Opération turque en Syrie : la France hausse le ton, mais que disent les autres grandes puissances ?
S'il a dit comprendre l'inquiétude d'Ankara concernant ses frontières, Jean-Yves Le Drian a exprimé ses craintes concernant les morts de civils à Afrin, en Syrie, où intervient la Turquie. D'autres capitales ont exprimé leurs craintes sur ce dossier.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a mis en garde le 7 février la Turquie contre toute mort de civils dans son offensive en cours, contre une milice kurde dans le Nord de la Syrie : «Ce qu'on peut comprendre, c'est que la Turquie veuille assurer la sécurité de ses frontières. C'est un droit légitime mais assurer la sécurité de ses frontières, ce n'est pas aller tuer des civils ; cela, c'est condamnable», a ainsi déclaré le chef de la diplomatie française, sur la chaîne BFMTV et la radio RMC.
«Il ne faut pas dans une situation très dangereuse aujourd'hui en Syrie, dramatique à tous égards, rajouter de la guerre à la guerre», a poursuivi Jean-Yves Le Drian, en appelant tous les acteurs impliqués dans des combats à revenir à la table des négociations politiques sous l'égide des Nations unies.
#Macron avertit la Turquie 🇹🇷 qu’une «opération d’invasion» en Syrie 🇸🇾 poserait «un problème réel»
— RT France (@RTenfrancais) 31 janvier 2018
➡️ https://t.co/aB9o5l8HF6pic.twitter.com/iitG5mGlqJ
Le 3 février néanmoins, à l'issue d'une conversation téléphonique avec son homologue turc Reçep Tayyip Erdogan, le président français Emmanuel Macron avait annoncé que les deux pays allaient «travailler à une feuille de route diplomatique en Syrie.»
Après le commencement de l'opération Rameau d'olivier, lancée par la Turquie dans l'enclave syrienne d'Afrin le 20 janvier, contre des forces kurdes soutenues par Washington, Emmanuel Macron avait tenu un ton ferme vis-à-vis d'Ankara, mettant en garde contre toute velléité d'«invasion» de la Syrie. «S'il s'avérait que cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose un problème réel», avait déclaré le président de la République.
Une offensive condamnée dès le début par Damas et Téhéran
Le gouvernement syrien, de son côté, a naturellement réagi très tôt à cette offensive turque menée sur son propre territoire. Si dans un premier temps, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, avait déclaré sur la chaîne 24TV avoir informé «toutes les parties» de ce qu'Ankara faisait à Afrin, y compris Damas «par écrit», une source au sein du ministère syrien des Affaires étrangères citée par l'agence publique syrienne Sana, le 20 janvier 2018, avait réfuté cette information : «La Syrie nie complètement les allégations du régime turc selon lesquelles il l'a informée de cette opération militaire».
Cette même source avait également condamné «fermement l'agression turque brutale sur Afrin, qui constitue une partie intrinsèque du territoire syrien.»
#Damas a condamné l'opération militaire #turque, baptisée «Rameau d'olivier», visant un district syrien tenu par des milices #kurdes
— RT France (@RTenfrancais) 20 janvier 2018
➡️ https://t.co/tTIccbemxFpic.twitter.com/y9EW6ScYEL
Téhéran, allié militaire du gouvernement syrien, avait similairement exhorté la Turquie à stopper son offensive, déclarant que celle-ci violait la souveraineté syrienne et allait accroître les tensions dans le pays.
Moscou a appellé toutes les parties à la retenue
Dans un communiqué publié dès le premier jour de l'offensive, le ministère russe des Affaires étrangères avait déclaré : «La Turquie a eu recours à ses forces armées près d'Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie [...] Moscou est préoccupé par ces informations.» Le Kremlin avait à cette occasion rappelé sa position sur le dossier syrien : résoudre la crise en permettant au pays de conserver son intégrité territoriale et sa souveraineté.
