Robert Ménard suscite la polémique avec des affiches choc contre la baisse des dotations de l'Etat
La baisse de 300 millions d'euros de dotations de l'Etat suscite la colère des maires, parmi lesquels Robert Ménard, qui a réagi avec une campagne d'affichage. Le préfet de l'Hérault dénonce un populisme rappelant «la propagande d'un autre temps».
Comme de nombreux édiles, Robert Ménard, maire de Béziers, est plus que remonté contre la baisse des dotations de l'Etat annoncée de manière subite par Emmanuel Macron en juillet dernier. Mais là où Robert Ménard se distingue de ses pairs, c'est par son goût de la provocation, comme il l'a de nouveau prouvé en lançant une campagne d'affichage comparant les contraintes budgétaires imposées par l'Etat aux communes à des violences conjugales.
Les réactions indignées n'ont pas tardé à se faire entendre sitôt les affiches découvertes le 15 septembre dernier.
Dotations, logement, emplois aidés, subventions... L'État étrangle nos communes !#ÇaFaitMal#Abandonpic.twitter.com/nJc2y44vLu
— Ville de Béziers (@VilleBeziersOff) 15 septembre 2017
«L'Etat étrangle nos communes». Tel est le slogan choc qu'a choisi la mairie de Béziers pour cette campagne d'affichage. Celui-ci est accompagné d'un dessin tout aussi marquant, représentant un homme s'en prenant à une jeune femme en l'étranglant. Le tout est sous-titré par un mot-dièse supposé résumer l'état d'esprit des collectivités locales, et plus particulièrement celui de la mairie de Béziers, à l'égard de cette baisse des dotations : #CaFaitMal. La mairie de Béziers a également relayé cette nouvelle campagne de communication sur son compte Twitter.
Le préfet de l'Hérault, Pierre Pouëssel, s'est indigné de ce choix visuel, dénonçant par voie de communiqué, cité le 19 septembre par l'AFP, «une affiche scandaleuse». «Elle contient tous les ingrédients d'un populisme de caniveau que le maire de Béziers cultive sans vergogne», s'est-il agacé, faisant référence aux polémiques déjà déclenchées par de précédentes campagnes d'affichage lancées par Robert Ménard. N'hésitant pas à convoquer le souvenir, semble-t-il, de l'Allemagne nazie ou de l'Occupation, le préfet a en outre estimé que l'affiche, «par son graphisme, rappell[ait] des propagandes d'un autre temps qui ont fini dans les poubelles de l'Histoire».
Même son de cloche pour le Mouvement des jeunes socialistes de l'Hérault, qui a exigé le retrait des affiches sur son site internet. Tout en accusant la campagne lancée par la mairie de Béziers de reprendre «des représentations sociales sexistes, propres au patriarcat», l'organisation de jeunesse du Parti socialiste considère qu'elle «banalise encore plus qu’ils ne le sont déjà les comportements de violences et de domination des hommes envers les femmes».
«Ce qui est violent, c'est les 140 salariés qui vont perdre leur travail»
Interrogé par le Midi Libre, Robert Ménard assume et explique sa démarche en opposant à la présumée violence de l'affiche la violence que représenterait la baisse des dotations de l'Etat pour le budget biterrois. «Ce qui est scandaleux et violent, c'est les 140 CAE [contrats d'accompagnement dans l'emploi] qui vont perdre leur travail. Ce qui est scandaleux et violent, c'est les 100 000 euros de subvention supprimés – on vient de l'apprendre – aux associations dans les quartiers en difficultés de Béziers», dénonce-t-il.
Au-delà de la seule baisse des dotations, Robert Ménard s'en prend également aux autres annonces faites récemment par le président de la République, notamment à celles dont il estime qu'elles auront des conséquences néfastes pour sa ville. «Ce qui est scandaleux et violent, c'est les menaces sur la ligne TGV», poursuit-il ainsi, évoquant l'abandon probable du projet de ligne TGV entre Paris et Toulouse récemment évoqué par Nicolas Hulot et Elisabeth Borne, respectivement ministre de la Transition écologique et solidaire et ministre chargée des Transports.
