Qui est Sibeth Ndiaye, porte-parole qui a assumé «mentir pour protéger le président» ?
Ayant vécu le lancement d'En Marche !, Sibeth Ndiaye est récompensée pour son soutien de la première heure. La nouvelle porte-parole du gouvernement a pourtant enchaîné les polémiques. Un choix surprenant en période troublée pour Emmanuel Macron.
Afin de remplacer Benjamin Griveaux, parti briguer l'investiture de La République en marche (LREM) pour les municipales à Paris, Emmanuel Macron s'est tourné vers l'une de ses plus fidèles conseillères pour assurer le rôle de porte-parole du gouvernement : Sibeth Ndiaye.
Ancienne militant de l'UNEF, la Franco-sénégalaise de 39 ans a adhéré dès 2002 au Parti socialiste (PS), avant de rejoindre l'équipe de campagne de Dominique Strauss-Kahn pour la primaire PS en 2006 en compagnie d'autres fidèles de la macronie, comme Ismaël Emelien (secrétaire adjoint de l'Elysée), Stanislas Guérini (délégué général de La République en marche) ou encore... Benjamin Griveaux.
Celle qui sera chargée de pratiquer la pédagogie si chère aux macronistes en pleine crise des Gilets jaunes, a été récompensée «du travail accompli», selon un conseiller de l'exécutif cité par l'AFP. Et pour cause, dès avril 2016, elle a participé aux réunions secrètes préparant le lancement d'En Marche !. Cette fidèle de la première heure joue ensuite un rôle clé, en tant que conseillère en communication, dans l'accession au pouvoir d'Emmanuel Macron le 14 mai 2017. Elle deviendra ensuite conseillère presse auprès de Sylvain Fort, directeur de la communication de l'Elysée et plume du président.
Agissant plutôt en coulisse, celle qui va avancer sur le devant de la scène a déjà enchaîné les polémiques.
Pressions, mensonges et dévotion
Ses méthodes sont en effet peu conventionnelles. «J'assume parfaitement de mentir pour protéger le président», lâche-t-elle par exemple à L'Express en 2017. Des propos qu'elle qualifiera, le 1er avril 2019 de «tronqués» et «sortis de leur contexte».
Sa relation avec la presse est quant à elle houleuse. Conseillère presse du chargé de la communication de l'Elysée, Sibeth Ndiaye n'a pas hésité à interférer directement auprès des rédactions. «Nous appelons les médias quotidiennement quand on a des divergences d'interprétation», explique-t-elle à L'Express. Euphémisme ? Des journalistes rapportent une version moins édulcorée des faits. «Après un papier qu'ils n'ont pas aimé, j'ai été blacklisté», rapporte l'un alors qu'un autre évoque des pressions «lunaires».
Déménagement de la salle de presse de l'Elysée : tout un symbole ?
La nouvelle porte-parole du gouvernement a également été chargée par Emmanuel Macron d'une opération particulièrement décriée : le déménagement de la salle de presse de l'Elysée en dehors du palais présidentiel. Si la conseillère mettait en avant le but de faciliter le travail des journalistes et démentait toute «volonté politique d'écarter la presse», tout le monde ne l'a pas interprété de cette manière.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) s'était ainsi indigné dans un communiqué, d'un «bannissement» de la presse risquant «de faire tache dans [le] quinquennat» d'Emmanuel Macron, et évoquant même un «déni du droit des citoyens à être informés.» «Quelle est cette conception de la démocratie qui consiste à "privatiser" l’Elysée en se débarrassant de tout témoin des activités qui y sont exercées ?», déplorait encore le syndicat.
Tout un symbole ? Sibeth Ndiaye est en effet celle qui gérait le choix des journalistes accrédités dans les déplacements du chef de l'Etat. Or, les choix de l'Elysée en la matière à cette période ne font pas l'unanimité. La décision de sélectionner les journalistes accompagnant Emmanuel Macron pour son premier voyage présidentiel hors d'Europe, au Mali en mai 2017, fait ainsi réagir une quinzaine de médias, qui s'offusquent et interpellent le chef de l'Etat : «Aucun de vos prédécesseurs ne s’est prêté à ce genre de système, au nom du respect de la liberté de la presse.»
En juin, la situation ne s'est guère améliorée et la stratégie de l'exécutif à l'égard de la presse fait monter au créneau une vingtaine de médias (dont certains ayant pourtant ouvertement appelé à voter pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle) dont BFMTV, L'Obs, ou encore Libération. «Face à la liberté d’informer, le nouvel exécutif fait le choix de la tentative de pression, de la répression judiciaire et du procès d’intention», écrivaient-ils, accusant le pouvoir de sélectionner les journalistes autorisés à accompagner le chef de l'Etat ou encore de bloquer l'accès à l'information.
«La meuf est dead»
Le nom de Sibeth Ndiaye, coutumière des polémiques, apparaît également dans la presse en août 2017 lorsque Le Canard enchaîné l'accuse d'avoir rédigé un SMS (dont elle dément toutefois l'existence) au style peu habituel pour une personnalité chargée des relations avec la presse.
A un journaliste qui lui demandait si Simone Veil était bien décédée, elle aurait ainsi, selon le journal satirique, répondu : «Yes, la meuf est dead.» Un langage qui avait suscité l'indignation d'une partie de l'opposition, certains réclamant sa démission.
Le Canard enchaîné écrivait alors qu'Emmanuel Macron n'était pas contre l’idée de «mettre Sibeth Ndiaye sous tutelle». Une position présumée sur laquelle est donc revenu le locataire de l'Elysée, confronté à une vague de départ de ses plus proches collaborateurs. Choix par défaut ou stratégie assumée ?
Louis Maréchal