Racisme et violences policières : où est Emmanuel Macron ?
Alors que les manifestations contre les violences policières et le racisme se multiplient en France, l'opposition dénonce le silence du président. Celui-ci a enjoint les membres du gouvernement à s'emparer de cette thématique.
«Son silence est volontaire, il ne souhaite pas réagir publiquement à ces événements», faisait savoir l'Elysée, selon une information publiée le 6 juin par la chaîne télévisée BFM TV. Face à la récente multiplication de manifestations contre le racisme et les violences policières, notamment en France, l'absence d'une prise de parole officielle du chef de l'Etat suscite de nombreux commentaires au sein de la classe politique et du monde militant – des commentaires diamétralement opposés selon leurs auteurs.
Le racisme et les violences policières se trouvent actuellement au cœur du débat public en France, des manifestants se référant au mouvement américain Black Lives matter et à la vague de mobilisations ayant fait suite à la mort de George Floyd, lors son interpellation à Minneapolis le 25 mai. Le 6 mai, le ministère de l'Intérieur a dénombré plus de de 23 000 manifestants dans l'ensemble du pays, qui dénonçaient les violences policières et réclamaient «justice pour tous».
En outre, ces thématiques ont été mises en lumière en France avec la récente affaire des messages racistes de policiers diffusés sur un groupe privé, qui a donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire.
Manifestation interdite contre les violences policières : 20 000 manifestants ont défilé à #Paris, selon la préfecture#AdamaTraoré
— RT France (@RTenfrancais) June 2, 2020
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«Silence assourdissant» ces derniers jours : les oppositions haussent le ton
A gauche comme à droite, des adversaires politiques du président de la République ont réagi, ces derniers jours, à son silence. «Il vaudrait mieux que le président prenne la parole» sur le racisme au sein de la police plutôt que «pour vendre des voitures» en se rendant chez Renault, a par exemple déclaré le 7 juin le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, cité par l'AFP.
«Emmanuel Macron devrait dire : "Nous sommes une nation métisse, très mélangée, notre force est d'être capable de trouver une sortie où nous sommes tous unis quelle que soit notre couleur de peau et notre religion"», a encore affirmé le député des Bouches-du-Rhône, selon qui il serait faux de parler d'Etat ou de police «raciste» : «Mais par une forme d'emballement et de surenchère, une fraction significative de la police [...] a glissé vers ces attitudes», a estimé Jean-Luc Mélenchon.
A droite, le président des Républicains Christian Jacob a lui aussi épinglé le silence du locataire de l'Elysée – mais pour des raisons différentes. Le député de droite a ainsi dénoncé le «silence assourdissant du président de la République et du Premier ministre, au moment où la police nationale est humiliée [et où] on a entendu des gens appeler à la révolution et à prendre les armes».
«Des violences policières en France ça n'existe pas, on a vu des violences de manifestants», a également estimé ce 7 juin Christian Jacob au cours de l'émission Le Grand rendez-vous (Europe 1/Cnews/Les Echos). Il s'est aussi dit «profondément choqué par les slogans, la police traitée de raciste et les policiers noirs de vendus par de prétendus manifestants antiracistes» dans les cortèges de la semaine passée.
Polémique : Christian Jacob considère que les #ViolencesPolicieres en France, «ça n'existe pas»#Police#France#LR
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Macron demande au gouvernement d'«accélérer» sur la déontologie policière
Comme le relève Mediapart dans un article publié le 7 juin, le silence d'Emmanuel Macron sur les récents événements s'inscrit à rebours des responsables politiques étrangers qui sont récemment montés au créneau pour dénoncer les violences policières ou le racisme au sein des forces de l'ordre. «Emmanuel Macron ne peut pas réagir systématiquement à tout [mais] il ne se désintéresse pas de ces sujets qui sont entre les mains de son ministre de l’Intérieur et de la garde des Sceaux», affirme son entourage, cité par le média d'investigation.
On ne peut pas rester sans rien faire, on doit pouvoir entendre cette colère
«A l’Elysée, on admet que "20 000 [manifestants] sur des événements qui sont anciens [la mort d’Adama Traoré, au mois de juillet 2016], ça ne passe pas inaperçu"», juge Mediapart qui, après avoir recueilli les témoignages d' élus, fait état d'un certain pessimisme au sein de la majorité présidentielle. «Je pense que c’est un sujet qui va monter très fort [...] On ne peut pas rester sans rien faire, on doit pouvoir entendre cette colère», a par exemple confié un député LREM, dont les propos sont rapportés par le site d'information.
En tout état de cause, comme le rapporte l'AFP ce 8 juin, Emmanuel Macron a d'ores et déjà chargé le Premier ministre et les membres du gouvernement concernés de s'emparer des différents volets du sujet, la déontologie policière mais aussi la politique de la ville et le racisme. «Le président de la République a souhaité qu'on puisse accélérer sur ces choses pour donner à la police les mots d'ordre qu'il faut pour que ce qui peut parfois paraître constituer des dérapages ne se produisent pas», a ainsi expliqué sur CNews le ministre chargé des relations avec le Parlement Marc Fesneau.
De fait, le chef de l'Etat s'est entretenu le 7 juin à ce sujet avec le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, selon la présidence. Emmanuel Macron a ainsi demandé à Christophe Castaner de faire le point sur les questions de déontologie policière et de mener à bien le travail qu'il avait réclamé en janvier au gouvernement pour «améliorer la déontologie» des forces de l'ordre, à la suite de la crise des Gilets jaunes et des manifestations contre la réforme des retraites. Selon son entourage cité par l'AFP, Emmanuel Macron a également demandé à Christophe Castaner «de faire le point sur les mesures envisagées après l'affaire de la boucle WhatsApp» et des propos racistes proférés par des policiers sur les réseaux sociaux.
Le président de la République a aussi demandé à la garde des Sceaux Nicole Belloubet de se pencher sur le dossier du décès d'Adama Traoré.