De plus, Franz Klintsevich, élu de la chambre haute du Parlement russe – le Conseil de la Fédération – et membre du comité parlementaire russe sur la Sécurité, avait déclaré à l'agence russe RIA le 20 janvier toujours : «La Syrie n'est pas seule à demander la fin de cette opération. La Russie soutiendra également cette demande, de même qu'elle fournira à la Syrie son assistance diplomatique.» En outre, le gouvernement russe a accusé les Etats-Unis d'être en partie responsables de cette incursion dans le nord de la Syrie, évoquant la «livraisons incontrôlées d’armements modernes du Pentagone aux combattants pro-américains» dans la région.
Opération #turque en #Syrie : #Moscou accuse #Washington d'avoir mis de l'huile sur le feu
— RT France (@RTenfrancais) 20 janvier 2018
➡ https://t.co/e8l7kke17lpic.twitter.com/IscGzyonfY
Par la suite, ce 7 février, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a fait savoir, selon l'agence Reuters, que le président russe Vladimir Poutine et ses homologues iranien et turc étaient en contacts réguliers afin de discuter de la situation en Syrie.
Washington appelle à la retenue
Washington a également appelé la Turquie à «limiter» son opération militaire – mais son implication militaire dans la zone semble avoir contribué au déclenchement de l'offensive turque. La décision du Pentagone de mettre en place un programme d'entraînement pour les garde-frontières arabes et kurdes en Syrie, en particulier, avait provoqué l'ire d'Ankara, quelques jours avant le lancement de l'opération Rameau d'olivier.
Les appels à la modération américains ainsi que leur soutien aux milices kurdes des YPG (que la Turquie considère comme terroristes) ont en outre provoqué un certain nombre de déclarations tonitruantes de la part d'Ankara. Le 6 février encore, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait appelé Washington à retirer ses soldats de la ville syrienne de Minbej, contrôlée par les YPG, afin d'éviter une confrontation directe entre les deux pays, alliés au sein de l'OTAN.
Lire aussi : Syrie : Washington tient-il un «double discours» aux Turcs et aux Kurdes ?
Cas de conscience pour l'Allemagne, qui a vendu des chars à la Turquie
Quatre jours après le début de l'opération Rameau d'olivier, le gouvernement allemand a annoncé qu'il demanderait au ministre turc de la Défense des précisions sur cette offensive. L'ambassadeur allemand à Ankara s'est par la suite entretenu avec le ministre turc de la Défense, Nurettin Canikli, à ce sujet, le 24 janvier. Une partie des préoccupations de Berlin portait sur l'utilisation potentielle des 354 chars Leopard que l'Allemagne avait vendus à l'armée turque.
Le gouvernement allemand continue à être très préoccupé par le conflit militaire dans le nord de la Syrie
Le chef de la #diplomatie turque 🇹🇷 a dénoncé «l'hypocrisie» de pays européens qui, selon lui, affichent leur soutien à la #Turquie lors de discussions bilatérales et changent de discours en publichttps://t.co/nNfojCIQyY
— RT France (@RTenfrancais) February 1, 2018
Le chef de la diplomatie allemande avait annoncé le lendemain avoir demandé à l'OTAN l'ouverture de discussions au sein de l'Alliance sur la situation dans le Nord syrien. Sigmar Gabriel avait lui aussi annoncé le même jour, dans un communiqué, le report d'une autorisation d'exportation d'armements prévue par l'Allemagne pour la Turquie, deux pays membres de l'Alliance atlantique. «Le gouvernement allemand continue à être très préoccupé par le conflit militaire dans le nord de la Syrie, c'est la raison pour laquelle nous nous efforçons avec la France d'empêcher une poursuite de l'escalade, de permettre un accès humanitaire et de protéger la population civile», a-t-il ajouté.
Le ministre allemand des Affaires étrangères a toutefois précisé que «les intérêts de sécurité» de la Turquie dans la zone devaient être pris en compte et que pour parvenir à une solution, la «confrontation militaire» devait tout d'abord prendre fin, soulignant qu'il l'avait déjà «dit à plusieurs reprises au gouvernement turc.»