Conseil de l’Europe : la Russie a-t-elle gagné son bras de fer avec les Occidentaux ?

Conseil de l’Europe : la Russie a-t-elle gagné son bras de fer avec les Occidentaux ?© Vesa Moilanen / Lehtikuva Source: AFP
De gauche à droite : les ministres finlandais et russe Timo Soini, Sergueï Lavrov ainsi que le secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjorn Jagland, le 17 mai 2019.
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Mis au pied du mur, les Occidentaux ont assoupli leur position pour éviter une sortie de la Russie du Conseil de l'Europe. Faisant passer l'Ukraine au second plan, les Européens comme Moscou ont réaffirmé l'importance de l'organisation paneuropéenne.

Le feuilleton de la crise au Conseil de l'Europe est à l'image, plus largement, des relations entre Occidentaux et Russes : des épisodes de crispation et de bluff, suivis de phases de détente précaire.

Le 17 mai à Helsinki, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe – organisation paneuropéenne créée en 1949 et distincte des institutions de l'Union européenne – a joué l'apaisement avec Moscou. Dans une déclaration conjointe citée par l'AFP, les ministres des Affaires étrangères des pays membres sont parvenu à un accord et martelé : «L'ensemble des Etats membres devraient avoir le droit de participer sur un pied d'égalité au Comité des ministres et à l'Assemblée parlementaire». Façon d'ouvrir la porte à une sortie de crise ?

La fin de cinq ans de sanction à l'encontre de la délégation russe ?

L'adoucissement est notable après plus de cinq années de bras de fer. En avril 2014, les 18 députés russes de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui siège à Strasbourg, se voyaient privés de droit de vote, manière de sanctionner la Russie, accusée d'ingérence dans la crise ukrainienne. Trois ans plus tard, en juin 2017, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait annoncé, faute de restauration complète des droits de la délégation russe, que son pays ne contribuerait plus au budget du Conseil de l'Europe.

Selon les règles du Conseil, un Etat membre ne payant pas sa contribution risque l'exclusion au bout de deux ans, soit à partir de juin 2019 pour la Russie. Moscou serait ainsi écarté de l'élection du nouveau secrétaire général de l'organisation qui doit succéder au Norvégien Thorbjorn Jagland, entraînant le départ de la Russie de l'organisation. Conséquence : Moscou se verrait privé d'une plateforme d'échange avec ses partenaires européens. 

Mais la situation est aussi devenue délicate pour les Occidentaux. Contribuant à rendre toujours plus illisibles et ambivalentes leurs intentions à l'égard de la Russie, les Européens avaient notamment désigné la Russie comme un adversaire, cette fois dans le cadre institutionnel de l'Union européenne. Dernière initiative punitive en date, le 12 mars dernier, le Parlement européen votait une résolution appelant a envisager de «nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie».

Double langage et revirements des Européens

Ces déclarations hostiles, sur fond de montée en puissance de l'OTAN en Europe, n'ont toutefois pas empêché le président de la République Emmanuel Macron de jouer, en même temps, l'apaisement avec Moscou. «Je souhaite que la Russie reste au sein du Conseil de l'Europe», avait martelé le dirigeant français le 6 mai dernier.

Alors que la France s'apprête à prendre la présidence tournante de l'organisation, cette déclaration semble avoir permis un début de déblocage. Le 16 mai, Sergueï Lavrov a ainsi rappelé l'attachement de son pays au Conseil de l'Europe, le qualifiant «comme l'une des organisations internationales les plus respectées sur le continent européen». Le lendemain, le chef de la diplomatie russe a enfoncé le clou, déclarant à l'occasion de la 129e réunion du Comité des ministres de l'organisation : «Nous ne cherchons pas à sortir du Conseil de l’Europe comme on tente de le faire croire par des rumeurs. Nous ne renonçons à aucun de nos engagements, y compris financiers.»

