Les bébés du djihad sont des «bombes à retardement» pour le procureur de la République de Paris
Dans une interview sur RTL, le procureur de la République de Paris François Molins a insisté sur la dangerosité potentielle des femmes de djihadistes et de leurs enfants. Il a appelé à une prise en charge spécifique des mineurs pour éviter le pire.
A l’heure des discussions concernant le retour en France des familles de djihadistes, le procureur de la République de Paris, François Molins, a tenu à rappeler le danger potentiel de ces enfants qu’il qualifie de «bombes à retardement». Invité sur l’antenne de RTL le 23 janvier, il a mis en lumière les difficultés posées par la prise en charge de ces enfants du djihad.
François Molins s'exprime sur la nécessaire prise en charge des enfants revenus des zones de combats jihadistes #RTLMatinhttps://t.co/TpvSZgz06H
— RTL France (@RTLFrance) January 23, 2018
Selon le procureur, la menace d’attentat en France reste très élevée. Mais il estime plus particulièrement qu'il faut prêter une attention soutenue à la «radicalité et la dangerosité» des femmes de djihadistes et de leurs enfants. En effet, en septembre dernier, lors du commencement de la débâcle progressive de l’Etat islamique (EI), les épouses des djihadistes engagés en Irak et en Syrie ont été amenées à manier les armes. Selon le procureur, des organes officiels de Daesh ont même «appelé les femmes et les enfants à participer au djihad armé». «Il n'est pas exclu qu'il y ait des participations de femmes et de mineurs à des activités combattantes», a-t-il ajouté.
Quelles solutions pour réintégrer ces enfants ? François Molins explique que leurs cas ne sont traités de manière judiciaire qu'à partir de 13 ans et uniquement s'il est avéré que ces mineurs ont participé à «des activités opérationnelles combattantes». Pour les plus jeunes ? François Molins estime que l'Etat doit mettre en place une réponse éminemment liée à l'éducation.
Selon les témoignages qu’il a recueillis, la vie de ces enfants est jalonnée d’épisodes traumatisants. Ce sont des petits «qui ont pu être amenés par leurs parents à voir des décapitations», «qui ont vu des armes tous les jours», qui ont grandi «dans des valeurs non tolérantes, antidémocratiques, anti-tout» – autrement dit, très différentes de celles des sociétés occidentales dans lesquelles ils sont promis à grandir. «Ce sera un des gros enjeux des années à venir», prévient-il. Selon lui, «ces petits, qui sont peut-être des bombes à retardement compte-tenu de ce qu'ils ont vu» doivent être «véritablement éduqués» et bien traités par la France, afin de «retrouver un semblant de vie normale».
L’épineuse question des «revenants»
Selon François Molins, depuis le début du conflit, environ 180 «revenants», ces djihadistes de nationalité française ayant combattu en Irak ou en Syrie, ont pu rentrer en France. Ils n’ont été que 23 en 2017 et deux depuis le début de l'année 2018. Il reste en outre «moins d’une centaine» de partisans de l’EI dans des prisons ou des camps en Syrie et en Irak.
Ces retours au compte-goutte s’expliquent par la réticence des autorités françaises à les accueillir dans l’Hexagone et par la volonté des pays belligérants de les juger eux-mêmes. Pour l’Irak, la question ne fait pas débat : le pays a «toute légitimité pour mettre en œuvre les peines de sa législation», selon François Molins. La Cour pénale centrale de Bagdad a donc condamné à la peine de mort une djihadiste allemande d'origine marocaine le 21 janvier, une première pour la justice irakienne envers une femme européenne. Elle sera exécutée par pendaison pour «soutien logistique et aide à l'organisation terroriste pour commettre des crimes».
Pour le procureur de la République de Paris, «la situation est plus complexe» en Syrie, où les Français djihadistes sont détenus par les forces kurdes ou l'Armée syrienne libre (ASL), des factions qui combattent Bachar el-Assad et «n'ont pas une autorité légitime». Des avocats de femmes djihadistes françaises et de leurs enfants détenus en Syrie ont d'ailleurs porté plainte le 17 janvier contre les autorités françaises, estimant que «ces femmes et ces enfants [étaient] tous détenus sans droit ni titre».