Le général Lecointre envisage un «engagement majeur» de la France dans un conflit d'ici 2030
Le budget militaire augmente encore cette année en France. Une dynamique sur laquelle compte le chef d’Etat-major des armées pour affronter des menaces qu’il juge toujours plus importantes, évoquant même la possibilité d’un conflit majeur d'ici 2030.
François Lecointre, le chef d’Etat-major des armées (CEMA) français, peut être satisfait. Le budget de la Défense est en hausse pour la troisième année consécutive. Le financement prévu par la loi de programmation militaire (LPM) de 2019-2025 sera donc respecté, avec pour ambition de faire remonter en puissance une armée dont le budget était constamment rogné depuis près de 30 ans. Le 28 septembre, le ministère des Armées a ainsi présenté son nouveau projet de loi de finances (PLF) 2021, qui consacre 39,2 milliards d'euros aux armées, soit une hausse de 1,7 milliard par rapport à 2020, année pour laquelle il s'élevait à 37,5 milliards d'euros.
Montée en puissance de l'armée française
Un effort important est ainsi consenti par l’Etat pour soutenir l’effort de réarmement, mais aussi une filière de défense mise en difficulté par la crise du Covid-19. Il s’agit donc de «40 milliards au titre des équipements des armées», selon la ministre des Armées Florence Parly. Parmi les grands axes d'investissement de ce nouveau PLF figure la hausse des crédits accordés, entre autres, à la protection des soldats ainsi qu'à la modernisation des équipements avec de nombreux nouveaux matériels attendus comme les hélicoptères NH90 Caïman, un satellite Ceres, 14 Mirage 2000D rénovés et 2 C-130 rénovés... L’Armée prépare aussi l’avenir avec le programme du futur char de combat et celui du prochain porte-avions chargé de remplacer le Charles de Gaulle.
Une volonté de renouvellement que rappelle François Lecointre dans un entretien accordé au journal Les Echos du 23 octobre : «La loi de programmation militaire (LPM) actuelle est une loi de réparation pour combler le manque de capacités et remplacer les équipements en fin de vie», a-t-il déclaré, avant de souligner l’impact des deux derniers LPM, qui avaient considérablement réduit les crédits alloués à la Défense, ainsi que des effectifs en constante diminution jusqu’en 2015.
Les Européens doivent développer une capacité de prise en charge de leur propre destin.
Et le général d’annoncer l’ambition de ce LPM : «L'effort de modernisation des Armées françaises est l'objet de la prochaine LPM qui, après la réparation, doit mettre en œuvre des grands programmes structurants comme le char du futur, l'avion du futur, le drone européen qui succédera au Reaper américain, etc.»
Le chef d’Etat-major des armées poursuit en évoquant les objectifs de cette montée en puissance «fixée pour 2030» : permettre à l'armée d'assurer ses missions et de tenir face à un «engagement majeur». Avant d’insister sur l'idée d’un futur conflit important que l’Armée française doit être en mesure d'affronter : «C'est l'hypothèse d'engagement majeur. D'ici 2030, il faudrait être capable, après six mois de montée en puissance, de soutenir un tel engagement pendant six mois. Notre analyse géopolitique nous amène à envisager qu'à cet horizon, nous pourrions être conduits à intervenir en coalition à hauteur de cet effort-là.»
François Lecointre évoque ensuite les différents fronts sur lesquels est impliquée la France comme le Mali, où elle est engagée depuis maintenant sept ans, mais aussi les fortes tensions avec la Turquie, pays avec lequel les relations n’ont eu de cesse de se dégrader cet été et qui aux yeux du général est aujourd’hui «une puissance désinhibée.» Il évoque dans la foulée son soutien à l’OTAN, malgré un contexte de fragilisation de l'Alliance atlantique (ambiguïtés de Donald Trump, tensions intra-OTAN en Méditerranée ou encore de propos d'Emmanuel Macron sur l'état de «mort cérébrale» de l'organisation militaire) : «Une alliance militaire efficace, qui produit de l'interopérabilité, des normes, des plans d'intervention et fait travailler les Etats-majors ensemble».
Et le général français d'ajouter : «Cette alliance est utile et a vocation à protéger face à l'Est et au Sud-Est» – une référence à peine voilée à la «menace russe», régulièrement invoquée par l'Alliance atlantique. Dans ce contexte, le chef d’Etat-major des armées appelle enfin les Européens à «développer, au sein de l'OTAN, une capacité de prise en charge de leur propre destin.»
Benjamin Fayet