«Ce qui est scandaleux et violent, c'est les changements qu'on nous annonce sur l'accession à la propriété et la défiscalisation qui vont se traduire, s'ils sont mis en application, par plusieurs centaines d'emplois en moins à Béziers», avance-t-il encore, fustigeant les mesures du plan logement annoncé par Emmanuel Macron le 12 septembre dernier, sans pour autant préciser le lien entre celui-ci et les suppressions d'emplois évoquées.
Quant aux accusations de populisme lancées par le préfet à son encontre, Robert Ménard les assume également. «Oui, je m'occupe du peuple !», lance-t-il, avant d'adresser au préfet une pique : «Au même moment où l'Etat supprime des subventions aux associations, on installe la climatisation à la sous-préfecture... Chacun ses choix : moi, je préférerais donner 100 000 euros à des associations qu'installer la clim dans mon bureau !»
Une baisse surprise des dotations qui ne passe pas
Au-delà de la polémique autour des affiches placardées dans la ville de Robert Ménard, la question de la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités locales suscite donc une vaste gronde chez les élus locaux, d'autant que la manière dont elle a été annoncée est pour le moins inhabituelle. Emmanuel Macron avait en effet promis le 17 juillet dernier, alors qu'il s'exprimait à l'occasion de la conférence nationale des territoires au Sénat, de ne pas toucher aux crédits alloués aux collectivités locales pour 2018. Or, à peine trois jours plus tard, le 20 juillet, les élus apprenaient que près de 300 millions de dotations étaient annulés par décret... sur le budget de 2017. Une manœuvre à la fois subite, inattendue et astucieuse, permettant à Emmanuel Macron de ne pas parjurer sa promesse tout en rognant sur les dépenses de l'Etat pour maintenir un déficit en-deçà des 3% du PIB.
Robert Ménard, élu avec le soutien du Front national, est loin d'être le seul à s'offusquer de cette annonce. Olivier Dussopt, député socialiste de l’Ardèche et président de l’Association des petites villes de France (APVF), dénonce au micro de France Info «une trahison». Pour François Grosdidier, sénateur mosellan des Républicains, ce sont les petites communes qui feront les frais de cette baisse. «Contrairement aux grandes communes, les maires de petites communes ne réalisent souvent qu'un seul projet d'investissement pendant leur mandat, voire au cours de la décennie : or cette baisse des dotations va compromettre cet investissement phare et les maires auront donc le choix entre s'endetter, ou renoncer à tout investissement», explique-t-il au Figaro. «Mais il est paradoxal de vouloir baisser la dette publique tout en obligeant les petites villes à s'endetter», note-t-il encore.
En conséquence, l'Association des maires ruraux de France a demandé au président de la République de «revenir sur sa décision», en insistant particulièrement sur les conséquences négatives qu'elle aurait sur les communes rurales. De son côté, l'Association des maires de France a fait savoir qu'elle exigerait du gouvernement «des clarifications et des garanties quant au financement de dotations indispensables à la réalisation des projets d'investissement locaux en cours».
En quoi consiste concrètement la baisse des dotations ?
Ce coup de rabot budgétaire suscite d'autant plus d'irritation chez les élus locaux que leurs collectivités sont loin de faire figure de mauvais élèves en matière budgétaire. La Cour des comptes, dans son dernier rapport, soulignait en effet que les collectivités locales ne représentaient que 20% des dépenses publiques... tout en supportant 50% de l'effort de réduction du déficit sur les trois dernières années. Mais le gouvernement s'est lancé dans un vaste plan de réduction des dépenses et ne semble pas décidé à reculer.
Or, la baisse des dotations décidées par Emmanuel Macron touche au premier chef le financement de l'investissement par les collectivités locales – celles-ci assurent pourtant plus de 70% de l'investissement public total. Sur les 300 millions d'euros supprimés, 216,4 millions concernent en effet la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), destinée aux petites communes, et le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL).
Le gouvernement n'a pour l'instant donné aucun signe laissant supposer qu'il reviendrait sur cette décision ou qu'il engagerait des discussions. Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, avait d'ailleurs tranché la question dès le mois d'août dernier en assurant qu'il ne s'agissait pas d'une baisse de dotations mais d'un simple exercice comptable n'affectant que «des crédits sur des opérations non réalisées». Sans doute Robert Ménard espère-t-il que sa campagne d'affichage permettra de remettre le sujet au centre des débats... et d'obtenir une concession du gouvernement.