«Sortie de crise» de la Grèce : Macron supprimera-t-il son tweet après l'analyse de Varoufakis ?
Professionnels de l'économie, Emmanuel Macron et Yanis Varoufakis ont, chacun de leur côté, commenté la fin du dernier plan de sauvegarde accordé à la Grèce par la Troïka. Mais les deux anciens ministres ne semblent pas partager le même optimisme...
Le 20 août 2018, la Grèce sortait officiellement du dernier des trois plans successifs d'aide financière pilotés par la Troïka. Celle-ci correspond aux trois institutions (Banque centrale européenne, Commission européenne et Fonds monétaire international) qui supervisent «les plans de sauvetage» des pays membres de l'UE, en contrepartie desquels les Etats concernés doivent entreprendre des mesures structurelles censées garantir leur solvabilité auprès de leurs créanciers.
Alors qu'Emmanuel Macron et Yanis Varoufakis ont tous deux commenté la fin du troisième plan de perfusion économique préparé par ses créanciers pour la Grèce, les deux anciens ministres, respectivement de l'Economie et des Finances, ont établi des conjectures sensiblement différentes quant à l'avenir économique de la République hellénique.
Fort d'un parcours à travers lequel il n'a pas manqué de côtoyer les chiffres, tant avec sa carrière d'associé-gérant de la Banque Rothschild qu'avec son expérience au ministère de l'Economie, le dirigeant français s'est félicité le 20 août de «la sortie de la crise du peuple grec».
La fin aujourd’hui du plan de soutien signe pour le peuple grec la sortie de la crise qu’il a affrontée avec un courage et une dignité qui forcent le respect. La France demeure à ses côtés pour que nous construisions ensemble, avec nos partenaires, l’avenir de l’Union européenne.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 20 août 2018
Si ce seul tweet ne saurait résumer de façon exhaustive les observations d'Emmanuel Macron sur la question de la dette grecque, le chef d'Etat français n'a jamais caché son intérêt pour le pays, du moins pour les enjeux qu'il y décèle dans le cadre de son projet de «refondation démocratique de l'Europe». Ainsi, le 7 septembre 2017, Emmanuel Macron déclarait haut et fort depuis Athènes : «Je n’ai pas choisi la Grèce par hasard pour une première visite d’Etat.»
#Opinion📝
— RT France (@RTenfrancais) 12 septembre 2017
Sur la colline du Pnyx, Emmanuel #Macron se livre à une escroquerie majeure
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Dans son tweet du 20 août 2018, le locataire de l'Elysée évoque un «plan de soutien». Cette formulation aurait de quoi faire bondir Yanis Varoufakis qui préfère parler d'une «prison de la dette». Car, de son point de vue, le plan de sauvegarde imposé par la Troïka n'avait rien d'un «soutien».
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«Augmentation de la dette», «désertification», «enrichissement des banques» : le tableau de Varoufakis
Professeur d'économie et auteur de nombreux ouvrages universitaires, l'ancien ministre grec des Finances (premier semestre 2015) a accordé un entretien au quotidien allemand Bild, dont il a posté, le 22 août, l'intégralité sur son site.
Il y dénonce les conséquences négatives, selon lui, des trois plans de sauvegarde conduits par la Troïka. L'économiste est catégorique : «Les demandes de coupes budgétaires des créanciers ont empêché les investissements et la consommation.»
L'argent était destiné aux banques allemandes et françaises
Yanis Varoufakis déplore aussi l'évolution de la situation économique de son pays qui a poussé, selon lui, à une «désertification» : «Depuis 2010, les jeunes n'ont eu de cesse de quitter le pays, ces dernières années, à une fréquence de 15 000 par mois.»
La responsabilité d'Angela Merkel
En outre, conscient de s'adresser à un journal allemand, l'économiste grec n'a pas manqué de pointer la responsabilité de la chancelière Angela Merkel dans la mise en place desdits plans de sauvegarde : «Vous les Allemands, avez été dupés par madame Merkel, deux fois [...]. Une fois quand elle comparé le premier plan de sauvetage à un acte de solidarité envers les Grecs, alors que l'argent [en question] était destiné aux banques allemandes et françaises qui ont prêté des sommes importantes à l'Etat grec et à l'oligarchie [...]. Une deuxième fois lorsqu'elle a promis que les prêts seraient remboursés avec des intérêts : cela était impossible au vu de la faillite de la Grèce.»
Interrogé à plusieurs reprises sur Angela Merkel, l'économiste ne mâche pas ses mots. Certes, il rend hommage à son «charme particulier», qui lui aurait permis de «détruire [François] Hollande» et qu'«elle utilisera de la même façon avec [Emmanuel] Macron». Mais il a affirme aussi qu'Alexis] Tsipras a été un «jeu d'enfant» pour Angela Merkel et précise : «Elle lui a beaucoup promis et ne lui a rien donné. Par exemple, elle lui avait promis un allègement de la dette qu'elle a plus tard empêché.»
Il est absolument indispensable que le pays soit prêt à retourner à sa monnaie nationale
Dressant pour le quotidien allemand un portrait beaucoup plus sombre de la situation économique de la Grèce que ne le suggère le récent tweet d'Emmanuel Macron (pour qui Yanis Varoufakis avait par ailleurs appelé à voter lors de l'élection présidentielle française de 2017), l'économiste grec a également accordé, le 20 août 2018, un entretien au quotidien britannique The Times. Dans cette interview, Yanis Varoufakis affirme : «Pendant la majeure partie de la dernière décennie, la Grèce a vécu la plus grande catastrophe économique en temps de paix depuis la Grande Dépression [...] Il est donc absolument indispensable que le pays soit prêt à retourner à sa monnaie nationale.»
Ces propos sont sans équivoque pour celui qui s'était positionné contre le Brexit lors du référendum britannique sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne. En effet, il avait qualifié l'UE d'«Etat scandaleux», mais considéré que «vouloir le déchirer n'[était] pas la solution».
Fabien Rives