Le Sénat rejette une seconde fois le texte controversé sur la «manipulation de l'information»
Les sénateurs ont rejeté une nouvelle fois les propositions de loi contre la «manipulation de l'information», considérant que ce texte restait «inefficace», voire même «dangereux».
Pour la deuxième fois, le Sénat a décide de rejeter ce 6 novembre les propositions de loi controversées contre la «manipulation de l'information» en période électorale. Les sénateurs ont décidé d'adopter à 288 voix pour contre 31, la motion tendant à opposer une question préalable. Fin juillet, le Sénat avait déjà rejeté ces deux propositions de loi, ordinaire et organique, portées par le gouvernement et impulsées par le président Emmanuel Macron.
Déposés en mars dernier, ces textes, qui faisaient référence dans leur appellation originale à la lutte contre les «fausses informations», avaient été adoptés par l'Assemblée, puis votés une nouvelle fois par les députés dans la nuit du 9 au 10 octobre après le premier rejet des sénateurs.
«Un dispositif inefficace contre les vraies menaces»
«Il serait trop dangereux de ne rien faire», avait estimé le ministre de la Culture, Franck Riester, avant ce nouveau vote des deux propositions gouvernementales par le Sénat, invoquant notamment des campagnes supposées de fake news lors de la présidentielle brésilienne et des élections de mi-mandat américaines pour défendre ces textes.
Un texte potentiellement dangereux pour la liberté d'expression
«Le Sénat ne refuse nullement de voir la réalité en face. Au contraire [...] nous estimons indispensable de ne surtout pas y apporter de réponse de circonstance, avec un texte potentiellement dangereux pour la liberté d'expression», a rétorqué Catherine Morin-Desailly, rapporteure centriste qui s'est opposée aux textes. De son côté, Christophe-André Frassa, rapporteur Les Républicains (LR) de la commission des Lois, a pointé du doigt «un dispositif inefficace contre les vraies menaces».
Une telle législation sera inefficace
Dans la même veine, Philippe Bas, sénateur LR de la Manche et président de la commission des Lois, a dénoncé une «idée saugrenue». «Il me semble qu’une telle législation sera inefficace. Elle vise en réalité une cible qui n’est pas la bonne. Ce ne sont pas les fausses informations qu’il faut traquer mais aussi ceux qui les diffusent, les fabriquent. Elle est dangereuse, car il s’agit de restreindre la liberté d’expression…», a-t-il estimé.
"On nous reproche souvent de légiférer sous le coup de l’émotion. Trop de hâte dans le travail législatif peut aboutir à des résultats contre-productifs. Il serait sage de remettre l’ouvrage sur le métier et de ne pas insister."@BasPhilippe lors de l'examen de la #PPL#FakeNewspic.twitter.com/PZ6YBaNbH2
— Républicains Sénat (@lesRep_Senat) 6 novembre 2018
Le député LR des Alpes-maritimes Jean-Pierre Leleux, également critique des propositions de loi, a quant à lui affirmé qu'aucun pays européen, à l'exception de l'Allemagne, n'avait adopté de textes similaires «au nom de la liberté d'expression».
"Notre groupe @lesRep_Senat regrette la précipitation du @gouvernementFR, qui place notre pays dans une logique de contrôle de l’information."
— Républicains Sénat (@lesRep_Senat) 6 novembre 2018
Le sénateur @jpleleux lors de l'examen de la proposition de loi #FakeNews au #Senat. pic.twitter.com/LXDGFJhBLr
A gauche, la sénatrice socialiste Sylvie Robert a fustigé «une réponse juridique parcellaire et inadéquate», tandis que l'élu communiste Pierre Ouzoulias a considéré les mesures «au mieux inopérantes, aux pires liberticides».
Les propositions de loi visent à permettre à un candidat ou parti de saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de «fausses informations» durant les trois mois précédant un scrutin national. Elles imposent aux plateformes numériques (Facebook, Twitter, etc) des obligations de transparence lorsqu'elles diffusent des contenus contre rémunération.
Elles prévoient également des dispositions relatives à l'éducation aux médias et à l'information. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourra suspendre la diffusion de services de télévision contrôlés «par un Etat étranger ou sous l'influence» de cet Etat s'ils diffusent «de façon délibérée de fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin».
Les deux propositions de loi, ordinaire et organique, doivent être définitivement adoptées le 20 novembre par l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
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