«Brutalité sidérante» : la Grande mosquée de Paris porte plainte contre Houellebecq
Le recteur de l'institution religieuse a annoncé le 28 décembre qu'il attaquait l'écrivain en justice pour des propos attisant selon lui l'opposition entre les musulmans et les «Français de souche» et constitutifs d'une «provocation à la haine».
La Grande mosquée de Paris a annoncé le 28 décembre sur Twitter qu'elle portait plainte contre l’écrivain Michel Houellebecq après des «propos très graves» tenus au sujet des musulmans de France, au cours d'un échange avec le philosophe Michel Onfray dans un numéro de la revue Front populaire, publié en novembre.
L'auteur est accusé de «provocation à la haine» par des propos «d'une brutalité sidérante» aux yeux du recteur de l'institution musulmane, Chems-Eddine Hafiz. Plus précisément, le communiqué de la Grande mosquée vise les propos suivants : «Des gens s’arment. Ils se procurent des fusils, prennent des cours dans les stands de tir. Et ce ne sont pas des têtes brûlées.Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamique, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers».
Selon les propos de Michel Houellebecq retranscrits par le communiqué, «le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent».
𝐂𝐎𝐌𝐌𝐔𝐍𝐈𝐐𝐔𝐄 | La Grande Mosquée de Paris porte plainte contre Michel Houellebecq pour les propos très graves qu’il a tenu au sujet des musulmans de France dans une récente interview écrite : pic.twitter.com/JS4NwLM2R8
— Grande Mosquée de Paris (@mosqueedeparis) December 28, 2022
La Grande mosquée de Paris les qualifie d’«inacceptables» et d’une «brutalité sidérante», estimant qu'ils «ne visent pas à éclairer le débat public mais à attiser les discours discriminatoires, et les actes» de même type. Selon l'institution, l'écrivain légitimerait «comme un fait acquis» l’opposition entre musulmans et «Français de souche», et considérerait les premiers comme des éléments «irrécupérables» dont il faudrait envisager de se débarrasser.
La lutte contre les discriminations est un devoir
Tout en se disant prête à accepter «la critique des religions» et un débat ouvert, la Grande mosquée de Paris affirme que «la lutte contre les discriminations est un devoir», en évoquant la récente décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui a validé la condamnation d'Eric Zemmour pour provocation à la discrimination et la haine religieuse envers la communauté musulmane. Ce dernier avait notamment estimé qu'il fallait donner aux musulmans le «choix entre l'islam et la France» et que la France vivait «depuis 30 ans une invasion».
Poursuivant son raisonnement à propos du cas de Michel Houellebecq, Chems-Eddine Hafiz estime que «le débat n'est plus possible» dans la mesure où l'écrivain a lancé «un appel au rejet et à l'exclusion de la composante musulmane dans son ensemble». Ce qui justifie selon lui le recours à la justice, le recteur de la Grande mosquée donnant rendez-vous à l'écrivain devant le tribunal correctionnel «pour lui opposer ce que dit le droit». La démarche de Chems-Eddine Hafiz a été saluée par la maire de Paris Anne Hidalgo, qui lui a apporté «tout son soutien» sur Twitter.
Le recteur a pris position à plusieurs reprises dans le débat public pour s'opposer aux «discours de haine» visant selon lui la communauté musulmane. Dans une tribune parue dans Le Monde le 14 février, il avait appelé les Français à s’inscrire sur les listes électorales et à se rendre aux urnes «pour sanctionner les chantres du racisme et ceux qui toisent les Français de confession musulmane et ergotent sur les fondements de l’islam sans les connaître».