Sahel : une menace terroriste persistante malgré l’optimisme affiché par Emmanuel Macron
Présent au sommet du G5 Sahel, Emmanuel Macron a déclaré avoir «inversé le rapport de force» avec les factions djihadistes dans la région. Cependant, un rapport publié par le Conseil de sécurité de l'ONU dresse un tableau beaucoup moins optimiste.
En déplacement le 30 juin à Nouakchott, en Mauritanie, pour y rencontrer les dirigeants des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Tchad, Niger, Mali et Burkina Faso), réunis en sommet, et s’entretenir avec eux de la situation sur le terrain, alors que la France est engagée depuis 2014 dans l’opération Barkhane, Emmanuel Macron a laissé entendre que Paris et ses alliés avaient «inversé le rapport de force» avec les groupes djihadistes au cours des derniers mois.
Le terrain que nous avons repris ne sera pas cédé
«La victoire est possible au Sahel», a poursuivi le président français lors de la conférence de presse de clôture du sommet, ajoutant être «en train d'en retrouver le chemin grâce aux efforts qui ont été faits ces six derniers mois» et mettant en lumière des «résultats spectaculaires». Emmanuel Macron a par ailleurs fait savoir que des zones avaient été reprises aux djihadistes dans la région des «trois frontières» située entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali et que cette dynamique devait être selon lui «confortée» et «amplifiée». «Le terrain que nous avons repris ne sera pas cédé», a-t-il conclu.
Une situation qui se «détériore à un rythme préoccupant» pour l’ONU
A écouter le président de la République, la situation dans le Sahel serait donc en voie de règlement, avec des avancées majeures réalisées ces derniers mois. Or, un rapport analysant la situation dans le Sahel entre le 1er janvier et le 22 juin 2020, publié par le Conseil de sécurité des Nations unies le 24 juin, offre une toute autre vision de la réalité sur le terrain.
«Les conditions de sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel ont continué de se détériorer. La région a été le théâtre d’attaques terroristes complexes et récurrentes contre les civils et les forces de défense et de sécurité ainsi que de recrutements forcés et d’enlèvements», est-il expliqué dans le document. Le Conseil de sécurité précise : «Les attaques systématiques de groupes armés contre des cibles civiles et militaires au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Nigéria ont fait peser de graves menaces sur la paix et la stabilité de la région et du reste du monde.»
Un bilan finalement bien moins rutilant que la présentation offerte par Emmanuel Macron. De plus, le rapport note que la pandémie de coronavirus a contribué au renforcement des groupuscules terroristes. «Le 9 mars, l’Etat islamique en Irak et au Levant a encouragé ses combattants à profiter de ce que les gouvernements étaient aux prises avec la Covid-19 pour intensifier leurs attaques», est-il rappelé, alors que «les activités terroristes et la violence intercommunautaire ont contribué à la dégradation des conditions de sécurité dans la région, dans un contexte marqué par l’aggravation de la crise humanitaire et l’apparition de la pandémie de maladie à coronavirus».
Ce n’est pas la première fois que l’institution internationale met en garde contre le risque de dégradation de la situation dans le sud du Sahara. Mi-janvier déjà, le secrétaire général adjoint des Nations unies aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, avait prévenu lors d’une réunion du Conseil de sécurité : «La situation sécuritaire au Mali et dans l'ensemble de la région du Sahel se détériore à un rythme préoccupant.»
Des attaques terroristes «quotidiennes» d'après Jean-Pierre Lacroix
«Nous avons assisté à une augmentation des attaques d'engins explosifs improvisés contre nos convois, attaques qui ont occasionné plusieurs blessés chez les Casques bleus», avait-il alors déclaré, précisant que ces attaques se produisaient «presque quotidiennement».
D’après lui, les groupes terroristes prolifèrent dans les régions de Gao et de Ménaka au Mali. Il avait également appelé à ce que de nouvelles ressources soient allouées à l’opération de maintien de la paix menée depuis avril 2013 par l'ONU dans le pays (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali ou MINUSMA).
Dans son rapport du 24 juin, le Conseil de sécurité liste les nombreuses attaques terroristes menées dans la région depuis le début de l'année, comme les 16 et 25 février ainsi que le 28 mars au Burkina Faso ou encore le 9 mars au Niger. Entre décembre 2019 et janvier 2020, pas moins de 174 soldats nigériens ont perdu la vie en combattant le terrorisme. Le 6 avril, dans la région de Gao, 25 soldats maliens avaient été tués et six autres blessés lors de l'attaque d'un poste militaire attribuée par le gouvernement malien aux factions djihadistes.
Toutefois, le rapport des Nations unies rappelle que «les opérations militaires internationales se sont multipliées» dans la région et que «l’opération Barkhane a reçu de la part de plusieurs pays européens des promesses de renforts, qui devraient être déployés d’ici la fin de 2020». De quoi donner de l'espoir à Emmanuel Macron, d'autant plus que la récente mort du chef d'al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdal, tué par les forces françaises le 3 juin au Mali, aura certainement renforcé la position de Paris dans le conflit.