Censure : après la loi sur l'information, Macron veut encore plus de contrôle de la «vérité»

Censure : après la loi sur l'information, Macron veut encore plus de contrôle de la «vérité»
Montage photo de Unes de magazines consacrées à Emmanuel Macron en 2016.
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Le 31 janvier, Emmanuel Macron recevait des journalistes à l'Elysée pour donner sa vision du journalisme. Après la loi contre la «manipulation de l'information», le chef d'Etat a fait part de son souhait d'aller plus loin dans le contrôle des médias.

En matière d'information, la rhétorique présidentielle est tortueuse, la pensée toujours aussi «complexe». Mais en définitive elle se résume, à un seul postulat : la puissance publique serait le seul garant de la «vérité». C'est, verbatim, le raisonnement qu'Emmanuel Macron aurait déroulé le 31 janvier dernier.

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Ce jour-là, le président recevait pour la première fois de son mandat une poignée de journalistes triés sur le volet. Notamment de BFMTV, de Paris Match du Figaro, pour un «entretien à bâtons rompus», selon les termes de l'AFP. Et de fait, Emmanuel Macron s'est essayé au brainstorming collectif. «Le bien public, c'est l'information. Et peut-être que c'est ce que l'Etat doit financer. Le bien public, ce n'est pas le caméraman de France 3. Le bien public, c'est l'information sur BFM, sur LCI, sur TF1, et partout», a-t-il alors posé comme constat, selon des propos rapportés par Le Point, également convié.

Le président de la République a exprimé une vision de l'information étonnamment orwellienne

Quatre jours après cette discussion, «au coin du feu», le directeur du Point, Etienne Gernelle, n'en revient toujours pas de ce qu'il a entendu. «Le président de la République a exprimé une vision de l'information étonnamment orwellienne», déplore-t-il dans son éditorial du 3 février, reprenant la référence du roman dystopique de George Orwell, 1984. D'autant que face à ses invités, Emmanuel Macron serait allé beaucoup plus loin. «Il faut s'assurer qu'elle [l'information] est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité. Que pour cette part-là, la vérification de l'information, il y ait une forme de subvention publique assumée, avec des garants qui soient des journalistes», a-t-il développé.

Le président de la République aurait-il exprimé le vœu d'une administration verticale, depuis le sommet – l'Elysée – vers le journaliste, et puis, plus bas encore, le citoyen ? Presque. Dans un mouvement dialectique d'«en même temps», «semblant réfléchir à haute voix», selon le témoignage d'Etienne Gernelle, le président a tempéré : «Mais quelque part, cela doit aussi venir de la profession.»

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La loi contre la «manipulation de l'information», premier pas vers un contrôle encore plus strict des médias

Jusqu'à quel point Emmanuel Macron irait-il dans le contrôle ? Quoi qu'il en soit, ces nouvelles considérations du chef de l'Etat confirment, encore une fois, son rapport compliqué aux médias.

Rapport que l'on a pu déceler dès l'ascension médiatique d'Emmanuel Macron, à l'automne 2016, puis lors de la campagne présidentielle de 2017. Après six mois de mandat, devant un aréopage de journalistes issus des grands médias historiques, Emmanuel Macron lançait le 3 janvier 2018 le chantier de la loi contre la désinformation, dans les mêmes termes. «Toutes les paroles ne se valent pas», avait-il alors déjà asséné, évoquant également, dans le même temps, les notions de «vérité» et de «liberté d'expression». «Entre complotisme et populisme, le combat est en effet commun», avait-il encore déclaré, fixant clairement une limite entre un bon et un mauvais journalisme, dont le seul juge seraient des autorités administratives et judiciaire. 

Un an plus tard, la loi contre la désinformation votée malgré un accouchement difficile et l'opposition du Sénat, Emmanuel Macron n'a pas varié. Lors du même entretien avec des journalistes à l'Elysée, le chef de l'Etat a rappelé son attachement à la hiérarchisation de la parole. «Jojo avec un gilet jaune a le même statut qu’un ministre ou un député !», s'était-il exclamé, fustigeant le rôle des chaînes d'information en continu.

Et le président de la République, qui a surfé la vague médiatique en 2016 et 2017 pour émerger comme candidat de premier plan à la présidentielle – bien que n'ayant été jamais élu auparavant –de déplorer la médiatisation des Gilets jaunes. «Dans l'affaire Benalla comme pour les Gilets jaunes, la fachosphère, la gauchosphère, la russosphère représentent 90% des mouvements sur internet. De plus en plus, des chaînes d'information disent ''ceci est important, ceci est légitime'' parce qu'il y a du mouvement sur internet», a-t-il déploré, selon le journaliste du Point, invité lui aussi.

Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité

Le 24 juillet 2018, juste après l'éclatement de l'affaire Benalla, révélée par Le Monde, le chef d'Etat fustigeait déjà ce qu'il qualifiait de «pouvoir médiatique». «Nous avons une presse qui ne cherche plus la vérité», avait-il lancé, en petit comité, derrière les murs de la Maison de l'Amérique latine, à Paris. «Qu’ils soient parfois parlementaires, qu’ils soient commentateurs, qu’ils soient journalistes, les mêmes ont dit des fadaises», avait-il poursuivi, à deux doigts de parler de «fake news» sur Alexandre Benalla...

Emmanuel Macron voudrait-il donc fixer lui-même les lignes éditoriales et la hiérarchisation de l'information dans les rédactions ? Etienne Gernelle tire pour sa part ses propres conclusions : «Vous ne rêvez pas. Le président de la République propose que l'Etat rémunère certains journalistes dans les rédactions. Il envisage sans ciller ce qui ressemble à une nationalisation partielle de la presse.»

Prise de conscience ?

Alexandre Keller

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