durant son mandat : frappé la Syrie en réaction à de présumées attaques chimiques, fait éliminer le général iranien Soleimani en Irak, multiplié les attaques de drone, renforcé les sanctions et les menaces envers l'Iran, la Chine ou encore le Venezuela... A l'inverse, Donald Trump aura par exemple poursuivi le retrait des troupes américaines d'Afghanistan, ou encore initié un réchauffement diplomatique des relations avec la Corée du Nord de Kim Jong-un. Un bilan qui n'a, semble-t-il, pas convaincu au sein de l'OTAN.