Sur ce point, Moscou n'a en réalité pas varié au cours de ces cinq années de crise, dénonçant certes la suspension du droit vote infligée à ses délégués, mais rappelant l'importance du Conseil de l'Europe pour la Russie post-soviétique. Sergueï Lavrov est d'ailleurs allé plus loin, n'hésitant pas à rappeler l'importance de la Cour européenne des droits de l'homme et de la convention du même nom, qui procèdent toutes deux de l'organisation sise à Strasbourg. «Nous apprécions la contribution positive que le Conseil de l’Europe a apporté et continue d’apporter dans le développement du droit national russe, les réformes du système juridique, du système des organes pénitentiaires, la résolution de beaucoup d’autres problèmes humanitaires», a-t-il argumenté ce même 17 mai.

Nous ne cherchons pas à sortir du Conseil de l’Europe comme on tente de le faire croire par des rumeurs

Une déclaration d'autant plus forte qu'elle coupe l'herbe sous le pied de ceux des détracteurs de la Russie qui voient dans la CEDH un moyen de faire pression sur Moscou. «En fin de compte, une décision a été prise aujourd’hui qui a clairement confirmé que, comme indiqué dans la charte, chaque Etat membre du Conseil de l’Europe a des droits et des obligations égaux. En fait, cela ouvre la voie au règlement de la crise actuelle qui résulte d’une décision illégitime de l’APCE», a encore salué Sergueï Lavrov.

Indication que la position de l'APCE, seule compétente pour rétablir – éventuellement – le droit de vote de la Russie lors de sa prochaine réunion en juin 2019, pourrait changer, les ministres allemand et finlandais des Affaires étrangères se sont félicités de l'accord, soulignant que la décision profiterait aux citoyens russes.

Lire aussi : Rattachement de la Crimée à la Russie : la grande rupture de l'Occident avec Moscou

Une «capitulation» pour l'Ukraine, Paris recadre Kiev

De leur côté, les Occidentaux, en dépit d'une rhétorique guerrière antirusse régulière depuis la révolution du Maïdan, ont semblé prendre la mesure d'un départ de la Russie du Conseil de l'Europe.

Le risque est en effet important de voir ce pays se rapprocher toujours plus de la sphère asiatique, dominée par la Chine, accélérant un processus initié par le coup d'Etat en Ukraine, pro-Union européenne et conforme aux intérêts géopolitiques des Etats-Unis. Signe que le dossier ukrainien joue – ou jouait jusque-là – un rôle décisif dans ce blocage, Kiev a fustigé l'assouplissement de la position occidentale. «Ce n'est pas de la diplomatie, c'est une capitulation», a fulminé le 17 mai le représentant ukrainien au Conseil de l'Europe, Dmytro Kouleba, interrogé par l'AFP.«Nous voulons que la Russie reste dans le Conseil de l'Europe», a-t-il poursuivi, alignant quelque peu la position jusque-là résolument antirusse de l'Ukraine sur celle portée par la France. «Mais nous voulons aussi qu'elle respecte ses obligations et engagements dans toutes les décisions prises en réponse à l'agression russe contre l'Ukraine», a toutefois protesté Dmytro Kouleba.

Le 15 mai dernier, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavel Klimkine avait déjà menacé, si les sanctions contre la Russie venaient à être levées au Conseil de l'Europe, de retirer son pays des accords de Minsk visant à mettre un terme à la guerre civile dans l'est de l'Ukraine. Paris avait alors sèchement rappelé Kiev à l'ordre. «Le président de la République a rappelé l’importance qu’une solution soit trouvée qui permette le maintien de la Russie au sein du Conseil de l’Europe», a martelé le Quai d’Orsay. Membre d'une administration ukrainienne qui va devoir passer la main après la défaite électorale du président Petro Porochenko, Pavel Klimkine a démissionné le 17 mai.

Les Européens seraient-ils désormais disposés à tourner la page de la présidence Porochenko pour préserver, même a minima, leur relation avec Moscou ?

Alexandre Keller

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