Adulée en Ukraine, la députée Nadia Savtchenko est emprisonnée pour tentative de coup d'Etat
- Avec AFP

Pilote militaire au caractère bien trempé, elle était devenue une héroïne en Ukraine pour avoir été emprisonnée en Russie. Désormais députée, Nadia Savtchenko a été arrêtée dans son pays, accusée d'avoir préparé une attaque contre le Parlement.
Le 22 mars, la députée ukrainienne Nadia Savtchenko a été arrêtée, accusée d'avoir préparé une attaque contre le Parlement pour renverser le pouvoir.
Moins de deux ans après son retour triomphal à Kiev en avion présidentiel dans le cadre d'un échange de prisonniers avec la Russie, la vie de cette femme de 36 ans a pris un nouveau tournant au terme d'une journée rocambolesque pendant laquelle elle a perdu son immunité parlementaire.
«Elle a été placée en détention, le procureur général ayant prononcé son inculpation», a affirmé en effet à l'AFP un porte-parole du parquet général, Andriï Lyssenko.
Son sort, qui tient l'Ukraine en haleine depuis des semaines, avait, peu avant, été réglé lors d'une séance au Parlement.
Plus de 260 députés, pour un minimum requis de 226, ont approuvé la levée de l'immunité parlementaire de Nadia Savtchenko, sa détention provisoire et son arrestation lors de trois votes.
Les charges sont en elles-mêmes extraordinaires. Nadia Savtchenko et un complice, récemment arrêté, sont accusés d'avoir ourdi «un attentat terroriste à grande échelle» visant à «exterminer les dirigeants du pays» dont le président Petro Porochenko, a assuré devant les députés le procureur général Iouri Loutsenko.
Ils prévoyaient également de procéder à des «tirs de mortiers» dans le centre-ville de Kiev pour tuer des civils afin de «créer le chaos et s'accaparer le pouvoir», a poursuivi Iouri Loutsenko.
Il a fait visionner aux députés des enregistrements vidéo et audio sur lesquels des personnes ressemblant à Nadia Savtchenko et son complice discutent de l'organisation d'un attentat au Parlement le jour où le président doit y prononcer un discours en présence de tous les membres du gouvernement.
Grenades et mitraillette
«Je propose un coup d'Etat. Il faut les liquider physiquement. Tous et d'un seul coup», déclare une personne ressemblant à la députée dans cette vidéo avant de dessiner un plan du Parlement pour expliquer où il faut lancer des grenades pour faire exploser l'hémicycle et faire «tomber sa coupole».
«Une seule personne peut le faire en une minute et demi [...] Je vais moi-même certainement pouvoir jeter six grenades», poursuit cette personne. «On peut ensuite prendre une mitraillette et achever [les survivants]», ajoute-t-elle.
Nadia Savtchenko, présente au Parlement lors de la diffusion de cette vidéo, a regardé les images sourire aux lèvres mais n'a pas fourni d'explication.
Après le vote des députés, un juge d'instruction s'est présenté devant Nadia Savtchenko, dans le Parlement, pour lui lire l'acte d'inculpation et lui demander de le suivre dans les locaux des services de sécurité, ce qu'elle a accepté.
Condamnée en Russie à 22 ans de prison mais soutenue par Berlin, Bruxelles, les Etats-Unis et BHL
Nadia Savtchenko avait été condamnée en 2016 à 22 ans de prison en Russie pour avoir, selon des accusations qu'elle rejette, fourni à l'armée ukrainienne la position de deux journalistes de la télévision publique russe tués par un tir de mortier en juin 2014 pendant le conflit dans l'est de l'Ukraine.
Lors de son emprisonnement en Russie, elle avait reçu le soutien des Etats occidentaux (Berlin, Bruxelles et les Etats-Unis) qui avaient exigé la libération du pilote ukrainien pour des raisons «humanitaires». Les différentes capitales occidentales protestaient aussi contre l'illégalité supposée de sa capture en 2014, soutenant ainsi son affirmation qu'elle avait été kidnappée et transférée en Russie contre sa volonté. En France, le philosophe Bernard-Henri Lévy avait aussi défendu la militaire, la comparant à «Jeanne d’Arc».
Échangée quelques mois plus tard contre deux Russes emprisonnés en Ukraine, elle a été accueillie en héroïne à Kiev.
Connue pour sa forte personnalité, Nadia Savtchenko a, après son retour en Ukraine, défendu des positions controversées, blâmant Kiev pour le conflit armé avec les rebelles séparatistes ou rencontrant leurs dirigeants pour des pourparlers visant à la libération de prisonniers ukrainiens.
Ces rencontres lui ont valu d'être exclue du groupe parlementaire de l'ex-Premier ministre Ioulia Timochenko, dont elle était symboliquement tête de liste aux législatives en 2014, lorsqu'elle se trouvait encore en prison en Russie.
Son complice présumé est Volodymyr Rouban, un homme qui a négocié de nombreux échanges de prisonniers entre Kiev et les rebelles séparatistes de l'est de l'Ukraine avant d'être écroué le 9 mars et accusé d'avoir voulu assassiner le président Petro Porochenko.
Volodymyr Rouban avait été arrêté près de la ligne de front en possession d'un arsenal comprenant des obus et des lance-grenades caché dans son fourgon.
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