Brésil : le cours du groupe public Petrobras s’effondre après une intervention de Jair Bolsonaro
- Avec AFP
Les actions du géant pétrolier brésilien ont fondu à la Bourse de Sao Paulo, les marchés ayant négativement réagi à la désignation d'un général à la tête de l'entreprise, perçue comme un signe d'ingérence du gouvernement Bolsonaro dans l'économie.
Les actions ordinaires du géant pétrolier Petróleo Brasileiro S.A. plus connu sous le nom de Petrobras ont perdu 20,48% à la clôture le 22 février et les préférentielles 21,51%, tandis que l'indice Ibovespa (le CAC 40 brésilien) cédait 4,87% et que le réal perdait 1,26% face au dollar.
A la dernière cotation de la fin de semaine précédente, les actions de Petrobras avaient déjà chuté de plus de 7% à la suite de déclarations du président brésilien Jair Bolsonaro qui avait évoqué des «changements» à venir chez Petrobras. La perte de capitalisation boursière a atteint plus de 100 milliards de réais (15 milliards d’euros) lors de ces deux séances, dont 72 milliards dans la seule journée du 22.
La raison de ce plongeon : l'annonce en fin de semaine de la non-reconduction du président de Petrobras, Roberto Castello Branco, auquel Jair Bolsonaro reproche quatre augmentations successives des prix des combustibles en moins de deux mois (+35% depuis le début de l'année). A sa place, il a désigné un général de réserve, Joaquim Silva e Luna, ex-ministre de la Défense, dont le nom doit encore être approuvé par le conseil d'administration du groupe, mardi.
«Impulsion autoritaire», «intervention militaire» : les critiques ont fusé dans les éditoriaux des principaux journaux brésiliens, tandis que de nombreux analystes craignent que ce changement intempestif à la tête du géant pétrolier n'entame sérieusement la crédibilité du Brésil auprès des investisseurs étrangers.
Le président a, quant à lui, réagi à la dégringolade du cours des actions de la plus grande compagnie publique du pays, en stigmatisant les milieux d'affaires. «Cela montre que certaines personnes liées aux marchés financiers sont très satisfaites d'une politique de Petrobras qui n'avait qu'un seul but : servir les intérêts de certains groupes au Brésil», a-t-il déclaré le 22 février devant des partisans à la sortie de sa résidence officielle du palais de l'Aurore (Palácio da Alvorada).
«Le pétrole est-il à nous ou à un petit groupe de Brésiliens ?»
«Le pétrole est-il à nous ou à un petit groupe de Brésiliens ?», a-t-il demandé. Ces propos font redouter aux milieux d’investisseurs brésiliens un virage à 180 degrés par rapport aux promesses de campagne du président Bolsonaro, qui avait nommé au ministère de l'Economie l'ultra-libéral Paulo Guedes.
«Avec le changement à la tête de Petrobras, le gouvernement a fait clairement preuve d'ingérence parce que Bolsonaro est contre l'augmentation systématique de prix des combustibles», a expliqué à l'AFP Alex Agostini, de l’agence de notation d’origine brésilienne Austin Rating. Le consultant, estime en outre que Jair Bolsonaro, dont la cote de popularité a baissé, a en tête la prochaine élection présidentielle qui doit avoir lieu en 2022.
Le chef de l'Etat s'est pourtant défendu de toute ingérence dans la fixation des prix des combustibles. «Vous avez vu les prix baisser ? Où est l'ingérence ? Tout ce que j'exige de la part de Petrobras, c'est de la transparence et de la prévisibilité». Il avait aussi reproché publiquement au président de Petrobras d’avoir dirigé l’entreprise en télétravail au cours des 11 derniers mois au nom des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus.
La nomination du nouveau président de Petrobras par Jair Bolsonaro a été qualifiée dans un éditorial, publié dans Folha de S. Paulo, de «réaction démagogique à ces hausses de prix qui gênent ses alliés camionneurs», en référence à la menace de grève des chauffeurs routiers, qui avaient paralysé le pays en 2018.
Petrobras a été fondée en 1953 en tant que monopole d'Etat avant d’ouvrir largement son capital aux investisseurs privés. C'est maintenant une société cotée en bourse à São Paulo et à New York, dont le gouvernement brésilien détient 36,8% des actions et 50,5% des droits de vote. Le géant pétrolier brésilien, reste très lourdement endetté, même s’il a fait passer ses engagements de 126 milliards de dollars en 2015 à 57 actuellement, au prix d’une politique de cessions d’actifs, notamment des installations de raffinerie.