Grand oral devant les forces de l'ordre : le délicat exercice qui attend Emmanuel Macron
Police de proximité, moyens matériels et budgétaires, menace terroriste... Emmanuel Macron prononce un discours face à 500 représentants des forces de l'ordre à l'Elysée, à l'occasion duquel il devra autant clarifier que convaincre.
Emmanuel Macron prononce à 15h ce 18 octobre un discours depuis le palais de l'Elysée face à 500 représentants des forces de l'ordre. Alors que la menace terroriste occupe le devant de l'actualité depuis plusieurs mois et que la grogne policière s'accroît, l'intervention du chef de l'Etat est présentée par son entourage comme «fondatrice».
Dans l'assistance, les directeurs départementaux de la police nationale, les commandants de gendarmerie et les préfets écouteront avec attention les annonces du président. Les préfets et les hauts cadres du ministère de l'Intérieur seront aussi présents. Trois ministres, ceux de l'Intérieur, de la Justice et de la Défense, écouteront également le chef de l'Etat.
L'ampleur de l'événement semble indiquer l'importance accordée par l'Elysée à l'image qui sera renvoyée aux policiers : l'objectif est de montrer que l'exécutif prend très au sérieux la question de la sécurité. Un tel rassemblement à l'Elysée n'a jusqu'à présent été organisé qu'une seule fois, au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Les syndicats attendent des moyens concrets
Interrogés par l'AFP, les syndicats de policiers assurent ne pas avoir d'informations sur la teneur du discours. «Le nœud, c'est le rétablissement de l'autorité de l'Etat, en lien avec la justice. Une énième réforme n'aura pas de sens si on ne traite pas les problèmes dans leur ensemble», prévient Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie-officiers. «Il faut que les policiers aient les moyens de travailler, qu'ils dédient leur temps à leur cœur de métier et non à des tâches indues et qu'ils ne perdent plus leur temps dans la paperasse procédurale», souligne-t-il.
La barre est mise d'autant plus haut que le souvenir des manifestations de policiers après les attaques de Viry-Châtillon, survenues il y a un an, est encore présent dans les esprits de nombreux représentants des forces de l'ordre. Alors que les restrictions budgétaires exigées par l'exécutif semblent n'épargner aucun champ de l'action gouvernementale, Emmanuel Macron validera-t-il une exception pour la police nationale, en annonçant des moyens supplémentaires, notamment pour améliorer les conditions matérielles dans lesquels les policiers travaillent ?
Autre pierre d'achoppement : la question de la police de sécurité quotidienne (PSQ), l'une des principales promesses de campagne d'Emmanuel Macron dans le domaine de la sécurité. Pour l'heure, ses contours restent très flous, mais ses promoteurs insistent sur le fait qu'il ne s'agit pas de rétablir la police de proximité, symbole de la politique sécuritaire de Lionel Jospin, supprimée par Nicolas Sarkozy. Une concertation est annoncée pour la fin de l'année par le ministère de l'Intérieur, alors qu'une trentaine de villes se sont déjà portées candidates pour une expérimentation. Mais l'idée est loin de faire l'unanimité au sein de la police nationale, comme au sein de la classe politique.
Face au terrorisme, ne pas donner l'image d'une désorganisation
Face à une menace terroriste qui reste élevée, Emmanuel Macron ne devrait pas annoncer de nouvelles mesures. Alors que la nouvelle loi antiterroriste a été adoptée par l'Assemblée nationale le 3 octobre dernier, le président devrait plutôt revenir sur la création de la «task force». Ce nouvel instrument de pilotage du renseignement de l'Elysée devrait permettre d'insister sur l'indispensable coopération entre les services et éviter la réalisation de nouveaux attentats. Sur ce sujet également, des voix qui dénoncent une absence de cap lisible et régulier s'élèvent depuis plusieurs semaines.
Ce sentiment de flou a pu être renforcé par des couacs, comme le limogeage du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes après des «dysfonctionnements» qui ont permis la remise en liberté du tueur de Marseille, un Tunisien en situation irrégulière. Sans doute cet épisode a-t-il convaincu Emmanuel Macron de la nécessité d'une mise au point. Le chef de l'Etat avait d'ailleurs annulé un discours sur la sécurité qu'il devait prononcer à Lyon le 29 septembre, choisissant de peaufiner son intervention.
En outre, Emmanuel Macron a promis que tous les étrangers en situation irrégulière qui commettent un délit seraient expulsés. Cette annonce s'inscrit dans le prolongement de la fermeté promise pour la nouvelle loi sur l'immigration et l'asile, attendue début 2018 – autant de points qui complexifient encore davantage la feuille de route du gouvernement en matière de sécurité, et qui concernent en première ligne les services de police. Autant dire qu'Emmanuel Macron aura tout intérêt à être le plus compréhensible et le plus clair possible.
Lire aussi : Pourquoi 70 policiers des stups ont-ils déposé leurs armes ?