A trois semaines d’une date butoir, les négociations post-Brexit sont toujours au point mort
Faute d’un accord pour une nouvelle période de transition d’ici la fin juin, Londres et Bruxelles risquent d’échouer à signer un accord commercial sur leur relation future capable d’éviter le vide juridique au 1er janvier 2021.
Le quatrième et dernier «round» planifié de négociations pour trouver un accord régissant les futures relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (EU) s’est achevé le 5 juin sans «progrès substantiels», selon le négociateur en chef de l’union européenne, le Français Michel Barnier. Un point de vue partagé par son homologue britannique David Frost.
«Nous ne pourrons pas continuer éternellement comme ça», a ajouté le négociateur européen. Et en effet, les deux parties ne disposent plus de beaucoup de temps pour parvenir à un accord sur leur relation future en mesure d’entrer en vigueur le 1er janvier 2021, soit le lendemain de la fin de l’actuelle période de transition, justement prévue pour trouver cet accord.
Car il faudrait d’abord qu’il soit ratifié par les parlements de l’Union européenne et du Royaume-Uni. La date limite pour y parvenir est le 31 octobre, selon Michel Barnier. Et au cas où une rallonge à cette période de transition serait nécessaire pour finaliser l'accord, les deux parties devraient impérativement en convenir d’ici la fin du mois de juin. Or, pour le moment, le Premier ministre britannique s’est toujours déclaré opposé cette éventualité.
Malgré cela, Michel Barnier a affirmé n’avoir «aucun doute» que serait trouvé «dans le courant de l'été et au plus tard au début de l'automne, un terrain d'entente».
Quatre sujets qui fâchent
Cependant quatre points de friction demeurent. La pêche tout d’abord : Londres ne veut pas inclure dans l’accord l’accès à ses eaux territoriales pour les bateaux de pêche sous pavillon d’un Etat membre de l’UE et demande des quotas renégociés annuellement.
Deuxième point de friction majeur : une situation de concurrence non faussée, dite en bruxellois «level playing field». Elle implique que les entreprises commerciales des deux côtés de la Manche soient soumises à un certain nombre de règles communes dans les domaines sociaux, fiscaux et environnementaux. Mais à Londres, cette exigence est perçue – et surtout a été présentée dans les médias britanniques – comme la volonté de maintenir le Royaume-Uni dans le cadre de la réglementation européenne.
Les deux derniers points concernent les instances d’arbitrage entre les deux ensembles devant faire respecter ce dont il aura été convenu, ainsi que la transcription dans les accords des engagements mutuels à l’égard des droits de l’homme.
Les #EtatsUnis 🇺🇸 et le #RoyaumeUni 🇬🇧 entament leurs négociations pour un accord de libre-échange
— RT France (@RTenfrancais) May 5, 2020
➡️ https://t.co/yUfXBb23YXpic.twitter.com/aaFpJI6bwQ
Faute d’accord, dès le 1er janvier 2021, les relations commerciales entre les deux entités ne reposeront plus que sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce et pourraient avoir pour conséquences des taxes d’importation allant jusqu’à 40%. Les chalutiers espagnols, français ou portugais, n’auraient plus droit de laisser trainer leurs filets dans les eaux britanniques dont dépend une bonne part de leur activité. De leur côté, les sociétés financières britanniques perdraient automatiquement le «passeport européen» pour le marché unique des services financiers. Une menace sérieuse pour la City de Londres.
Les Britanniques ne font même plus semblant de négocier […] Il n'y a eu aucun effort de leur part
Selon une «source européenne» citée par l’AFP : «Les Britanniques ne font même plus semblant de négocier […] Il n'y a eu aucun effort de leur part.» Des deux côtés de la Manche, on se rejette la responsabilité de l’impasse. Bruxelles plaide la mauvaise foi de Londres qui refuserait désormais un certain nombre de principes fixés dans la Déclaration politique révisée du 17 octobre 2019, signée par Boris Johnson. Celle-ci, modifiée après le départ du Premier ministre Theresa May en juillet 2019, est censée «établir le cadre de la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni».
Toutefois David Frost a semblé vouloir minimiser l’importance de ce texte en déclarant que son contenu n’avait pas vocation à être transformé en traité contraignant. Londres ne voudrait, selon plusieurs hauts responsables britanniques, qu’un accord de libre-échange classique comme celui qui a été signé entre le Canada et l’Union européenne.
David Frost s’étonne régulièrement que l’Union européenne accepte par exemple de renégocier chaque année ses droits de pêche avec la Norvège alors qu’elle refuse cette idée dans le cas du Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni aurait beaucoup plus à perdre que l'UE
Récemment Michel Barnier a affirmé que le Royaume-Uni avait beaucoup plus à perdre que l’Union européenne en cas d’échec des négociations car, selon lui, l’UE représente 47% des débouchés des marchandises britanniques alors que le Royaume-Uni n’absorbe que 7% des exportations des pays membres de l’Union.
Le négociateur est aussi perçu à Londres comme un fonctionnaire européen n’ayant toujours pas accepté la réalité du Brexit. Ses déclarations récentes selon lesquelles l’accord en négociation n’avait pour but que de limiter les dégâts d’une situation où les deux ensembles seront perdants ont sans doute renforcé cette impression.
Aussi, alors que les quatre seuls rounds de négociations prévus n’ont pour le moment apporté aucune perspective d’accord négocié dans les délais prévus, les espoirs se reportent sur une conférence de haut niveau d’ici la fin du mois. Elle réunira la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le premier ministre Boris Johnson et le président du Conseil européen Charles Michel.
Lire aussi : Brexit effectif : ce qui change, ce qui ne change pas et ce qui reste à négocier